Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 janvier 1996), que la société Automobiles Citroën a refusé le 25 avril 1990 de conclure un nouveau contrat de concession automobile avec la société Alès auto, son ancien concessionnaire ; que celle-ci, qui ne conteste pas le caractère régulier de la résiliation du contrat de concession dont elle bénéficiait, a assigné la société Citroën devant le tribunal de commerce en responsabilité pour pratiques discriminatoires et refus de vente au sens de l'article 36, alinéas 1 et 2, alors en vigueur, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Alès auto fait grief à l'arrêt,
d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, que le choix d'un
concessionnaire exclusif par un industriel parmi plusieurs candidats constitue
une pratique discriminatoire prohibée par l'article 36, paragraphe 1,
de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à cet égard violé
par l'arrêt attaqué, puisqu'il affecte les conditions et modalités
de vente ou d'achat lorsqu'il a pour effet de priver le partenaire économique
dont la demande de nouvelle concession est rejetée des conditions et
modalités consenties aux seuls concessionnaires exclusifs et crée
de la sorte un désavantage dans la concurrence, et l'industriel doit
alors le justifier par des contreparties réelles et objectives seules
susceptibles de légitimer cette discrimination au regard des dispositions
de l'article 10 de ladite ordonnance ;
Mais attendu que l'arrêt a retenu, à bon droit, que le règlement
d'exemption n° 123-85 de la Commission des Communautés européennes
rend inapplicable l'article 85, alinéa 1, du Traité instituant
la Communauté européenne aux restrictions de concurrence que constitue
en matière de concession exclusive automobile l'interdiction de livrer
les revendeurs non agréés, faisant ainsi ressortir que la licéité
d'un accord de concession automobile exempté en application du règlement
d'exemption de la Commission ne peut être contestée sur ce fondement
au regard de l'article 36, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre
1986 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches,
et le troisième moyen, réunis :
Attendu que la société Alès auto fait grief à l'arrêt
d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la
faute reprochée à la société Citroën pour avoir
refusé de communiquer les critères de sélection auxquels
son concessionnaire offrait de se soumettre et avoir rejeté sa candidature
pour une nouvelle concession à compter du 1er janvier 1991, constituait
le fait générateur du préjudice invoqué et qu'à
cette date, soit le 25 avril 1990, il n'était pas contesté que
les parties étaient encore partenaires économiques ; qu'en appréciant
le principe de la responsabilité à une date postérieure,
l'arrêt attaqué procède donc d'une violation de l'article
36, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article
1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que si le concédant peut traiter
avec la personne de son choix et écarter une candidature au profit d'une
autre, en fonction de son appréciation personnelle des qualités
de chaque candidat, il demeure tenu par les mêmes textes de ne pas agir
de manière discriminatoire, ce qui l'oblige à communiquer les
critères conformes à l'article 10-2, de l'ordonnance du 1er décembre
1986, sur lesquels portera l'appréciation personnelle des qualités
de chaque candidat, appréciation qui ne peut en aucun cas relever de
l'arbitraire pur, qui n'autoriserait aucun contrôle et n'offrirait aucune
garantie contre une discrimination subjective étrangère à
toute appréciation des qualités de chaque candidat ; alors que
le principe de la liberté de choix du partenaire dans les contrats conclus
intuitu personae ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de soustraire un
constructeur automobile à l'application des dispositions d'ordre public
de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'en vertu des dispositions combinées
de ses articles 7 à 10 et de l'article 36, paragraphes 1 et 2, qui interdisent
respectivement des pratiques anticoncurrentielles, les pratiques discriminatoires
et refus de vente le concédant ne dispose du droit discrétionnaire
(mais non arbitraire) d'agréer ou de refuser une personne physique ou
morale sollicitant son entrée dans le réseau qu'à charge
pour lui d'établir d'abord que sa décision d'admission ou de rejet
de candidature à son réseau de distribution repose sur des critères
objectifs, nécessaires et non discriminatoires ; d'où il suit
qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié
légalement sa décision au regard des articles 7 à 10 et
36, paragraphe 2, de l'ordonnance susvisée ;
Mais attendu que l'arrêt a retenu, à bon droit, que le
concédant a le droit de traiter avec le cocontractant de son choix, qu'il
n'est pas tenu de motiver sa décision ni de communiquer les critères
selon lesquels ce choix est exercé ; que les moyens ne sont
pas fondés ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Bull. n°126