Conseil constitutionnel
mardi 9 avril 1996 - Décision n° 96-375 DC

Loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
Journal officiel du 13 avril 1996, p. 5730
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social ;
Vu le code de la consommation ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 3 avril 1996 ;
Vu les observations en réplique présentées par les auteurs de la saisine le 5 avril 1996 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et notamment son article 47 et le I de l'article 87 ;
(…) - SUR LE I DE L'ARTICLE 87 DE LA LOI :
(…)7. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine soutiennent tout d'abord que cette disposition porterait une très grave atteinte au principe de la séparation des pouvoirs en conduisant au rejet de la plupart des recours actuellement pendants devant la juridiction judiciaire et en interdisant aux justiciables s'estimant lésés par une mauvaise application de la loi de faire utilement valoir leurs droits devant le juge ; qu'ils font valoir au surplus à cet égard que l'intervention du législateur contreviendrait aux articles 6-1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'ils affirment également que l'article 87-I porterait atteinte au principe de non rétroactivité des sanctions pénales et des sanctions ayant le caractère d'une punition ; que le législateur aurait procédé à une validation des offres de prêts ne reposant sur aucun motif tiré de l'intérêt général et qu'il chercherait au contraire à défendre des intérêts particuliers qui ne concernent même pas l'ensemble de la profession bancaire ; que les auteurs de la saisine soutiennent enfin que la disposition contestée porterait de multiples atteintes au principe d'égalité, tant entre les emprunteurs qu'entre les établissements bancaires ;

(…)11. Considérant par ailleurs qu'en déclarant régulières les offres de prêts ayant méconnu les dispositions relatives à l'échéancier des amortissements prévues par le 2° de l'article L. 312-8 du code de la consommation, le législateur a entendu éviter un développement des contentieux d'une ampleur telle qu'il aurait entraîné des risques considérables pour l'équilibre financier du système bancaire dans son ensemble et, partant, pour l'activité économique générale ; que le Conseil constitutionnel ne disposant pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, il ne lui appartient pas de se prononcer en l'absence d'erreur manifeste sur l'importance des risques encourus ; que le législateur a pris soin de limiter la portée de la disposition contestée aux offres de prêts qui auront indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre ou la durée du prêt ainsi, le cas échéant, que les modalités de leurs variations ; qu'il résulte nécessairement de l'objet de la loi, d'une part que les emprunteurs qui n'ont pas bénéficié au moment de l'offre de prêt des dispositions relatives à l'échéancier des amortissements prévues par le 2° de l'article L. 312-8 précité se trouveront placés dans la même situation que ceux qui en ont bénéficié, d'autre part que les banques se trouveront au regard de ces dispositions dans la même situation qu'elles les aient ou non respectées ; enfin que s'il résulte du I de l'article 87 que des emprunteurs se trouvent traités différemment selon que les litiges qui les opposent aux établissements prêteurs ont ou n'ont pas déjà été tranchés par les juridictions avant l'intervention du législateur, cette différence procède de l'interdiction faite au législateur de censurer les décisions des juridictions et d'enfreindre par là même le principe de séparation des pouvoirs ; que le I de l'article 87 doit dès lors être regardé comme ayant répondu à un but d'intérêt général et que les griefs tirés de la méconnaissance de ce dernier comme du principe d'égalité ne sauraient qu'être écartés ;
Décide :
L'article 47 et le I de l'article 87 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ne sont pas contraires à la Constitution
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