Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 22 mars 2005 Cassation.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., client du Crédit
industriel de l'Ouest (la banque) depuis 1985 et courtier en assurance depuis
1990, a obtenu, pour son financement professionnel, des concours successifs
de la banque auxquels celle-ci a mis fin en juin 1995 ; que M. X... a été
mis en redressement puis liquidation judiciaires en janvier et février
1997 ; que faisant valoir que la banque, par l'octroi de crédits abusifs,
avait artificiellement concouru à l'aggravation du déficit de
M. X... et maintenu une fausse apparence de solvabilité de nature à
induire en erreur d'autres créanciers, Mme Y..., liquidateur judiciaire
de M. X..., a assigné la banque en paiement de dommages-intérêts
;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour retenir la responsabilité de la banque, l'arrêt
relève que dès 1991, lorsqu'elle a accordé les concours
litigieux, elle avait connaissance des difficultés de l'entreprise, que
le fonctionnement des comptes avait entraîné des agios de plus
en plus importants, que les échéances de prêts n'ont plus
été payées à partir de mars 1994 ; qu'il relève
encore que la banque a cumulé les garanties, ce qui confirmait la connaissance
par elle de la situation compromise de son client et qu'elle a enfin rompu ses
crédits lorsqu'elle a pris conscience de la ruine de son client en juin
1995 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à faire
apparaître que la banque avait ou bien pratiqué
une politique de crédit ruineux pour l'entreprise devant nécessairement
provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières,
ou bien apporté un soutien artificiel à une entreprise
dont elle connaissait ou aurait dû connaître, si elle s'était
informée, la situation irrémédiablement compromise,
la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision
;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la banque à payer la totalité de l'insuffisance
d'actif de son client, sans exclure du préjudice mis à sa charge
les créances nées antérieurement à 1993, l'arrêt
retient que la banque aurait dû cesser ses concours après 1993
au motif, à supposer la faute caractérisée, qu'elle avait
soutenu artificiellement l'activité de M. X... et, en concourant à
l'aggravation de son déficit, maintenu ainsi une fausse apparence de
solvabilité de nature à induire en erreur d'autres créanciers
;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de crédit
qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective
de son client n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance
d'actif qu'il a ainsi contribué à créer, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2005 IV N° 67 p. 70
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 22 mars 2005 Rejet.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 septembre 2002), qu'aux
termes de deux actes des 26 novembre 1992 et 16 juin 1994, M. X... s'est porté
caution solidaire de la société JBCF Import (la société),
au profit du Crédit lyonnais (la banque) à concurrence d'une certaine
somme ; qu'assigné en paiement par la banque à la suite de la
mise en liquidation judiciaire de la société, le 19 juin 1996,
M. X... a notamment soutenu, pour réclamer des dommages-intérêts
à la banque, qu'elle avait accordé un crédit disproportionné
avec les possibilités de l'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné
à payer en qualité de caution à la banque la somme de 1
000 000 francs en principal et d'avoir au contraire rejeté intégralement
sa demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre
la banque du chef de soutien abusif au créancier alors, selon le moyen
:
1 / que commet une faute la banque qui alloue un crédit disproportionné
à une entreprise qui, dès sa création, présente
d'ores et déjà un important débit ; qu'en l'espèce,
il était constant que la banque avait alloué un crédit
de trésorerie de 1 000 000 francs à la société dès
le démarrage de son activité qui avait commencé à
être d'emblée déficitaire ; que la cour d'appel, en refusant
d'en déduire une faute de la banque a violé l'article 1382 du
Code civil ;
2 / que la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer qu'il n'était
pas anormal de consentir un découvert dès la création de
la société, sans rechercher si, comme le faisait valoir M. X...
, l'octroi d'un crédit de trésorerie de 1 000 000 francs avant
le moindre début d'activité permettant d'établir la viabilité
de l'entreprise ne caractérisait pas une faute de la banque ; qu'en l'absence
de cette recherche, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé
sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code
civil ;
Mais attendu, d'une part, que la circonstance que
le crédit de trésorerie ait été accordé à
une entreprise, avant toute activité et pour en permettre le démarrage,
afin de financer l'activité d'achat et de revente de produits n'est
pas de nature à lui seul à caractériser un comportement
fautif de la banque ;
Attendu que l'arrêt retient qu'il n'était pas anormal que, dès
la création de la société, un découvert ait été
consenti pour permettre l'acquisition du stock et qu'il n'était pas discuté
devant la cour d'appel que les crédits avaient été consentis
sur la base d'un programme prévisionnel d'activités attesté
par des bons de commande fournis à la banque,
Et attendu, d'autre part, qu'il n'est ni établi
ni même allégué par la caution que ces prévisions,
en l'état des perspectives de développement de la société,
qui venait de se créer, étaient irréalistes,
c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait,
sans encourir les griefs du pourvoi ; D'où il suit que le moyen n'est
fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande
de M. X... et le condamne à payer au Crédit lyonnais la somme
de 1 500 euros ;
Publication : Bulletin 2005 IV N° 68 p. 71