Cass. com., 7 avril 1998.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 janvier 1996), que la société Automobiles Citroën a refusé le 25 avril 1990 de conclure un nouveau contrat de concession automobile avec la société Alès auto, son ancien concessionnaire ; que celle-ci, qui ne conteste pas le caractère régulier de la résiliation du contrat de concession dont elle bénéficiait, a assigné la société Citroën devant le tribunal de commerce en responsabilité pour pratiques discriminatoires et refus de vente au sens de l'article 36, alinéas 1 et 2, alors en vigueur, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Alès auto fait grief à l'arrêt, d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, que le choix d'un concessionnaire exclusif par un industriel parmi plusieurs candidats constitue une pratique discriminatoire prohibée par l'article 36, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à cet égard violé par l'arrêt attaqué, puisqu'il affecte les conditions et modalités de vente ou d'achat lorsqu'il a pour effet de priver le partenaire économique dont la demande de nouvelle concession est rejetée des conditions et modalités consenties aux seuls concessionnaires exclusifs et crée de la sorte un désavantage dans la concurrence, et l'industriel doit alors le justifier par des contreparties réelles et objectives seules susceptibles de légitimer cette discrimination au regard des dispositions de l'article 10 de ladite ordonnance ;
Mais attendu que l'arrêt a retenu, à bon droit, que le règlement d'exemption n° 123-85 de la Commission des Communautés européennes rend inapplicable l'article 85, alinéa 1, du Traité instituant la Communauté européenne aux restrictions de concurrence que constitue en matière de concession exclusive automobile l'interdiction de livrer les revendeurs non agréés, faisant ainsi ressortir que la licéité d'un accord de concession automobile exempté en application du règlement d'exemption de la Commission ne peut être contestée sur ce fondement au regard de l'article 36, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen, réunis :
Attendu que la société Alès auto fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la faute reprochée à la société Citroën pour avoir refusé de communiquer les critères de sélection auxquels son concessionnaire offrait de se soumettre et avoir rejeté sa candidature pour une nouvelle concession à compter du 1er janvier 1991, constituait le fait générateur du préjudice invoqué et qu'à cette date, soit le 25 avril 1990, il n'était pas contesté que les parties étaient encore partenaires économiques ; qu'en appréciant le principe de la responsabilité à une date postérieure, l'arrêt attaqué procède donc d'une violation de l'article 36, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que si le concédant peut traiter avec la personne de son choix et écarter une candidature au profit d'une autre, en fonction de son appréciation personnelle des qualités de chaque candidat, il demeure tenu par les mêmes textes de ne pas agir de manière discriminatoire, ce qui l'oblige à communiquer les critères conformes à l'article 10-2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sur lesquels portera l'appréciation personnelle des qualités de chaque candidat, appréciation qui ne peut en aucun cas relever de l'arbitraire pur, qui n'autoriserait aucun contrôle et n'offrirait aucune garantie contre une discrimination subjective étrangère à toute appréciation des qualités de chaque candidat ; alors que le principe de la liberté de choix du partenaire dans les contrats conclus intuitu personae ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de soustraire un constructeur automobile à l'application des dispositions d'ordre public de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'en vertu des dispositions combinées de ses articles 7 à 10 et de l'article 36, paragraphes 1 et 2, qui interdisent respectivement des pratiques anticoncurrentielles, les pratiques discriminatoires et refus de vente le concédant ne dispose du droit discrétionnaire (mais non arbitraire) d'agréer ou de refuser une personne physique ou morale sollicitant son entrée dans le réseau qu'à charge pour lui d'établir d'abord que sa décision d'admission ou de rejet de candidature à son réseau de distribution repose sur des critères objectifs, nécessaires et non discriminatoires ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 7 à 10 et 36, paragraphe 2, de l'ordonnance susvisée ;
Mais attendu que l'arrêt a retenu, à bon droit, que le concédant a le droit de traiter avec le cocontractant de son choix, qu'il n'est pas tenu de motiver sa décision ni de communiquer les critères selon lesquels ce choix est exercé ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Bull. n°126