Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 6 avril 1993

N° de pourvoi: 93-80184
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- T. Jean-Louis, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 29 octobre 1992, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département des ALPES-MARITIMES sous l'accusation d'assassinat ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 368 du Code pénal, 173, 427, 593 du Code de procédure pénale, 9 du Code civil, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes généraux des droits de la défense et du principe de loyauté des preuves ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer l'annulation des actes de la procédure se référant à des enregistrements de conversations entre Jean-Louis X... et son épouse effectués soit sur commission rogatoire du juge d'instruction mais dans des conditions dépourvues de loyauté, soit par Michèle X... de sa propre initiative ;

"alors, d'une part, et en ce qui concerne l'enregistrement effectué sur commission rogatoire du juge d'instruction par des officiers de police judiciaire, il relève de l'artifice et du stratagème ;
"alors, d'autre part, et en ce qui concerne les enregistrements effectués par Michèle X... de sa propre initiative ils constituent le délit d'atteinte à la vie privée prévu et puni par l'article 368 du Code pénal et que c'est un principe bien établi de la procédure pénale qu'une preuve issue d'une infraction pénale est irrecevable en justice" ;

Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 295, 296 et 297 du Code pénal, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale, des principes généraux du droit, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Turquin devant la cour d'assises sous l'accusation d'assassinat ;

"alors, d'une part, qu'en fondant, même partiellement, sa décision sur un élément de preuve issu d'une infraction pénale, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que la circonstance qu'un arrêt de renvoi devant la cour d'assises se fonde sur une preuve obtenue grâce à une infraction pénale constitue une violation du procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure surtout où, en droit interne, l'arrêt de renvoi qui est lu au début des débats devant la cour d'assises est également la seule pièce dont disposent la Cour et le jury lors de la délibération ;
"alors, enfin, que la préméditation consiste dans le dessein formé, avant l'action, d'attenter à la personne d'un individu et que la chambre d'accusation n'a relevé aucune circonstance de fait de nature à établir que Turquin ait formé un tel dessein avant la date de la disparition de l'enfant et du meurtre supposé de celui-ci" ;

Les moyens étant réunis, le troisième pris en ses deux premières branches ;
Attendu, d'une part, que le demandeur est sans intérêt à se prévaloir de la nullité prétendue des actes de l'information relatifs à l'enregistrement d'un entretien entre l'inculpé et son épouse, partie civile, effectué le 3 mai 1991 sur commission rogatoire du juge d'instruction, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que cet enregistrement s'est révélé totalement inexploitable, et qu'aucune charge fondée sur celui-ci n'a été retenue contre lui ;

Attendu, d'autre part, que, pour refuser d'annuler les actes de la procédure se référant aux enregistrements pratiqués en cours d'information par la partie civile à l'insu de Jean-Louis X..., et contenant les propos tenus par ce dernier lors de leurs divers entretiens relatifs aux circonstances de la disparition de leur fils, la chambre d'accusation énonce que les bandes magnétiques supportant l'enregistrement de conversations effectué par des tiers présentent le caractère de pièces à conviction n'ayant que la valeur d'indices de preuve, et ne constituent pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article 172 du Code de procédure pénale ; que leur transcription n'est que la matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la production aux débats et la discussion contradictoire ; que les juges précisent, qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a versé au dossier les bandes et documents remis par la partie civile, a régulièrement recueilli les explications de l'inculpé sur ces éléments, et fait procéder à l'expertise d'un enregistrement dont l'authenticité était contestée par ce dernier ; qu'ils en déduisent que les droits de la défense ont été respectés ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation, devant laquelle ne pouvait être invoquée la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, applicable aux seules juridictions du jugement, n'a pas encouru les griefs allégués aux moyens, lesquels ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 80 et 105 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et du principe de saisine in rem ;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis d'annuler les procès-verbaux d'audition de Turquin entendu sous serment sur commission rogatoire une fois le 12 mai 1991 (D 177) et à quatre reprises le 13 mai 1991 (D 178, D 179, D 180, D 181) et la procédure subséquente ;
"alors qu'au plus tard au début de l'audition du 13 mai 1991 à 2 heures 10 (D 180), Jean-Louis X..., ayant reconnu être l'auteur des propos enregistrés sur la cassette produite par son épouse au soutien de ses accusations et retranscrits, il ne pouvait, sans qu'il y ait violation flagrante de l'article 105 du Code de procédure pénale, continuer à être entendu sous serment le 13 mai 1991 à 9 heures 30 (D 181), lesdites auditions étant faites dans le dessein de faire échec aux droits de la défense" ;

Attendu que l'information ayant été ouverte contre X..., Jean-Louis X... a été entendu en qualité de témoin les 12 et 13 mai 1991 par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, alors que, selon l'enregistrement d'une conversation entre les époux X..., effectué le 6 mai 1991, le mari avait reconnu être l'auteur du meurtre de leur fils ;

Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'au moment où le demandeur a été ainsi entendu, l'officier de police judiciaire était fondé à estimer, en raison de l'interprétation donnée par son interlocuteur des propos tenus par lui au cours de l'entretien enregistré, qu'il n'existait pas contre celui-ci d'indices suffisamment graves et concordants de culpabilité rendant une telle audition légalement impossible, au sens de l'article 105 du Code de procédure pénale alors en vigueur ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen, pris en sa dernière branche ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la chambre d'accusation relève, pour retenir la circonstance de préméditation à l'encontre de l'inculpé, que la volonté criminelle de celui-ci, préexistante à l'action, résulterait à la fois de ses aveux et de la teneur des lettres et télégrammes adressés par lui à son épouse peu de temps avant les faits ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur est renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE le pourvoi ;