Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 11 mai 1999

N° de pourvoi: 99-81587
Publié au bulletin Cassation

CASSATION sur le pourvoi formé par :- le procureur général près la cour d'appel de Paris,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite Cour, en date du 10 février 1999, qui, dans l'information suivie contre X... des chefs de recel de vol, falsification de chèques et usage, falsification de documents administratifs et usage, a annulé la procédure et ordonné la mise en liberté du requérant.

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, et pris de la violation des articles 53 et suivants, 592 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs et manque de base légale :

Vu l'article 53 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou vient de se commettre ; qu'il y a aussi délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au délit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 17 septembre 1998, des policiers ont pris en filature X... alors qu'il quittait le domicile d'une personne soupçonnée de faire partie d'une bande organisée se livrant au trafic de chèques volés ; qu'ils l'ont suivi jusqu'à un magasin où il a réglé divers achats au moyen d'un chèque au nom de " MP Y... ou Mme V Z... " qui, selon l'avis donné par la responsable de l'agence bancaire jointe par téléphone, s'est révélé provenir d'un carnet dérobé entre le 2 et le 4 septembre dans les locaux d'une société chargée de son acheminement ; que les policiers ont interpellé X... après qu'il eut effectué un second achat, réglé de la même manière, dans un autre établissement commercial ; qu'ils l'ont trouvé en possession d'un carnet de chèques ainsi que d'une carte nationale d'identité contrefaite au nom de Y... ;

Attendu que l'avocat d'X... a demandé à la chambre d'accusation d'annuler la procédure en alléguant " une impossibilité matérielle absolue que les enquêteurs se soient trouvés, comme ils le prétendent, en possession de l'indice de flagrance préalablement à l'interpellation " de celui-ci ;

Attendu que, pour faire droit à cette requête, la chambre d'accusation retient que la plainte relative au vol du carnet de chèques n'a été déposée que le lendemain de l'interpellation d'X... ; que les juges relèvent encore que les procès-verbaux de police contiennent des " invraisemblances, voire des contradictions " quant à la localisation de l'agence domiciliataire du compte et aux circonstances de l'appel téléphonique passé à la banque avant cette interpellation ; qu'ils ajoutent que " le ou les indices objectifs laissant présumer la commission d'une infraction doivent être obligatoirement relatés avec précision par l'officier ou l'agent de police judiciaire dans le procès-verbal de saisine " ;

Mais attendu que, pour que les officiers de police judiciaire puissent agir en flagrant délit, il suffit qu'ils aient connaissance d'indices apparents d'un comportement délictueux ; que l'avis donné par la victime d'une infraction qui vient d'être commise peut, avant l'enregistrement d'une plainte régulière, caractériser ces indices ; que, par ailleurs, aucune prescription de la loi n'exige que les officiers de police judiciaire constatent par un procès-verbal spécial qu'il y a flagrant délit, cette notion se déduisant des circonstances ;

Qu'ainsi, en ne reconnaissant pas le caractère de flagrance des faits dénoncés par la victime aux policiers, la chambre d'accusation, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 10 février 1999 ;

Publication : Bull. crim. 1999, n° 91, p. 248