Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 5 janvier 1999 Rejet.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 24 juillet 1996), qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Cristalleries et verreries d'art de Vianne (la société), cette société et son administrateur judiciaire M. Audinet, ont engagé une action en responsabilité à l'encontre de la Banque Midi-Pyrénées (la banque), aux droits de laquelle est venue la Société générale pour maintien abusif puis rupture brutale des concours, ainsi qu'à l'encontre de M. Miginiac directeur administratif et financier de la société ; que M. Leray est intervenu à l'instance en sa qualité de représentant des créanciers ; qu'un plan de continuation ayant été arrêté, l'action en responsabilité a été poursuivie par la société et par M. Leray pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ; qu'à la suite de l'ouverture d'une nouvelle procédure de redressement judiciaire, M. Lavergne nommé administrateur judiciaire et M. Leray nommé représentant des créanciers sont intervenus à l'instance ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité pour rupture brutale des crédits alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se déterminant par de tels motifs qui laissent incertain le fondement de la condamnation prononcée à l'encontre de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de préciser en quoi, la circonstance que le responsable de la banque ait établi, lors de la dénonciation des concours intervenue en avril 1991, des lettres antidatées, destinées à justifier après coup, de sa connaissance de la situation financière de l'entreprise dès la fin de l'année 1990, était de nature à rendre fautive la décision de résiliation elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 ; alors, ensuite, qu'en affirmant que la banque avait retiré " soudainement " son concours, sans s'expliquer sur les termes de la lettre de dénonciation des crédits du 15 avril 1991, qui impartissait à la société, en application de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, un délai de deux mois pour clôturer ses comptes, ce qui s'agissant d'un crédit à durée indéterminée, était exclusif de toute brusque rupture, la cour d'appel a privé encore sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; alors, en outre, que la banque est tenue d'interrompre ses concours lorsque la situation de l'entreprise est telle que le dépôt de bilan est inéluctable, en sorte que l'arrêt qui constate que le retrait du concours de la banque dès le mois d'avril 1991, aurait inéluctablement conduit la société au dépôt de bilan, n'a caractérisé ni la faute de la banque, ni le lien de causalité entre la décision de retrait des crédits et le dommage résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, privant derechef sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et alors, enfin, qu'en tout état de cause, en ne précisant pas quel préjudice était susceptible de causer à la société le fait de recevoir des lettres antidatées qui n'étaient destinées à produire effet que dans les relations de la banque et de son préposé et qui ne comportaient, de surcroît, aucune altération de la vérité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que la banque qui connaissait la situation difficile de la société a pourtant diminué puis interrompu soudainement son concours dans des circonstances anormales en utilisant, pour justifier son comportement, des lettres qui n'ont pas été expédiées aux dates indiquées, parmi lesquelles figurait la lettre de dénonciation du concours qui n'a pas été adressée aux dirigeants de la société mais seulement à M. Miginiac ; qu'il relève encore que le retrait brusque du concours représentant 10 % des crédits dont disposait la société a entraîné inéluctablement la déclaration de cessation des paiements de cette dernière ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que la banque avait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois.
Publication : Bulletin 1999 IV N° 3 p. 3
Revue de jurisprudence commerciale, 1999-10, n° 10, p. 414, note J.-L. COURTIER.