Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 7 février 2001

N° de pourvoi: 00-86367
Publié au bulletin Cassation

CASSATION sur le pourvoi formé par :- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 6 juillet 2000, qui, dans l'information suivie contre lui pour infractions au Code du travail et abus de biens sociaux, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure.

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 53, 56, 76 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de X... tendant à voir prononcer l'annulation du procès-verbal n° 435-99 de délit flagrant et de saisie incident en date du 8 mars 1999, ainsi que toute la procédure subséquente ;

" aux motifs qu'aux termes de l'article 53 du Code de procédure pénale, "est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant, lorsque dans un temps très voisin de l'action, la personne est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit" ;
que la perquisition pratiquée à l'occasion d'une procédure de flagrant délit ne donne droit d'opérer une saisie se rapportant à une autre infraction qu'au cas de délit flagrant ; qu'en l'espèce, il est constant que les gendarmes d'ELNE agissaient dans le cadre d'une procédure de flagrant délit pour l'infraction d'exercice de travail dissimulé, dissimulation de salaire, défaut de déclaration préalable à l'embauche ; que les enquêteurs ont perquisitionné régulièrement, au siège de la société Y... et au domicile de X... ; qu'à cette occasion, ils ont découvert divers documents faisant apparaître des présomptions d'abus de biens sociaux, et d'utilisation abusive d'employés soit pour le compte personnel de X..., soit par une société au détriment d'une autre ; que ces infractions, même si certaines d'entre elles avaient commencé auparavant, présentaient un caractère continu (usage de motocyclettes, bateau, main d'oeuvre) permettant à l'officier de police judiciaire de se situer dans le cadre de la flagrance pour procéder à la saisie, pour exploitation ultérieure, de tous documents utiles à manifestation de la vérité ; que l'argumentation développée à l'appui de la requête qui tend à contester, au fond, l'existence de l'infraction d'abus de biens sociaux est donc inopérante, les documents découverts en possession de X... étant de nature à accréditer l'existence, à son encontre, d'infractions à caractère continu, donc existantes au moment de leur appréhension ;

" alors que, pour pouvoir agir dans le cadre de la procédure de flagrant délit, et mettre en oeuvre les pouvoirs prévus aux articles 53 et suivants du Code de procédure pénale, un officier de police judiciaire doit avoir eu, au préalable, connaissance d'indices apparents d'un comportement révélant l'existence d'une infraction en train ou venant de se commettre ; que ces indices ne peuvent par conséquent résulter de l'enquête de flagrance préalablement mise en oeuvre ; que la chambre d'accusation ne pouvait dès lors décider que l'enquête de flagrance pour abus de biens sociaux était justifiée par les pièces saisies dans le cadre de cette enquête, au motif que ces pièces étaient constitutives d'indices apparents d'un comportement révélant l'existence d'une infraction d'abus de biens sociaux en train de se commettre " ;

Vu l'article 53 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, seul est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou vient de se commettre ; qu'il en est de même lorsque, dans un temps très voisin de l'action la personne soupçonnée est trouvée en possession d'objets ou présente des traces ou indices laissant penser qu'elle a participé au crime ou délit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une procédure de flagrant délit d'infraction à la législation du travail, les enquêteurs ont saisi au cours d'une perquisition au siège de la société à responsabilité limitée Y..., dont X... est le gérant, et au domicile de ce dernier, divers documents relatifs à un bateau appartenant à la société et détenu par l'intéressé, d'autres concernant deux mobylettes appartenant à une société Z..., des relevés bancaires comportant des versements de fonds de la société Y... à X... ainsi que des mouvements de fonds réciproques entre la société Y... et une société A... ; que les enquêteurs ont procédé à une nouvelle enquête de flagrant délit d'abus de biens sociaux, au titre de laquelle ils ont saisi lesdites pièces ;

Attendu que, pour rejeter la requête aux fins d'annulation d'actes, la chambre d'accusation énonce que les documents saisis faisaient apparaître des présomptions d'abus de biens sociaux, accréditant l'existence à l'encontre de X... d'infractions à caractère continu existant au moment de leur appréhension ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les seuls faits relevés, qui ne caractérisaient pas suffisamment le délit prévu par l'article 425 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 241-3 du Code de commerce, ne pouvaient révéler l'existence d'une infraction répondant à la définition donnée des crimes et délits flagrants par l'article 53 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 6 juillet 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :

Publication : Bull. crim. 2001, n° 40, p. 115