Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 16 mars 1994 Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 24 novembre
1981, les époux Ghozael ont accepté l'offre d'un crédit
de 330 000 francs, remboursable en deux cent quarante échéances
mensuelles progressives, destiné à financer l'acquisition d'un
bien immobilier, offre présentée par la BCT Midland bank, devenue
la Midland bank SA, et qui était soumise aux dispositions de la loi n°
79-596 du 13 juillet 1979 ; que les échéances n'étant plus
payées, la banque a fait vendre le bien, retirant de cette vente la somme
de 196 508,40 francs ; qu'elle a ensuite assigné les emprunteurs en paiement
de la somme de 468 664,61 francs en principal et intérêts au taux
conventionnel ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,
19 décembre 1991) de l'avoir déclarée déchue du
droit aux intérêts conventionnels et d'avoir condamné les
époux Ghozael au paiement d'un solde de 54 380,04 francs avec intérêts
légaux à compter dudit arrêt alors que, d'une part, il résulte
du rapprochement des articles 5 et 9 de la loi du 13 juillet 1979 que l'exigence
d'information de l'emprunteur sur la nature, l'objet, et les modalités
du prêt immobilier doit figurer dans l'offre préalable et non dans
l'acte notarié subséquent ; qu'en isolant la clause de l'acte
authentique de vente relative à l'application de la loi précitée,
et en refusant d'examiner la déclaration, signée et approuvée
par les époux Ghozael lors de leur acceptation, d'où ressortait
leur reconnaissance d'une communication de " l'échéancier
des amortissements " et de la remise du document, la cour d'appel a violé
les articles 5 et 9 de la loi du 13 juillet 1979 et inversé la charge
de la preuve, la contestation de cette décharge écrite imposant
la preuve contraire auxdits époux ; alors que, d'autre part, en l'absence
de toute précision dans la loi du contenu de l'échéancier
des amortissements notamment quant à une ventilation des intérêts,
de l'amortissement et des autres débours, l'arrêt attaqué
n'a dénié la validité de l'offre, qui renseignait complètement
les emprunteurs sur la nature, l'objet et les modalités du prêt,
qu'au prix d'un manque de base légale au regard des articles 5 et 31
de la loi susvisée ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé
que l'article 5 de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 (= art.
L. 311-8 et s. Code consommation) dispose que les prêts
que le texte régit doivent faire l'objet d'une offre précisant
la nature, l'objet et les modalités du prêt, notamment celles qui
sont relatives aux dates et conditions de mise à la disposition des fonds
ainsi qu'à l'échéancier des amortissements,
les juges du second degré ont justement considéré qu'un
tableau qui se contenterait de détailler les dates des échéances
et leur montant global, sans préciser la part du remboursement affecté
dans chacune d'elles à l'amortissement du capital par rapport à
celle couvrant les intérêts, ne satisferait pas aux exigences légales
;
Qu'ils ont encore relevé que l'" échéancier
des amortissements ", versé par la banque aux débats, n'avait
pas été annexé à l'acte authentique de vente et
qu'ainsi, seul figurait dans l'offre acceptée et annexée audit
acte authentique un tableau des échéances avec leur date et leur
montant global ; que, compte tenu du taux d'intérêt élevé,
de la longue durée du prêt et de la minoration des premières
échéances, le prêt proposé comportait au début
un amortissement négatif, conduisait à une augmentation de fait
du capital, que seul un échéancier des amortissements conforme
aux exigences légales pouvait mettre en lumière cette particularité
; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a estimé, sans inverser la charge de
la preuve, que la déclaration des époux Ghozael ne suffisait pas
à établir que cet échéancier des amortissements
était joint à l'offre lorsqu'ils l'avaient acceptée, en
a déduit, à bon droit, que le non-respect des exigences
de l'article 5 entraînait pour le prêteur, en application de l'article
31 de la même loi, la déchéance du droit aux intérêts
;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1994 I N° 100 p. 76
Voir aussi Cass. civ 1re, 20 juill. 1994, Bull. civ. I, no 262 ; Defr. 1995,
art. 36024, p. 350, obs. D. Mazeaud ; D. 1995, somm., 314, obs. J.-P. Pizzio
; Banque, 1994, no 549, p. 94, obs. J.-L. Guillot ; Droit et patrimoine, 1995.79,
obs. B. Saint-Alary ; Defr., 1995, art. 36024, no 22, p. 350, obs. D. Mazeaud
; RD bancaire et bourse, 1994, no 46, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard
; JCP E 1995, no 696, p. 111, obs. A. Gourio.