Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 19 juin 1990 Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 29 septembre 1988), que des
créanciers de la société Damblat, laquelle faisait l'objet
d'une procédure
collective, ont assigné en responsabilité la Banque nationale de
Paris (la banque), en alléguant que celle-ci avait permis à sa cliente
de
poursuivre une activité déficitaire ; qu'une expertise comptable
a été ordonnée en référé ; que par ordonnance
rendue à la requête de l'expert,
il a été enjoint à la banque de communiquer à celui-ci
divers documents et ce sous astreinte ; que la banque, invoquant le secret professionnel
a assigné l'expert en rétractation de cette ordonnance ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir
lieu à rétractation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la
banque faisait
principalement valoir, au soutien de sa demande en rétractation, que le
juge avait outrepassé ses pouvoirs en faisant abstraction du secret
professionnel ; qu'un tel moyen impliquait nécessairement que les documents,
dont la communication était demandée, étaient couverts par
le
secret professionnel ; que, par suite, la cour d'appel, en énonçant
que la banque ne prétend pas sérieusement que la communication des
renseignements sollicités constituerait une divulgation de secrets à
elle confiés, a dénaturé les conclusions de la banque et
a ainsi violé
l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part,
que le secret bancaire obéit à l'article 378 du Code pénal
; que l'obligation
au secret professionnel, établie et sanctionnée par cette disposition,
s'impose au banquier, hors les cas où la loi en dispose autrement ; qu'elle
est générale et absolue et qu'il n'appartient à personne
de l'en affranchir ; que, par suite, la cour d'appel a violé l'article
57 de la loi du 24
janvier 1984, ensemble l'article 378 du Code pénal ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que la
banque motivait essentiellement sa résistance à la fois par le respect
dû au secret
professionnel auquel elle était tenue et par le manque d'intérêt
des documents demandés et qui ne seraient qu'à usage interne
et retenu le
caractère contradictoire de ces allégations, la cour d'appel n'a
pas modifié l'objet du litige en considérant que la banque ne prétendait
pas
sérieusement que la communication des renseignements sollicités
constituerait une divulgation de secrets à elle confiés ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant retenu que la demande
de communication était dirigée contre la banque non pas en sa qualité
de tiers confident mais en celle de partie au procès intenté contre
elle par les bénéficiaires du secret bancaire invoqué,
a par ce seul motif,
légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Publication : Bulletin 1990 IV N° 179 p. 123
Droit bancaire et de la bourse, 1991-10, n° 27, p. 197, note F.-J. CREDOT
et Y. GERARD