Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 8 juin 2010

N° de pourvoi: 09-15080
Non publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2009) que, titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la caisse), Mme X..., exerçant l'activité de peinture sur vêtements, a adhéré, le 6 septembre 2002, au système de paiement par cartes bancaires, version "paiement à distance" ; que, contactée début mars 2004 par un client domicilié en Côte-d'Ivoire, elle a accepté de le livrer moyennant paiements fractionnés et effectués à partir de plusieurs cartes bancaires ; que les titulaires des cartes ayant contesté ces opérations, la caisse a procédé à la contre-passation des sommes inscrites au compte de Mme X... et a assigné cette dernière en remboursement du solde de son compte devenu débiteur ; que Mme X..., soutenant que la caisse avait manqué à son égard à son devoir de conseil et de mise en garde, l'a assignée en dommages-intérêts ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la caisse la somme de 35 227,16 euros avec intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement au titre du solde débiteur de son compte professionnel et d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir la responsabilité de la caisse engagée, alors, selon le moyen :

1°/ que le banquier est tenu à un devoir de mise en garde envers son client professionnel non averti quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard de Mme X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir la qualité de personne avertie de Mme X... et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le banquier est tenu à une obligation d'information envers son client professionnel quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte, dès lors que les compétences de celui-ci ne lui permettent pas d'en apprécier la portée ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucune obligation d'information à l'égard de Mme X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir les compétences particulières de Mme X... et a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire n'interdit pas au commerçant d'accepter un paiement fractionné et ne prévoit à ce titre aucune mesure particulière de sécurité ; qu'en retenant que Mme X... n'avait pas respecté les consignes de sécurité définies au contrat en acceptant de voir régler un important volume d'opérations avec un nouveau client au moyen de paiements fractionnés, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'adhésion et violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que seule la faute de la victime peut limiter ou exclure son droit à indemnisation ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire prévoit que pour toute transaction d'un montant supérieur à 800 euros, la signature du titulaire de la carte doit figurer sur un support en papier ; que Mme X... soutenait que, les paiements intervenant le plus souvent pour un montant de 450 euros, il ne lui incombait pas de procéder à la vérification de signature du titulaire de la carte ; qu'en se bornant à retenir que Mme X... avait commis une faute en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte sur un support papier, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les paiements étaient intervenus pour un montant supérieur à 800 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;

5°/ que la faute de la victime ne peut limiter ou exclure son droit à indemnisation que si elle présente un lien de causalité avec son propre préjudice ; qu'en énonçant que le fait pour Mme X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le respect de ces mesures n'auraient pas permis de déceler la fraude, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

6°/ que la faute de la victime ne la prive de son droit à indemnisation que si elle constitue la cause exclusive du préjudice qu'elle a subi ; qu'en énonçant que le fait pour Mme X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion, en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ou à son obligation d'information lui a fait perdre une chance d'éviter la fraude et a ainsi concouru à la réalisation de son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que Mme X... devait être considérée par la caisse comme un cocontractant averti, dès lors qu'elle avait sollicité l'ouverture d'un compte "affaires" réservé aux professionnels et qu'aux termes du contrat d'adhésion, elle avait expressément accepté de se définir comme un professionnel vendant des biens ou des prestations de service, l'arrêt retient que son adhésion au système de paiement à distance marque un objectif de développement de ses ventes, ce que confirment les commandes de son client ivoirien pour lesquelles elle est intervenue comme simple revendeur ; qu'ayant ainsi fait ressortir que Mme X... ne pouvait avoir légitimement ignoré les risques auxquels l'exposait le système de paiement à distance, la cour d'appel, abstraction faite des griefs des troisième, quatrième et cinquième branches qui visent un motif surabondant
et du grief de la sixième branche devenu inopérant, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;