Cons. Const., 10 juin 1998

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 2 juin 1998 ;



- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE ET DES DROITS ET LIBERTÉS DES EMPLOYEURS ET DES SALARIÉS :
24. Considérant que les auteurs de la requête soutiennent, en premier lieu, que la loi déférée affecte la liberté d'entreprendre " en ce qu'elle oblige l'employeur et les salariés à négocier en préjugeant le résultat de cette négociation et en l'imposant " ; qu'en deuxième lieu, ils indiquent que la loi " réalise une immixtion directe dans les droits et libertés des employeurs en imposant une durée de travail réduite par rapport aux besoins des entreprises ,...à seule fin de régler un problème social, l'exclusion, dont les entreprises ne sont pas responsables ";
qu'ainsi, aux échéances fixées par l'article 1er de la loi déférée, celle-ci contraindrait les employeurs à avoir recours, pour la même production, à un nombre supérieur de salariés, portant à la liberté d'entreprendre une atteinte injustifiée par l'objectif de réduction du chômage que s'assigne le législateur, objectif dont la réalisation n'est au demeurant nullement garantie, comme le démontrent de nombreuses expertises ; qu'enfin, ils soulignent que le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel affecte la liberté de négociation des partenaires sociaux en imposant " une remise en cause des conventions collectives en vigueur, des contrats de travail individuels et des conditions de rémunération " ; qu'ainsi les atteintes portées aux principes de valeur constitutionnelle sus-évoqués seraient manifestement disproportionnées au regard de l'objectif de sauvegarde de l'emploi poursuivi par le Gouvernement ;
25. Considérant, en premier lieu, que ni l'article 2, ni l'article 3 de la loi déférée n'imposent de négociation collective ; que l'article 3 se borne à mettre en place un dispositif incitatif tendant à ce que le plus grand nombre d'entreprises engagent des négociations permettant de réduire la durée du travail avant les échéances fixées par l'article 1er ; qu'ainsi, le premier grief manque en fait ;
26. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, à la condition que lesdites limitations n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée ; qu'il revient par ailleurs au législateur de fixer les principes fondamentaux du droit du travail, et notamment de poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés ; qu'en réduisant, à l'article 1er de la loi, de trente-neuf à trente-cinq heures, la durée légale du travail effectif, en 2000 ou 2002, selon les cas, et en prévoyant, à l'article 3, un dispositif visant à inciter les employeurs à réduire la durée du travail avant ces échéances, le législateur a entendu, dans le contexte actuel du marché du travail, s'inscrire dans le cadre du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946;
27. Considérant, d'une part, que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne saurait ainsi rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ;
28. Considérant, d'autre part, que l'article L. 212-1 bis, ajouté au code du travail par l'article 1er de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, précise que : "Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés ainsi que pour les unités économiques et sociales de plus de vingt salariés reconnues par convention ou décidées par le juge, sauf si cet effectif est atteint entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1" ; qu'aux termes de l'article L. 200-1 du même code : "Sont soumis aux dispositions du présent livre les établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s'ils ont un caractère d'enseignement professionnel et de bienfaisance, les offices publics et ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles et les syndicats professionnels et associations de quelque nature que ce soit..." ; qu'il résulte de ces dispositions que la réduction de la durée légale du travail effectif s'appliquera aux entreprises et établissements ci-dessus énumérés, aux échéances fixées selon l'effectif de salariés qu'elles comportent ; qu'en dépit des contraintes qu'elle fait peser sur les entreprises, cette règle nouvelle ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte telle qu'elle en dénaturerait la portée, alors surtout qu'il ressort des travaux préparatoires que sa mise en oeuvre s'accompagnera de mesures "d'aide structurelle" aux entreprises ;
29. Considérant, enfin, que le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en l'espèce, les incidences de l'entrée en vigueur des articles 1er et 3 de la loi déférée sur les contrats de travail ainsi que sur les accords collectifs en cours, lesquelles sont au demeurant inhérentes aux modifications de la législation du travail, ne sont pas de nature à porter une telle atteinte à cette exigence ; que le grief doit donc être écarté ;

J.O. 14 /06/1998

Cons. Const. 13 janvier 2000

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;
Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 98-401 DC du 10 juin 1998 relative à la loi du 13 juin 1998 précitée;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 6 janvier 2000 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des saisines demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi relative à la réduction négociée du temps de travail ;

