Civ. 1ère, 10 juillet 1996.
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que, le groupement agricole d'exploitation en commun de Sainte-Marguerite
(le GAEC), qui a acheté en 1987 à la société Irrivert
(la société) un pivot d'arrosage, dont trois travées se
sont effondrées au mois de mai 1990, fait grief à l'arrêt
attaqué (Toulouse, 10 mai 1994) de l'avoir débouté de sa
demande en résolution du contrat de vente, alors, selon le moyen, que,
d'une part, tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue
en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer
ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude
à atteindre le but recherché, et qu'en refusant dès lors
de retenir que la société avait manqué à son devoir
de mise en garde en n'avertissant pas le GAEC, au moment de la vente, que la
trop forte salinité de l'eau risquait à terme d'endommager l'installation,
la cour d'appel a violé les articles 1147, 1604 et 1184 du Code civil
; alors que, d'autre part, aux termes de l'article 2 du décret n°
78-464 du 24 mars 1978, dans les contrats de vente conclus entre des professionnels
et des non-professionnels ou des consommateurs, est interdite comme abusive
au sens de l'alinéa 1er de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10
janvier 1978, (devenu l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa
rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995)
la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le
droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas
de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations
; que la clause incluse dans les conditions générales du contrat
de vente rédigé par la société, selon laquelle les
devis ne comportant pas l'analyse de la composition chimique du sol et des eaux,
celle-ci ne peut encourir aucune responsabilité directe ou indirecte
en cas de corrosion due à l'un quelconque de ces facteurs, est abusive
en tant qu'elle a pour effet de faire échec à la responsabilité
de cette société à raison de la violation de son obligation
de mise en garde contre la salinité de l'eau, et qu'en déclarant
cependant cette clause opposable au GAEC, dont elle a relevé la qualité
de simple consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés
;
Mais attendu, d'abord, que, compte tenu des termes de la clause critiquée,
la cour d'appel a pu juger qu'il appartenait au GAEC de prendre toutes les précautions
indispensables pour, le cas échéant, se prémunir contre
la salinité de l'eau, et qu'il ne peut être reproché à
la société Irrivert d'avoir manqué à son devoir
de conseil ;
Et attendu, ensuite, que si la cour d'appel énonce, par un motif erroné,
que le GAEC peut être considéré comme un simple consommateur
pour, d'ailleurs, ensuite retenir que la clause litigieuse n'était pas
abusive, le contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle
de l'acheteur ; que, dès lors, il échappe à l'application
tant du décret n° 74-464 du 24 mars 1978 que de l'article L. 132-1
du Code de la consommation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
CCC 2000 (hors série), n°44
Cass. 1ère civ., 5 mars 2002.
Attendu que la SAADEG, locataire d'un terrain appartenant à la Chambre
de commerce et d'industrie de Bayonne de 1984 à 1990, a souscrit, le
4 mars 1986, un contrat d'abonnement auprès de la Régie des eaux
de Bayonne ; qu'au titre du second semestre de l'année 1989, la facturation
d'eau s'est révélée beaucoup plus élevée
que lors des semestres précédents ; qu'après recherches,
il est apparu que cette surconsommation était due à une fuite
dans le branchement entre le compteur et l'entreprise ; que la SAADEG a, alors,
fait assigner la Régie des eaux devant le tribunal d'instance de Bayonne
aux fins de fixer la créance à 300 francs au lieu de 23 256,02
francs et d'ordonner la restitution de l'indu ; que l'arrêt attaqué
a fait droit à cette demande, après avoir constaté que
la clause du contrat d'abonnement interdisant une telle réclamation était
abusive ;
Sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction initiale,
alors applicable ;
Attendu que, pour juger que le texte susvisé était applicable
à l'espèce, l'arrêt attaqué se borne à mentionner
que le consommateur doit, au sens de ce texte, être considéré
comme celui qui, dans le cadre de sa profession, agit en dehors de sa sphère
habituelle de compétence et se trouve dans le même état
d'ignorance que n'importe quel consommateur, et que tel était le cas
de la SAADEG ; qu'en se prononçant ainsi par une simple affirmation,
sans rechercher si le contrat de fourniture d'eau avait un rapport direct avec
l'activité de la SAADEG, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision au regard du texte susvisé
;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens : CASSE
ET ANNULE
JCP 2002, II, 10123