LA COUR,
Ouï M. Greffier, conseiller, en son rapport ; Maître Pougnet, substituant
Maître Christophle, avocat des demandeurs, et Maître Lesur, avocat
du défendeur, en leurs observations, et M. Charrins, avocat général,
en ses conclusions ; après en avoir délibéré conformément
à la loi ;
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de cet article les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions
sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent,
et de modifier les stipulations qu'elles renferment ;
Attendu que la clause invoquée par les demandeurs en cassation pour
refuser le payement des primes réclamées par Ringault, en exécution
d'un avis réglementaire affiché dans l'usine de la société
veuve Foucauld et Coulombe, porte en termes exprès "qu'il est bien
entendu que, n'importe pour quel cas, la prime demeurera facultative ;"
Que cette clause, par laquelle ladite société stipule qu'elle
ne pourra être contrainte en payement de la prime, est formelle et opposable
dans tous les cas, aux ouvriers de l'usine ;
Qu'en vain, pour n'en point faire l'application au litige soumis à sa
juridiction, le conseil des prud'hommes de Flers s'appuie, d'une part, sur ce
que Ringault aurait effectué son travail conformément à
l'avis dont il s'agit, et, d'autre part, sur ce qu'il aurait précédemment
touché des primes ; qu'en effet, les demandeurs, en effectuant le payement
de ces primes, comme depuis en refusant de les accorder à Ringault, ont
usé de la faculté dont ils s'étaient réservé,
par la clause susvisée, de faire ou de ne pas faire usage, suivant leur
volonté ;
D'où il suit qu'en condamnant la société veuve Foucauld
et Coulombe à payer les primes réclamées par Ringault,
le jugement attaqué a formellement violé les dispositions de l'article
1134 du Code civil :
Par ces motifs, CASSE
GAJC, T. II, n° 160