Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 octobre 2004

N° de pourvoi: 00-86726 00-86727 01-83943 01-83944 01-83945 03-81763
Publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- X... Bernard,
contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BASTIA, en date des 28 juin 2000 (n 233) et 16 août 2000 (n 292), qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de destruction de biens appartenant à autrui par l'effet d'un incendie, ont, pour le premier, rejeté partiellement sa demande d'actes et, pour le second, rejeté sa demande d'actes, et contre les arrêts de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date des 4 avril 2001 (n 84) et 18 avril 2001 (n s 105 et 106), qui, dans la même information, ont, pour le premier, déclaré irrecevable sa demande d'actes, pour le deuxième, rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure, et pour le troisième, déclaré son appel irrecevable ;

ainsi que sur les pourvois formés par :- X... Bernard,- Y... Henri,- Z... Yves, A... Brigitte, épouse Z...,et LA SOCIETE SERENA venant aux droits de la SOCIETE "CHEZ FRANCIS", parties civiles,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 15 janvier 2003, qui a condamné le premier, pour complicité de destruction de biens appartenant à autrui par l'effet d'un incendie, à 3 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis, et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le second, pour destruction d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie et complicité de ce délit, à 30 mois d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur les pourvois contre l'arrêt du 15 janvier 2003 :

Sur les faits et la procédure :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, la paillote-restaurant "Chez Francis", située à Coti Chiavari, près d'Ajaccio, sur le domaine public maritime, et exploitée par les époux Z... et la société Serena venant aux droits de la société "Chez Francis", a été détruite par un incendie ;
que, sur les lieux du sinistre, ont été retrouvés des tracts portant l'inscription "Z... balance des flics" ainsi que divers objets dont un poste de radio émetteur-récepteur encore allumé dont on découvrira ultérieurement qu'il appartenait au Groupe de pelotons de sécurité (GPS) placé sous l'autorité du capitaine de gendarmerie Norbert B..., lui-même placé sous les ordres du colonel Henri Y..., chef de la légion de gendarmerie de Corse ; qu'une information judiciaire a été ouverte le 26 avril 1999 du chef de destruction d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie commise en bande organisée ; que le magistrat instructeur a été saisi, par un réquisitoire supplétif du 10 mai 1999, de la destruction par incendie d'une autre paillote, "Aria Marina", survenue le 7 mars 1999 à Ajaccio ;

que les investigations menées dans le cadre de l'enquête puis de l'information ont conduit à la mise en examen puis au renvoi devant le tribunal correctionnel, notamment, de Henri Y..., des chefs de destruction par incendie d'un bien appartenant à autrui, à savoir la paillote "Aria Marina", et de complicité de ce délit, en ce qui concerne la paillote "Chez Francis", ainsi que du préfet de région, Bernard X..., pour complicité de ces destructions ;

En cet état ;

...

Sur le premier moyen, proposé par Me Foussard pour Bernard X..., pris de la violation des articles 111-3, 121-7, 322-1 et suivants du Code pénal, de l'article 6 1 et 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. le préfet X... coupable de complicité de destruction, dégradation ou détérioration de biens appartenant à autrui, en répression l'a condamné à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis simple, a prononcé à son encontre l'interdiction des droits civils et civiques pour une durée de 3 ans, outre des dommages et intérêts ;

"aux motifs que, "l'article 427 du Code de procédure pénale prescrit que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve sous réserve que ces preuves soient apportées au cours des débats et contradictoirement débattues devant la juridiction ;

qu'au cas d'espèce la cassette, effectivement enregistrée sans l'accord de Bernard X..., a fait l'objet d'une expertise qui a authentifié les propos tenus ; que lesdits propos ont fait l'objet d'interrogations contradictoires entre les parties et ne constituent que l'un des éléments proposés à la conviction des magistrats ; qu'il en résulte que le versement aux débats de cette pièce, largement discutée, ne constitue pas une violation du droit au procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de retrait présentée par la défense de Bernard X... ; que s'il résulte des dispositions de l'article 524 du Code civil que les biens placés dans un fond pour son exploitation sont immeubles par destination encore faut-il que cette installation résulte d'une initiative du propriétaire ;

qu'au cas d'espèce les immeubles ainsi qu'il vient d'être démontré, étaient la propriété de l'Etat et ce sont les exploitants qui ont placé des équipements et des marchandises ; qu'ils en sont restés les propriétaires " (arrêt attaqué, p. 26, avant dernier et dernier et p. 27, 1er et p. 29 6) ;

"alors que, premièrement, l'enregistrement effectué de manière clandestine par un gendarme agissant dans l'exercice de ses fonctions, des propos qui lui sont tenus, fût-ce spontanément, par une personne suspecte, élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense ; qu'au cas d'espèce, en refusant de retirer des débats la retranscription de l'enregistrement effectué par le chef d'Etat major de la légion de la gendarmerie, le Lieutenant-Colonel D..., à l'insu de M. le préfet X..., alors que cet enregistrement a été effectué de manière clandestine, par le Lieutenant-Colonel D..., dans l'exercice de ses fonctions et dans le seul but de compromettre M. le Préfet X..., les juges du fond ont violé les textes susvisés, ensemble les droits de la défense ;

"et alors que, deuxièmement, le principe de loyauté, en même temps que les droits de la défense interdisent aux juges, pour fonder leur intime conviction, de prendre en compte un enregistrement capté à l'insu du prévenu et qui a été, par la suite, trafiqué dans le dessein d'effacer des propos qui pourraient être mis à la décharge du prévenu ; que par suite, en statuant comme ils l'ont fait, sans rechercher si l'enregistrement n'avait pas été trafiqué comme l'ont d'ailleurs relevé les experts, les juges du fond ont, en toute hypothèse, privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter la demande de retrait de la procédure de la cassette contenant l'enregistrement, effectué par Bertrand D... à l'insu de Bernard X..., d'une conversation échangée avec ce dernier, l'arrêt attaqué relève que cette cassette, ayant fait l'objet d'une expertise qui a authentifié les propos tenus, a été soumise à la libre discussion des parties ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que cet enregistrement ne constituait que l'un des éléments probatoires laissés à l'appréciation souveraine des juges, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

...

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Publication : Bulletin criminel 2004 N° 243 p. 885