Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 19 janvier 2005

N° de pourvoi: 04-81686
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 2 mars 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 du Code de procédure pénale, de la maxime "non bis in idem", de l'article 4.1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne, des articles 222-22 et 222-33 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'irrecevabilité par l'autorité de la chose jugée et a déclaré Gérard X... coupable d'atteintes sexuelles avec contrainte et surprise sur la personne de Christelle Y..., épouse Z..., commises par une personne ayant autorité sur la victime ;

"aux motifs que "la Cour considère que c'est par des motifs pertinents qu'elle adopte que les premiers juges ont rejeté l'exception soulevée par le prévenu, étant précisé qu'il n'y a pas, en l'espèce, d'identité de cause s'agissant de faits matériels distincts, sanctionnés par des peines différentes, et d'objets entre les deux poursuites successivement engagées" ;

"et aux motifs adoptés que "le tribunal a motivé qu'aucun élément objectif ne caractérisait des contraintes, ordres, menaces ou pressions résultant d'un abus d'autorité et que les faits reprochés, dès lors qu'un contact physique s'est établi entre le prévenu et la victime, ne peuvent être qualifiés que d'agression sexuelle, dont la peine encourue est supérieure, de telle sorte qu'aucune requalification n'est possible ; qu'ainsi, l'autorité de chose jugée ne peut s'appliquer s'agissant de poursuites différentes, d'autant que les éléments intentionnels des deux infractions ne sont pas identiques, et il convient de rejeter l'exception soulevée par Gérard X..." ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint notamment par la chose jugée ; qu'il est également de principe que les mêmes faits ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ;

qu'en l'espèce il ressort des éléments de la procédure que Gérard X... a été déclaré non coupable des faits qualifiés de harcèlement pour l'obtention de faveurs sexuelles par personne abusant de l'autorité de sa fonction, par un jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 8 février 2001, devenu définitif ; qu'ainsi, en déclarant recevable une nouvelle action, du chef cette fois d'agression sexuelle, procédant des mêmes faits, autrement qualifiés, devant la juridiction pénale, l'arrêt attaqué, qui ne précise d'ailleurs pas en quoi cette nouvelle poursuite concernerait des faits matériels distincts, procédant d'une intention elle-même différente, a violé le principe et les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le délit de harcèlement sexuel et celui d'agression sexuelle, comportant des éléments constitutifs communs, ne peuvent faire l'objet de poursuites successives, s'agissant de mêmes circonstances de fait commises dans un même trait de temps et concernant les mêmes personnes ; que, tout spécialement, la relaxe du chef de harcèlement pour l'obtention de faveurs sexuelles par personne abusant de l'autorité de sa fonction, devenue définitive, exclut toute poursuite ultérieure du chef d'atteintes sexuelles avec contrainte et surprise, commises par un employeur sur sa salariée ; que, s'il existe en effet une différence de degré entre ces deux infractions, il n'y a pas de différence de nature entre elles, en sorte que la relaxe intervenue sur la qualification la moins élevée met obstacle à toute nouvelle action sur la qualification la plus élevée ; qu'en déclarant le contraire, après avoir affirmé, sans le justifier, qu'il s'agissait de faits matériels distincts et que les éléments intentionnels des deux infractions n'étaient pas identiques, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;

"alors, enfin, qu'aux termes de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne, "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat" ; que cet article ne prévoit d'exception à cette règle qu'en cas de réouverture du procès pour des faits nouveaux ou nouvellement révélés, ou en cas de vice fondamental dans la procédure précédente ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, aucun fait nouveau ni aucun vice de la procédure n'ayant été allégué par la plaignante, Gérard X..., qui avait été définitivement relaxé des faits de harcèlement sexuel prétendument commis au préjudice de Christelle Y..., épouse Z..., de juin 1998 à mars 2000, ne pouvait être à nouveau poursuivi pour ces mêmes faits, qualifiés d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur la victime, commis depuis juin 1998 jusqu'à mars 2000" ;

Vu l'article 4.1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 6, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces textes, l'action publique s'éteint par la chose jugée ; qu'un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ;

Attendu que, par jugement du tribunal correctionnel de Créteil, en date du 8 février 2001, Gérard X... a été renvoyé des fins de la poursuite exercée contre lui du chef de harcèlement sexuel pour des faits commis à Ivry-sur-Seine, de juin 1998 à mars 2000, sur la personne de Christelle Y..., épouse Z... ;

Que, sur citation directe de la partie civile du chef d'agressions sexuelles aggravées, la même juridiction a prononcé une relaxe ;

Que l'arrêt attaqué, après avoir rejeté l'exception de chose jugée invoquée par Gérard X..., a condamné ce dernier pour avoir, à Ivry-sur-Seine, de juin 1998 à mars 2000, commis des agressions sexuelles aggravées sur la personne de Christelle Y..., épouse Z... ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits visés par la seconde poursuite étaient les mêmes que ceux soumis à l'appréciation du tribunal correctionnel de Créteil le 8 février 2001, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;...

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 mars 2004 ;

CONSTATE l'extinction de l'action publique ;

Publication : Bulletin criminel 2005 N° 25 p. 66