Cour de Cassation, Chambre civile, 15 avril 1872

LA COUR,
Ouï M. Greffier, conseiller, en son rapport ; Maître Pougnet, substituant Maître Christophle, avocat des demandeurs, et Maître Lesur, avocat du défendeur, en leurs observations, et M. Charrins, avocat général, en ses conclusions ; après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de cet article les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites
;
Qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent, et de modifier les stipulations qu'elles renferment ;

Attendu que la clause invoquée par les demandeurs en cassation pour refuser le payement des primes réclamées par Ringault, en exécution d'un avis réglementaire affiché dans l'usine de la société veuve Foucauld et Coulombe, porte en termes exprès "qu'il est bien entendu que, n'importe pour quel cas, la prime demeurera facultative ;"
Que cette clause, par laquelle ladite société stipule qu'elle ne pourra être contrainte en payement de la prime, est formelle et opposable dans tous les cas, aux ouvriers de l'usine ;

Qu'en vain, pour n'en point faire l'application au litige soumis à sa juridiction, le conseil des prud'hommes de Flers s'appuie, d'une part, sur ce que Ringault aurait effectué son travail conformément à l'avis dont il s'agit, et, d'autre part, sur ce qu'il aurait précédemment touché des primes ; qu'en effet, les demandeurs, en effectuant le payement de ces primes, comme depuis en refusant de les accorder à Ringault, ont usé de la faculté dont ils s'étaient réservé, par la clause susvisée, de faire ou de ne pas faire usage, suivant leur volonté ;
D'où il suit qu'en condamnant la société veuve Foucauld et Coulombe à payer les primes réclamées par Ringault, le jugement attaqué a formellement violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil :

Par ces motifs, CASSE
GAJC, T. II, n° 160