En ce qui concerne l'atteinte à la liberté contractuelle :
37. Considérant que les requérants soutiennent qu'à divers titres la loi déférée porterait à la liberté contractuelle une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaîtrait la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'ils font ainsi valoir que le II de l'article 28 romprait l'équilibre des accords déjà conclus en application de la loi susvisée du 13 juin 1998 ; que ne seraient pas respectés par les articles 2, 5, 8, 9, 11, 17, 19 et 32 certains dispositifs figurant dans les accords ;
38. Considérant qu'aux termes du V de l'article 8 de la loi déférée : " Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. Toutefois, à compter de la date à laquelle la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures, les heures excédant une durée moyenne sur l'année de trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1600 heures sont des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 du même code " ; qu'à ceux du sixième alinéa du I de l'article 17 de la loi : " Les dispositions relatives à la formation négociées postérieurement à la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail sont applicables pour une durée maximum de trois ans, sous réserve du respect de l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de l'employeur et de l'initiative du salarié ou de son accord écrit. Au terme de cette période, elles doivent être mises en conformité avec les dispositions de l'accord national interprofessionnel étendu. A défaut, un nouveau cadre sera fixé par la loi. " ; qu'à ceux, enfin, du II de l'article 28 de la loi déférée : " A l'exception des stipulations contraires aux articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus de l'article 5 de la présente loi, les clauses des accords conclus en application des dispositions de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée et contraires aux dispositions de la présente loi continuent à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant, et au plus tard pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi " ;
39. Considérant que les deux saisines font grief à ces dispositions de porter atteinte à la liberté contractuelle des partenaires sociaux en privant d'effets, à l'expiration d'un délai qu'elles fixent, sauf à être renégociés dans l'intervalle, les accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998 précitée ; que certaines modifications apportées au code du travail par la loi déférée feraient en effet obstacle, selon les requérants, à l'application de nombreuses clauses de ces accords ; qu'il en serait ainsi pour le régime des heures supplémentaires, pour l'annualisation de la durée de travail, pour le temps de travail des cadres, pour la formation professionnelle et pour les compensations salariales ;
40. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi " ; qu'à ceux du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises " ;
41. Considérant que l'article 1er de la loi susvisée du 13 juin 1998 a inséré dans le code du travail un article L. 212-1 bis ainsi rédigé : " Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés..." ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ... " ; que les accords collectifs conclus par les partenaires sociaux et, selon les cas, conventionnés ou étendus par l'autorité administrative dans les conditions prévues par l'article 3 de ladite loi déterminent notamment " les modalités d'organisation du temps du travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris celles relatives aux personnels d'encadrement ... " ; qu'en outre, aux termes de l'article 13 de la loi précitée : " Au plus tard le 30 septembre 1999, et après concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan de l'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et sur l'organisation des entreprises. Le rapport présentera les enseignements et orientations à tirer de ce bilan pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail prévue à l'article 1er, en ce qui concerne notamment le régime des heures supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi, la place prise par la formation professionnelle dans les négociations et les modalités particulières applicables au personnel d'encadrement ... "; qu'enfin, il convient de relever que l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail précisait que le projet de loi, qui devait être ainsi proposé au Parlement, ne remettrait pas en cause les accords passés " dans le cadre légal actuel " ;
42. Considérant qu'il était loisible au législateur de tirer les enseignements des accords collectifs conclus à son instigation en décidant, au vu de la teneur desdits accords, soit de maintenir les dispositions législatives existantes, soit de les modifier dans un sens conforme ou non aux accords ; que, toutefois, sauf à porter à ces conventions une atteinte contraire aux exigences constitutionnelles susrappelées, il ne pouvait, dans les circonstances particulières de l'espèce, remettre en cause leur contenu que pour un motif d'intérêt général suffisant ;
43. Considérant que le législateur ne pouvait décider en l'espèce d'une telle remise en cause que si celle-ci trouvait sa justification dans la méconnaissance par les accords des conséquences prévisibles de la réduction de la durée du travail inscrite à l'article 1er de la loi susvisée du 13 juin 1998 ou dans leur contrariété avec des dispositions législatives en vigueur lors de leur conclusion ;
44. Considérant que certaines des dispositions introduites par la loi déférée dans le code du travail modifient ce dernier dans un sens contrariant l'application de clauses substantielles figurant dans plusieurs accords conclus en vertu de la loi susvisée du 13 juin 1998, alors que ces clauses n'étaient contraires à aucune disposition législative en vigueur lors de leur conclusion et ne méconnaissaient pas les conséquences prévisibles de la réduction de la durée du travail décidée par le législateur en 1998 ; qu'il en est ainsi, en particulier, des dispositions de l'article 8 de la loi déférée qui plafonnent désormais à 1600 heures par an la durée du travail que peut prévoir un accord collectif tendant à la variation de la durée hebdomadaire au cours de l'année, alors que plusieurs accords prévoient un volume annuel d'heures de travail qui, sans contrevenir aux dispositions législatives en vigueur lors de leur conclusion, y compris celles relatives aux jours fériés, et sans excéder la moyenne hebdomadaire de trente-cinq heures résultant de l'article 1er de la loi du 13 juin 1998, est néanmoins supérieur à 1600 heures au cours de l'année ; qu'il en va de même des dispositions de l'article 6 qui réduisent de quarante-six à quarante-quatre heures la durée hebdomadaire moyenne du travail, calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, prévue à l'article L. 212-7 du code du travail, alors que certains accords l'avaient fixée à quarante-cinq ou quarante-six heures ;
45. Considérant qu'en n'écartant pas du champ d'application de telles dispositions les entreprises couvertes par les accords collectifs contraires, pendant toute la durée de ceux-ci, la loi déférée a méconnu les exigences constitutionnelles susrappelées ;
46. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les mots: ", et au plus tard pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi " figurant au II de l'article 28 ; qu'il n'en est pas de même, en revanche, des mots : " A l'exception des stipulations contraires aux articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus de l'article 5 de la présente loi ", les modifications apportées par la loi déférée aux articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail étant sans rapport avec les accords conclus en application de la loi susvisée du 13 juin 1998, ou bien constituant des conséquences prévisibles de la réduction à trente-cinq heures de la durée légale hebdomadaire du travail ;
47. Considérant que, pour des motifs analogues à ceux qui ont été exposés ci-dessus, il y a également lieu de déclarer non conformes à la Constitution les mots : " et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1600 heures " figurant au V de l'article 8, ainsi que les mots : " pour une durée maximum de trois ans, sous réserve du respect de l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de l'employeur et de l'initiative du salarié ou de son accord écrit. Au terme de cette période, elles doivent être mises en conformité avec les dispositions de l'accord national interprofessionnel étendu. A défaut, un nouveau cadre sera fixé par la loi " figurant au sixième alinéa du I de l'article 17 ;
48. Considérant, enfin, que manque en fait le grief tiré par les sénateurs requérants de ce qu'en " prédéterminant " le contenu des différents accords collectifs qu'elle prévoit, la loi déférée dénaturerait le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

