Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 5 novembre 2002 Rejet.

Attendu, selon l'arrêt critiqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 1999), qu'entre les mois d'octobre 1989 et 1990, Mme Z... alors âgée et en mauvaise santé, a été victime, sur le compte bancaire dont elle était titulaire à la Société générale, de nombreux et importants détournements commis par son employée de maison, Mme Y..., laquelle, après en avoir dérobé les formules, émettait, en imitant la signature de son employeur, des chèques qu'elle déposait ensuite sur son propre compte ouvert dans la même agence ; qu'après le décès de sa mère, M. X... Z..., agissant en sa qualité d'héritier, a mis en cause la responsabilité de la banque, lui reprochant de n'avoir pas réagi en constatant des mouvements anormaux de fonds sur les comptes de Mme Y... et de Mme Z... ni vérifié la signature figurant sur les titres présentés au paiement ; qu'après avoir constaté qu'il n'était pas établi que les falsifications aient été aisément décelables et rappelé qu'en réglant ces faux ordres de paiement, la Société générale ne s'était pas libérée de son obligation de restituer les fonds déposés, la cour d'appel a cependant limité le montant de la condamnation prononcée aux seuls détournements commis avant le 1er janvier 1990 en considérant que si Mme Z... ne pouvait être tenue pour responsable des agissements de son employée, elle avait en revanche commis une faute en ne se souciant que très tardivement de l'état de son compte dont les relevés, qui lui étaient subtilisés, ne lui parvenaient plus ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... Z... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi limité le montant de la condamnation prononcée, alors, selon le moyen :
1 / que même sans faute de sa part, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se dessaisit de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine de la fausse signature du client et n'ayant jamais eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; que la banque n'est libérée de son obligation de restitution qu'à la condition que le titulaire du compte ait commis une faute à l'origine du dommage et qu'elle n'ait elle-même commis aucune négligence ; qu'en décidant que Mme Z... avait, à compter du 1er janvier 1990, commis une abstention fautive dans la vérification de l'état de son compte bancaire, ce qui avait pour effet d'exonérer la banque, sans prendre en considération le fait que l'intéressée, qui était très fortunée, était âgée de 78 ans et infirme, alors que ces éléments, qui avaient été spécialement invoqués et n'étaient pas contestés, étaient de nature à justifier qu'elle ne se soit pas souciée durant une année de contrôler la situation de son compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1937, 1382 et 1383 du Code civil et 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
2 / que le banquier est tenu envers le titulaire du compte s'il a lui-même commis une faute à l'origine du dommage ; qu'il faisait valoir que le banquier avait manqué à son obligation de vigilance en ne prenant aucune initiative dès lors que son attention aurait dû être attirée par divers éléments : le changement brutal de fonctionnement du compte de Mme Z... dont il savait qu'elle était âgée de 78 ans et infirme, compte qui, après avoir été constamment créditeur durant plusieurs années de plus de 2 millions de francs, diminuait rapidement et régulièrement depuis que Mme Y... avait été engagée par l'intéressée, le fait qu'elle se présentait au guichet de cette petite agence de Mougins de la Société générale avec des chèques prétendument signés par Mme Z... pour des sommes pouvant aller jusqu'à 100 000 francs, la circonstance enfin que le compte de Mme Y... dans cette même agence, qui avant son embauche par Mme Z... était en permanence débiteur, était tout d'un coup en bien meilleure situation ; qu'en se bornant, pour exonérer la banque de toute responsabilité, à invoquer le devoir de non-ingérence du banquier et l'absence de caractère manifeste de la contrefaçon de signature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1927, 1937, 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la capacité de Mme Z... à gérer son compte n'était pas contestée, la cour d'appel a pu en déduire qu'en dépit de son grand âge et de son état de santé déficient, Mme Z... avait commis une faute en négligeant de s'inquiéter pendant plusieurs mois du fonctionnement de ce compte dont les relevés, qui lui étaient subtilisés, ne lui parvenaient plus ;
Et attendu, d'autre part, que la banque étant tenue de ne pas s'immiscer dans les opérations réalisées par ses clients, la cour d'appel, qui a relevé qu'il n'était pas établi que les falsifications aient été aisément décelables par un employé de banque normalement avisé, ce dont il résultait que la Société générale n'avait eu aucune raison de mettre en doute la régularité des encaissements qu'elle effectuait au profit de Mme Y..., a pu en déduire que ni l'importance des opérations antérieurement inscrites au crédit ou au débit des comptes de Mme Z... ou de Mme Y..., ni les fluctuations significatives de leurs soldes respectifs, ne devaient conduire l'établissement de crédit à s'interroger sur la cause ou le montant des mouvements de fonds litigieux ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE

Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 25 mars 2003 Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (2ème civ. 21 mai 1997, Bull n° 158), qu'en mars, avril et mai 1976, M. X..., alors associé-gérant d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial, a obtenu, à l'agence de la Société marseillaise de crédit de Chateaurenard dont il n'était pas le client, le paiement en espèces d'une somme totale de 5 250 000 francs en escompte de trois chèques qu'il avait lui-même tirés sur le compte dont l'étude était titulaire à la Caisse des dépôts et consignations ; que cette somme ayant été détournée, la Caisse régionale de garantie des notaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui avait indemnisé le préjudice subi par l'office notarial et ses clients, a mis en cause la responsabilité de l'établissement de crédit, lui reprochant de n'avoir pas décelé le caractère manifestement anormal des opérations ainsi effectuées ; qu'après avoir retenu l'existence d'une faute et d'un lien de causalité, la cour d'appel a accordé à la Caisse de garantie l'indemnisation de ses débours ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu que la Société marseillaise de crédit fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis une faute, alors, selon le moyen,
1 ) que la banque chargée de l'escompte d'un chèque qui lui est présenté, n'a pas à s'immiscer dans les opérations réalisées par les clients, que ceux-ci soient ou non titulaires d'un compte chez elle, et a l'obligation de payer le chèque après s'être assurée que celui-ci ne présente aucune anomalie apparente ; que Maître X..., signataire des trois chèques litigieux, était l'associé-gérant de la SCP notariale sur lesquels les chèques étaient tirés et qui a entièrement payé, sans opposer la moindre difficulté, les deux premiers d'entre eux, dûment approvisionnés ; qu'en estimant néanmoins qu'elle avait commis une faute engageant sa responsabilité en escomptant les chèques dans ces conditions, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 65 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
2 ) que la banque, tenue d'un devoir de non-ingérence dans les affaires de ses clients, n'avait pas à vérifier si le notaire allait garder en son étude, pendant plus de deux jours ouvrables, les sommes qu'il avait reçues en espèces par suite de l'escompte des chèques qu'il lui avait remis ; qu'en se déterminant, pour considérer qu'elle avait commis une faute, par des considérations tenant à ce qu'elle ne pouvait pas ignorer que les notaires sont soumis à une réglementation stricte concernant la détention d'espèces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 du décret du 19 novembre 1945, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
3 ) que la loi du 22 octobre 1940 relative aux règlements par chèques et virements ne s'applique pas au paiement effectué par une banque à l'un de ses clients par suite de l'escompte d'un chèque que celui-ci lui a présenté ; qu'en se déterminant par des considérations tenant aux exigences légales relatives aux règlements excédant la somme de 5 000 francs, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la Société marseillaise de crédit avait accepté d'escompter et de payer en espèces à M. X..., qui n'avait pas de compte chez elle, trois chèques tirés par lui sur le compte de la SCP titulaire d'un office notarial ouvert à la Caisse des dépôts et consignations, pour des montants très importants, qui auraient pu être payés à la perception de la même localité où était tenu le compte de cette SCP ; qu'ayant ainsi caractérisé la nature anormale de ces opérations, la cour d'appel a pu en déduire que la banque aurait dû être alertée et qu'en dépit de son devoir de non-ingérence, elle avait commis une faute en payant, sans aucune vérification, les chèques litigieux ;
qu'ainsi, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième et troisième branches, qui sont surabondants, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen, mal fondé en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 27 juin 2006 Cassation partielle

Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, par acte authentique du 15 avril 1992, le Crédit lyonnais a consenti, d'une part, à M. X... et à Mme Y... un prêt de la somme de 315 700 francs, d'autre part, à celle-ci un prêt de la somme de 84 300 francs, dont le remboursement a été cautionné par M. X..., ces deux prêts étant destinés à financer l'acquisition d'un appartement par les intéressés ; que, prétendant que le Crédit lyonnais avait engagé sa responsabilité à leur égard en octroyant ces prêts dont le remboursement dépassait leurs facultés contributives, M. X... et Mme Z... l'ont assigné en réparation de leur préjudice ; que cette demande a été rejetée par l'arrêt attaqué, contre lequel, seule Mme Y... a formé pourvoi ;

Attendu que pour statuer ainsi à l'égard de Mme Y..., la cour d'appel a retenu que l'intéressée était seule juge de l'opportunité de recourir à un emprunt pour l'acquisition de l'appartement, la banque ne devant pas s'immiscer dans les affaires de ses clients, et qu'elle ne démontrait pas qu'elle aurait été moins bien informée sur sa situation financière que ne l'a été le Crédit lyonnais ;
Qu'en se fondant sur de tels motifs, sans rechercher si Mme Y... pouvait être considérée comme un emprunteur averti, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 14 octobre 2008

N° de pourvoi: 07-16522
Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été condamné par la juridiction pénale des chefs de falsification et usage de chèques falsifiés pour avoir, courant 1994 et 1995, fabriqué des formules de chèques au moyen de photocopies et les avoir utilisées sur son compte ouvert à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la caisse), M. X... a assigné celle-ci en responsabilité par acte du 22 juin 2005, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de conseil ;

...Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner la caisse, l'arrêt retient qu'elle a traité les chèques litigieux comme des vrais et a donc encouragé son client à poursuivre sa façon de procéder, et qu'en raison du nombre de chèques émis durant trois années, il ne fait pas de doute que la banque avait vis-à-vis de son client un évident devoir de conseil qu'elle n'a pas respecté ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le devoir de non-ingérence fait interdiction à un établissement de crédit d'intervenir pour empêcher son client d'accomplir un acte illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu‘il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE