Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 14 novembre 2007
N° de pourvoi: 06-88538
Publié au bulletin
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Laurent, contre l'arrêt
de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 9 novembre 2006, qui, dans
la procédure suivie contre lui du chef de contrefaçon
de cartes de paiement, a prononcé sur les intérêts
civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 163-4-1°, L. 132-1, L. 163-3, L. 163-5, L. 163-6 du code monétaire et financier, 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale, 1315, 1382, 1234, 1249, 1251 du code civil et L.121-12 du code des assurances, contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré les constitutions de partie civile des sociétés American Express, Citybank et Diner's Group recevables et a, en conséquence, condamné Laurent X... à leur verser divers dommages-intérêts en remboursement de l'indemnisation des détenteurs des cartes falsifiées ; "aux motifs que Laurent X... demande à la cour de constater que les sociétés American Express, Citybank et Diner's Group ne rapportent pas la preuve qu'elles ont effectivement dédommagé les victimes de l'infraction et donc d'infirmer le jugement dont appel en déboutant les parties civiles ; que les parties civiles sont fondées à poursuivre la réparation intégrale du dommage qui résulte directement de l'infraction constaté ; qu'il apparaît que le préjudice occasionné aux sociétés American Express, Citybank et Diner's Group découle des agissements de Laurent X... qui a copié les pistes de multiples cartes de crédit pour en exploiter les données à des fins frauduleuses ; qu'il résulte des listes détaillées remises par les parties civiles que le préjudice résulte bien de l'utilisation de cartes falsifiées, préjudice que les sociétés American Express, Citybank et Diner's Group étaient tenues d'indemniser dès lors que la fraude était avérée, ce qui est le cas en l'espèce ;
"et aux motifs adoptés qu'il n'a jamais été prétendu au cours de l'information que le dommage n'avait pas été personnellement supporté par les établissements émetteurs des cartes ; qu'aucun des clients auditionnés n'a au demeurant déploré de préjudice financier propre ; que les garanties dont les victimes sont susceptibles de bénéficier dans leurs rapports avec leur assureur ne font pas disparaître la réalité du dommage ;
"1°) alors que le droit d'exercer l'action civile devant les juridictions
répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert
du dommage directement causé par l'infraction ; que l'obligation qui
pèserait sur les établissements bancaires d'indemniser leurs clients
résulte de leurs engagements contractuels avec ces derniers et n'est
donc pas la conséquence directe de l'infraction ; que l'arrêt attaqué
a ainsi violé l'article 2 du code de procédure pénale ;
"2°) alors, d'autre part, que le préjudice subi s'entend de
la perte subie ou du gain manqué ; qu'ainsi et en tout état de
cause, la cour d'appel ne pouvait, pour retenir que les parties civiles avaient
subi un préjudice résultant directement de l'infraction constatée,
se borner à énoncer que les établissements émetteurs
étaient tenus d'indemniser le préjudice subi par leurs clients
résultant de l'utilisation frauduleuse des cartes falsifiées,
sans constater ni même rechercher si les établissements émetteurs
des cartes avaient effectivement indemnisé les détenteurs des
cartes une fois la fraude avérée et avaient ainsi personnellement
supporté le dommage subi par leurs clients ; que l'arrêt attaqué,
insuffisamment motivé est privé de toute base légale ;
"3°) alors, encore, que nul ne peut se constituer une preuve à
soi-même ; que dès lors, en l'espèce, la cour d'appel ne
pouvait se borner à retenir que l'existence d'un préjudice émanait
des seules listes remises par les parties civiles sans relever aucun élément
de nature à le corroborer ni même analyser au moins souverainement
lesdits textes ;
"4°) alors, enfin, que l'assureur est investi, à concurrence
de l'indemnité versée, des droits de la victime contre le tiers
pour lequel l'assuré était tenu dans la mesure où la responsabilité
incombe audit tiers ; qu'en se bornant à énoncer que les garanties
auxquelles les établissements émetteurs étaient susceptibles
d'avoir souscrit ne faisaient pas disparaître le dommage allégué,
sans rechercher dans quelle mesure l'assureur aurait indemnisé le préjudice
subi par les détenteurs des cartes et aurait été ainsi
subrogé dans les droits et actions des victimes, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Laurent
X..., employé dans un restaurant, a copié un grand nombre de cartes
de paiement de clients, pour en exploiter les données à
des fins frauduleuses ; qu'il a été déclaré définitivement
coupable de contrefaçon de cartes de paiement ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à indemniser les
établissements financiers émetteurs de ces cartes, l'arrêt
prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que,
d'une part, l'utilisation frauduleuse d'une carte bancaire porte préjudice
non seulement au propriétaire mais encore au détenteur et possesseur
des sommes détournées, d'autre part, l'indemnisation
de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive
d'aucun recours subrogatoire contre le responsable du dommage, ne dispense pas
ce dernier de réparer le préjudice résultant de l'infraction
dont il a été déclaré coupable, la cour d'appel,
qui a souverainement apprécié le préjudice subi par les
établissements financiers, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et
attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Laurent X... devra verser respectivement
à la société American Express et à la société
Citybank International PLC au titre de l'article 618-1 du code de procédure
pénale ;
Publication : Bulletin criminel 2007, N° 278