(décide l'inconstitutionnalité)

J.O. 20/01/2000

Conseil constitutionnel
lundi 13 janvier 2003 -
Décision N° 2002-465 DC

Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi
Journal officiel du 18 janvier 2003, p. 1084

1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi ; qu'ils contestent plus particulièrement le B de son article 2 et son article 16 ; qu'à l'encontre de l'une et l'autre de ces dispositions ils invoquent l'atteinte qu'aurait portée le législateur au principe dit « de faveur » et à la liberté contractuelle ;

Sur le grief tiré de l'atteinte à un principe fondamental reconnu par les lois de la République :

2. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions déférées porteraient atteinte à un principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel la loi ne pourrait permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux conventions de portée plus large que dans un sens plus favorable aux salariés ;

3. Considérant que le principe ainsi invoqué ne résulte d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et notamment pas de la loi du 24 juin 1936 susvisée ; que, dès lors, il ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, par suite, le grief n'est pas fondé ;

Sur le grief tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle :

4. Considérant que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

En ce qui concerne l'article 16 de la loi déférée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 : « Sont réputées signées sur le fondement de la présente loi les stipulations des conventions ou accords collectifs de branche étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application des lois n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail » ;

6. Considérant qu'il ressort des débats parlementaires à l'issue desquels a été adoptée cette disposition que celle-ci a pour seule portée de rendre insusceptibles d'être contestés à l'avenir devant la juridiction compétente les accords antérieurs qui n'étaient pas conformes à la législation applicable lors de leur signature, mais seraient conformes aux dispositions de la loi déférée ; que, dès lors, l'article 16 ne saurait être interprété comme conférant aux accords antérieurs d'autres effets que ceux que leurs signataires ont entendu leur attacher ; que, sous cette réserve, le grief manque en fait ;

En ce qui concerne le B de l'article 2 de la loi déférée :

7. Considérant qu'aux termes du B de l'article 2 : « Les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article » ;

8. Considérant que, sous l'empire de la législation antérieure à la loi déférée, et notamment des articles L. 212-5-1 et L. 212-6 du code du travail, les « contingents conventionnels d'heures supplémentaires » avaient pour objet de fixer non le seuil de déclenchement du repos compensateur, lequel était déterminé par décret, mais le nombre d'heures supplémentaires au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail devait être recueillie ;

9. Considérant que la disposition contestée attache aux « contingents conventionnels d'heures supplémentaires » antérieurs un effet qu'ils n'avaient pas lors de leur conclusion, puisqu'ils fixent désormais, outre le seuil au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise, le seuil de déclenchement du repos compensateur obligatoire ;

10. Considérant, toutefois, que la disposition contestée ne donne une portée nouvelle qu'aux conventions et accords collectifs étendus qui ont prévu un contingent conventionnel d'heures supplémentaires inférieur au contingent fixé par le décret du 15 octobre 2002 susvisé ; que, si le contingent conventionnel est supérieur au contingent réglementaire, c'est ce dernier qui s'appliquera ; que c'est donc le dépassement du plus bas de ces deux contingents qui déclenchera le repos compensateur obligatoire ;

11. Considérant, en conséquence, que la disposition critiquée améliore la situation des salariés concernés au regard du droit au repos reconnu par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, dans ces conditions, elle ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle à l'économie des contrats légalement conclus ;

12. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution

...