Civ. 1ère, 12 juillet 1989.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'en 1981, M. Pirmamod, parapsychologue, a vendu à Mme Guichard,
elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d'occultisme
pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n'ayant
pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance
d'injonction de payer, à l'encontre de laquelle Mme Guichard a formé
contredit ; que l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté
M. Pirmamod de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait
une cause illicite ;
Attendu que M. Pirmamod fait grief audit arrêt d'avoir ainsi statué,
alors, selon le moyen, d'une part, que la cause du contrat ne réside
pas dans l'utilisation que compte faire l'acquéreur de la chose vendue,
mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu'en prenant
en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de
l'acquéreur, la cour d'appel aurait violé les articles 1131, 1133
et 1589 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en déclarant nulle
pour cause illicite la vente d'objets banals au prétexte que ceux-ci
pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu'il soit nécessaire
que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans
qu'il y ait lieu de tenir compte de l'utilisation personnelle que l'acquéreur
entend faire à l'égard des tiers de la chose vendue, l'arrêt
attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;
Mais attendu, d'abord, que si la cause de l'obligation de l'acheteur
réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison
de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le
mobile déterminant, c'est-à-dire celui en l'absence duquel l'acquéreur
ne se serait pas engagé ; qu'ayant relevé qu'en l'espèce,
la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre
l'exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant
la contravention prévue et punie par l'article R. 34 du Code pénal,
la cour d'appel en a exactement déduit qu'une telle cause, puisant sa
source dans une infraction pénale, revêtait un caractère
illicite ;
Attendu, ensuite, que M. Pirmamod exerçait la même profession de
parapsychologue que Mme Guichard, qu'il considérait comme sa disciple
; qu'il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d'occultisme
à celle-ci était destinée à lui permettre d'exercer
le métier de devin ; que la cour d'appel n'avait donc pas à rechercher
si M. Pirmamod connaissait le mobile déterminant de l'engagement de Mme
Guichard, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux
branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
JCP 1990, II, 21546