Fouille d'un véhicule

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 28 septembre 2010

N° de pourvoi: 10-82699
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

contre l'arrêt n° 9 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 2 mars 2010, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en bande organisée et en récidive, recel, mise en circulation d'un véhicule à moteur portant un numéro d'immatriculation attribué à un autre véhicule et blanchiment provenant du trafic de stupéfiants, a prononcé sur une demande d'annulation de la procédure ;

II-Sur le pourvoi d'Ahmed A... ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 4 février 2006, les gendarmes ont été alertés par un habitant de Pithiviers sur le stationnement d'un véhicule Mercedes, dépourvu des talons d'attestation d'assurance et de contrôle technique ; que, selon les vérifications effectuées, ce véhicule portait le numéro d'immatriculation attribué à un autre, toujours en circulation ; qu'à la suite, un agent de police judiciaire, agissant, suivant le procès-verbal, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, a procédé à la visite du véhicule en cause, qui était verrouillé, et ce en application de l'article 78-2-3 du code de procédure pénale ; qu'il a découvert un carnet d'entretien sur lequel était mentionné un numéro d'immatriculation espagnol ; qu'il est apparu que le véhicule avait été volé en Espagne ; que, sur instruction du procureur de la République, le véhicule a ensuite été déplacé, le 5 février 2006, jusqu'à une fourrière où il a fait l'objet d'investigations techniques effectuées par un officier de police judiciaire ; qu'il est résulté de ces dernières opérations que le véhicule portait les empreintes digitales de M. A... et qu'il avait contenu des stupéfiants ; que, mis en examen du chef, notamment, d'infraction à la législation sur les stupéfiants, M. A... a présenté une requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 53, 56, 76, 78-2-3, 97 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de procédure jusqu'à la cote D 10685 ;

" aux motifs qu'il résulte de la procédure que, le 4 février 2006, en milieu de matinée, les gendarmes de la brigade de Pithiviers, en service de surveillance générale, étaient interpellés par un habitant, M. B..., et informés de la présence devant son domicile au... à Pithiviers-le-Vieil, d'un véhicule 4x4 Mercedes, immatriculé..., stationné depuis la veille ; que ce véhicule, verrouillé, était recouvert d'une couche de poussière et qu'aucune vignette d'assurance et de contrôle technique n'était apposée ; qu'identifié à l'aide du fichier national des automobiles, la voiture n'apparaissait pas signalée volée, et était la propriété de M. C..., demeurant... (51) ; que contacté par téléphone, M. C... confirmait qu'il était bien propriétaire d'un véhicule Mercedes 4x4... et que son véhicule se trouvait devant lui, dans la Marne, et qu'il n'avait pas été dérobé ; que, par ailleurs, il précisait avoir reçu au mois de juillet 2005 une contravention au code de la route pour excès de vitesse relevée le 13 juillet 2005 en Corrèze où il ne se trouvait pas à cette époque là ; qu'enfin, son épouse s'était rendue à Orléans en juillet 2005 pour y livrer du Champagne ; qu'à l'intérieur du véhicule, les gendarmes découvraient un carnet d'entretien, sur lequel était mentionné une immatriculation : ... et qu'après identification auprès du fichier des véhicules volés, il ressortait que la Mercedes 425 découverte avait été dérobée le 27 mai 2005 à Marbella (Espagne) ; que le démontage des plaques d'immatriculation révélait leur acquisition à Orléans et que sous un siège était rangé un sac contenant notamment une pince à rivet et un jeu de plaques espagnoles ; que les opérations de police technique à l'intérieur du véhicule permettaient le relevé d'empreintes digitales ; que le chien Ugo, dressé à la recherche de produits stupéfiants, effectuait dans le coffre des marquages par grattage ou morsure indiquant la présence récente de produits stupéfiants ; que l'exploitation des empreintes digitales faisait ressortir l'identité des personnes suivantes : MM. D..., A..., E..., I..., déjà impliqués dans des procédures de trafic de stupéfiants et ce dernier dans l'information ouverte le 23 février 2006 ; qu'il est soutenu que les enquêteurs ont méconnu les dispositions prévues pour la visite des véhicules automobiles ; que les gendarmes ont procédé à la visite d'un véhicule en dehors de tout contrôle d'identité de police administrative prévu à l'article 78-2-2 du code de procédure pénale pour les hypothèses d'atteinte grave à la sécurité ; que si le requérant invoque la violation des dispositions relatives aux visites spontanées des véhicules dont les règles sont définies par l'article 78-2-4 du code de procédure pénale et qui prévoient d'une part une immobilisation corrélative du véhicule en cause pendant le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite, d'autre part, la présence obligatoire « sauf risques graves pour la sécurité des personnes et des biens ", du conducteur ou bien, s'agissant d'un véhicule à l'arrêt ou en stationnement, du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou bien, à défaut, d'une personne requise extérieure à l'autorité de l'officier de police judiciaire, les enquêteurs ont, dans le cas d'espèce, le 4 février 2006, eu leur attention attirée par le stationnement intriguant de ce véhicule de luxe dépourvu de l'apposition du talon de la vignette d'assurance sur le pare brise ; qu'ils ont, après qu'il fut établi que ce véhicule n'était pas signalé au fichier des véhicules volés, pris contact avec le titulaire du certificat d'immatriculation et alors découvert qu'ils étaient en présence d'une voiture automobile équipée d'une « doublette », confortés en cela par l'information selon laquelle, d'une part, il avait reçu un avis de contravention pour excès de vitesse en Corrèze où il ne s'était pas rendu à la date indiquée et selon laquelle, d'autre part, l'épouse du propriétaire était venue en région orléanaise livrer du champagne quelques temps auparavant et qu'ainsi le numéro avait pu être relevé ; que, dès lors, les gendarmes, préalablement à la visite du véhicule où ils découvriront un numéro d'immatriculation espagnol et une pince à rivet ainsi qu'un jeu de plaques espagnoles, se trouvaient en suspicion de flagrance de vol ou de recel de vol ; que si aucun indice apparent d'un comportement délictueux ne pouvait révéler l'existence d'une infraction répondant à la définition donnée des crimes et délits flagrant par l'article 53 du code de procédure pénale, l'agent de police judiciaire M. F... agissant sous le contrôle de l'officier de police judiciaire M. G..., en présence du témoin M. B..., tenait des dispositions de l'article 78-2-3 du code de procédure pénale, par ces révélations, la prérogative de visiter la Mercedes 4x4 immatriculé... stationnée sur la voie publique ; que ledit véhicule était ensuite placé en fourrière sur instruction du parquet d'Orléans puis examiné extérieurement et intérieurement par les officiers de police judiciaire de la brigade des recherches d'Orléans et mis à disposition de son légitime propriétaire, M. H..., qui en a sollicité la restitution ; que le moyen sera rejeté ; sur le moyen pris de la violation des dispositions de l'article 56, alinéa 4, et 76, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que le véhicule Mercedes 4x4 immatriculé... qui a fait l'objet des investigations déjà exposées, n'a pas fait l'objet d'un procès verbal de saisie judiciaire dès lors que sa mise à disposition ne résulte pas d'une perquisition ; que dès lors la mise sous scellé ne s'imposait pas ; que par ailleurs ces dispositions ne sont cause de nullité que si leur non respect est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée, ce que M. A... ne justifie pas en contestant le principe même des éléments découverts et leur exploitation ; que le moyen sera de même rejeté ;

" 1°) alors que seuls les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la visite d'un véhicule lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant ; qu'en l'espèce, la fouille du véhicule Mercedes 4x4 immatriculé... a été effectuée par l'agent de police judiciaire M. F... ; qu'aucun officier de police judicaire n'était présent à ses côtés lors de la fouille du véhicule, peu important que cette opération se soit déroulée « sous le contrôle de l'officier de police judiciaire M. G... » dès lors que celui-ci n'était pas présent sur les lieux ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction aurait dû annuler cet acte de procédure et les actes subséquents ;

" 2°) alors que la visite d'un véhicule en application de l'article 78-2-3 du code de procédure pénale suppose, à l'égard du conducteur ou d'un passager, l'existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant ; que cette condition fait défaut lorsque le véhicule est vide ; qu'ainsi, quand bien même il existerait en l'espèce une suspicion de flagrance de vol ou de recel de vol, l'absence de conducteur ou de passager dans le véhicule ou à proximité de celui-ci interdisait de procéder à la visite du véhicule ;

" 3°) alors que tous les objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; qu'en l'espèce, le véhicule saisi n'a pas été placé sous scellés ; que la chambre de l'instruction a considéré à tort que la mise sous scellés ne s'imposait pas au motif que la mise à disposition du véhicule ne résultait pas d'une perquisition ;

" 4°) alors que la méconnaissance de l'obligation de placer un objet saisi sous scellés porte atteinte aux droits de la personne mise en cause sur la base d'éléments tirés des objets saisis dès lors que l'intéressé conteste les faits pour lesquels il est poursuivi ; que la chambre de l'instruction a considéré à tort que l'absence de mise sous scellés n'avait pas porté atteinte aux intérêts de M. A..., dès lors que son identification puis sa mise en examen, pour des faits qu'il conteste, sont fondées sur les éléments recueillis dans le véhicule saisi " ;


Sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le véhicule n'ait pas fait l'objet d'une saisie, l'arrêt retient que la mise à disposition de celui-ci ne résultait pas d'une perquisition ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que les griefs ne sauraient être retenus ;

Mais sur le moyen pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 78-2-3 du code de procédure pénale ;

Attendu que seul un officier de police judiciaire, assisté, le cas échéant, par un agent de police judiciaire, peut procéder à la visite d'un véhicule automobile, dans les conditions prévues par ce texte ;

Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'incompétence d'un agent de police judiciaire à procéder à la visite de véhicule effectuée le 4 février 2006, l'arrêt retient que cet enquêteur a agi sous le contrôle d'un officier de police judiciaire ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il ne résulte pas du procès-verbal ni d'une autre pièce de la procédure que l'officier de police judiciaire ait personnellement procédé à la visite du véhicule, l'agent de police judiciaire se bornant à lui prêter assistance, ni même qu'il ait été présent sur les lieux, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

I-Sur les pourvois de MM. X..., Y..., Rédoine et Driss Z... :

Les REJETTE ;

Il-Sur le pourvoi de M. A... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 2 mars 2010, en ce qu'il a refusé d'annuler le procès-verbal établi, le 4 février 2006, par l'agent de police judiciaire ainsi que la mention qui en a été faite sur le procès-verbal de synthèse rédigé le 18 décembre 2006 ;

Publication : Bulletin criminel 2010, n° 142