Cour de cassation chambre commerciale
Audience publique du mardi 18 septembre 2007
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 28
septembre 2005), que le 15 février 1994, la clinique Merlin (la clinique)
a attribué l'exclusivité de ses analyses biologiques au laboratoire
SELARL Tranchand-Turcon (la SEL) ; qu'en contrepartie de cette exclusivité,
la SEL a stipulé au profit de la clinique, d'une part, un versement de
21 % des honoraires encaissés, pour son compte, par la clinique et, d'autre
part, un dépôt de garantie de 4 000 000 francs ; qu'afin de financer
la moitié de ce dépôt de garantie, la société
Marseillaise de crédit (la banque) a, le 6 avril 1994, accordé
à la SEL un prêt qui a fait l'objet d'un versement sur un compte
de la clinique ouvert dans les livres de la banque ; qu'une procédure
de redressement judiciaire ayant été ouverte le 14 avril 1995
à l'encontre de la clinique, il a été indiqué à
la SEL que sa créance relative au dépôt de garantie ne serait
pas réglée ; qu'estimant que la banque avait engagé sa
responsabilité en ne l'informant pas sur la situation financière
obérée de la clinique, la SEL a fait assigner la banque en réparation
de son préjudice découlant de la non-restitution du dépôt
de garantie ; que, de son côté, la banque a fait assigner les cautions
Mme X... et M. Y... en paiement du solde courant du compte-débiteur de
la SEL ; que ces deux instances ont été jointes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SEL fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'intégralité
de ses demandes à l'encontre de la banque, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation au secret du banquier ne fait pas obstacle à
ce que celui-ci informe l'emprunteur que le dépositaire de la somme empruntée,
également débiteur du banquier, ne sera pas à même
de restituer la somme déposée à titre de garantie du fait
de son insolvabilité ; qu'en jugeant que la banque ne pouvait, au "risque
d'engager sa responsabilité professionnelle", révéler
à la SEL que la situation financière de la clinique ne permettrait
pas à celle-ci de restituer la somme empruntée par la SEL à
la banque pour être déposée en garantie sur le compte de
la clinique ouvert auprès de la même banque, la cour d'appel a
violé par fausse application l'article L. 511-33 du code monétaire
et financier, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le banquier a le devoir de mettre en garde son emprunteur profane
sur l'importance du risque encouru par celui-ci ; qu'en déniant toute
violation de son obligation de mise en garde par la banque à l'égard
de la SEL après avoir retenu que "l'obligation de conseil et d'information
qui pèse sur la banque est en l'espèce celle d'un professionnel
à l'égard d'un cocontractant profane dès lors que la compétence
d'un biologiste n'est pas celle d'un économiste ou d'un financier"
aux motifs de l'existence de l'obligation au secret de la banque et de celle
de son devoir de non-immixtion, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en s'abstenant de vérifier si la banque connaissait effectivement
la situation obérée de la clinique, ce que la SEL établissait
notamment par la production de tickets d'agios révélant un découvert
en compte-courant ayant dépassé 18 400 000 francs en 1993, au
vu des seuls motifs tenant à l'obligation au secret de la banque et à
son devoir de non-immixtion, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que rejetant les demandes de la SEL en considérant que "la
question se pose d'ailleurs de savoir pourquoi la SEL, avant de se lancer dans
une opération de cette envergure et alors qu'elle avait missionné
une société d'expertise comptable en ce qui la concerne, n'a pas,
de la même façon, confié à cette société
une étude, même sommaire, de la clinique" la cour d'appel
a statué par un motif dubitatif, violant ainsi l'article 455 du nouveau
code de procédure civile ;
5°/ que rejetant les demandes de la SEL en considérant que "selon
la banque, et sans qu'elle soit contredite sur ce point, la SEL aurait reconnu
que des traites de la clinique facturées en faveur du laboratoire n'étaient
plus honorées depuis août 1993" et que, dès lors, "la
question peut se poser de savoir si la SEL n'a pas pris un risque calculé
en misant sur un redressement judiciaire de la clinique", la cour d'appel
a statué par un motif hypothétique, violant ainsi l'article 455
du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'obligation au secret professionnel à laquelle
sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir
à un client qui en formule la demande des renseignements autres que simplement
commerciaux d'ordre général et économique sur la solvabilité
d'un autre de leurs clients ;
Attendu que dès lors qu'il n'est pas allégué que la SEL
ait demandé à la banque de simples renseignements commerciaux
sur la solvabilité de la clinique, la cour d'appel a retenu à
bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux quatrième
et cinquième branches, que la banque, à laquelle il était
exclusivement reproché un manquement à une obligation d'information,
n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de
la SEL ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;