Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 2 avril 2014
N° de pourvoi: 13-10758
Publié au bulletin Rejet
Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 8 mars et 6 avril 2012), que M. Chaïb X... a, le 22 juin 2011, saisi un juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure de protection au bénéfice de son fils, M. Youssef X..., né le 15 mai 1987 ; qu'il s'est désisté de sa demande par lettre adressée au juge des tutelles le 7 décembre 2011, avant l'audience du 13 décembre suivant ; que par jugement du 13 décembre 2011, ce dernier a placé M. Youssef X... sous tutelle et confié la mesure à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Chaïb X... fait grief au second arrêt de rejeter sa demande tendant à faire constater l'extinction de l'instance du seul fait de son désistement alors, selon le moyen :
1°/ que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance ; que, dans une procédure aux fins d'ouverture d'une mesure de protection en cours d'instruction devant le juge des tutelles, le désistement d'instance émanant du requérant met fin à l'instance dès lors qu'aucune décision prononçant une telle mesure n'a encore été prise ; qu'en retenant que le désistement d'instance formulé par le requérant ne pouvait emporter à lui seul l'extinction de l'instance et devait être soumis à l'acceptation du ministère public, quand elle constatait que ledit désistement était intervenu avant toute décision prononçant une mesure de protection, la cour d'appel a violé l'article 394 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en outre, le ministère public qui intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication n'agit pas en tant que défendeur mais en qualité de partie jointe ; qu'en retenant que le désistement par le requérant de l'instance aux fins d'ouverture d'une mesure de protection devait être soumis à l'acceptation du ministère public pour la raison que ce dernier était chargé de veiller à la protection des majeurs, quand il résultait de ses constatations que le ministère public avait pris la qualité de partie jointe, la cour d'appel a violé les articles 395, alinéa 1, ainsi que 424 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en toute hypothèse, l'acceptation du désistement n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où le demandeur se désiste ; qu'en retenant que le ministère public avait pris ses réquisitions le 7 décembre 2011 avant le désistement du requérant, au prétexte qu'il n'en avait eu connaissance que le 9 décembre suivant, tout en constatant que le requérant s'était désisté avant l'audience par courrier également du 7 décembre, ce dont il résultait qu'au moment où il avait manifesté sa volonté de renoncer à l'instance, le ministère public n'avait pris encore aucune réquisition, la cour d'appel a violé l'article 395, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu que, dans une procédure aux fins d'ouverture d'une mesure de protection en cours d'instruction devant le juge des tutelles, le désistement d'instance émanant du requérant ne met fin à l'instance que si aucune décision prononçant une mesure de protection n'a encore été prise ; que, M. Youssef X... ayant, selon les pièces de la procédure, été placé sous sauvegarde de justice par le juge des tutelles, suivant ordonnance du 8 août 2011, il en résulte que le désistement de M. Chaïb X... ne pouvait avoir pour effet de mettre fin à l'instance ; que, par ce motif de pur droit, substitué dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Chaïb X... fait grief au même arrêt de prononcer une mesure de tutelle et de rejeter sa demande tendant au placement de son fils sous curatelle renforcée ;
Attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'il ressortait du certificat médical établi par le médecin inscrit que M. Youssef X... souffrait d'un retard mental et de crises d'épilepsie, qu'il était atteint d'un grave déficit intellectuel, ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter, état justifiant, selon le médecin, l'ouverture d'une tutelle, d'autre part, qu'elle avait elle-même pu constater l'inaptitude totale de l'intéressé à gérer ses affaires puisque ce dernier était incapable de répondre aux questions très simples qui lui avaient été posées lors de l'audience ; qu'elle a ainsi caractérisé la nécessité pour l'intéressé d'être représenté d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile, justifiant l'ouverture d'une mesure de tutelle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Chaïb X... fait encore grief au même arrêt de désigner un mandataire judiciaire en qualité de tuteur à la personne de son fils et de rejeter sa demande tendant à sa désignation en cette qualité ;
Attendu qu'ayant relevé que le projet de mariage entrepris par la famille de M. Youssef X... était incompatible avec son état, puisqu'il était à l'évidence incapable d'y consentir lui-même, ainsi qu'elle avait pu le constater lors de l'audience, au cours de laquelle il n'avait pu répondre aux questions posées concernant le nom de la future épouse, son prénom ou le nom de la ville ou du pays de sa résidence, alors que M. Chaïb X... venait d'expliquer que "tout le monde était d'accord pour ce mariage", la cour d'appel a, prenant en considération l'intérêt de la personne protégée, décidé de confier la tutelle à la personne à un mandataire judiciaire ; qu'elle a, par ces seuls motifs, qui ne sont pas hypothétiques, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 5 décembre 2012
N° de pourvoi: 11-25158
Publié au bulletin Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2011), que M. Roger X... a été placé sous le régime de la curatelle renforcée par décision du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 15ème le 23 juin 2009 sur requête de sa fille, Mme Monique X..., Mme Y... étant désignée en qualité de curatrice ; que cette décision a été confirmée par jugement du tribunal de grande instance de Paris le 18 décembre 2009 ; que, par ordonnance du 24 juin 2010, le juge des tutelles a rejeté la demande de M. X... sollicitant l'autorisation de se marier avec Mme Z... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en ses six branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des tutelles ayant rejeté sa demande tendant à être autorisé à se marier avec Mme Z..., alors, selon le moyen, que :
1°/ l'article 460 du code civil, qui impose, pour le mariage d'une personne placée sous curatelle, l'autorisation du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles, est contraire au principe constitutionnel de la liberté du mariage, acte strictement personnel et privé dont l'exercice doit être garanti toutes les fois où la réalité du consentement du majeur sous curatelle est vérifiée, de sorte qu'il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, la décision de la cour d'appel perdra toute base légale comme ayant été prononcée sur le fondement d'un article de loi contraire au principe constitutionnel du droit au mariage ;
2°/ l'article 460 du code civil, qui impose, pour le mariage d'une personne placée sous curatelle, l'autorisation du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles, implique que soit vérifiée la réalité du consentement du majeur placé sous curatelle, sans pour autant que soit exigé que son consentement soit plus particulièrement éclairé que pour tout autre candidat au mariage, quant aux conséquences sur sa personne et sur son patrimoine ; qu'en justifiant le refus d'autoriser le mariage de M. X... avec Mme Z... par le fait qu'il ne serait pas en mesure d'appréhender les conséquences de ce mariage sur sa personne et sur ses intérêts patrimoniaux, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé l'article 460 du code civil, ensemble l'article 16 de la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 janvier 1948, l'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;
3°/ le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. X... faisait justement valoir que le juge des tutelles s'était prononcé sans avoir auditionné Mme Z... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, du juge ; que M. X... faisait régulièrement valoir dans ses conclusions d'appel que de puissantes convictions religieuses le poussaient à contracter mariage avec Mme Z..., souhaitant ainsi vivre en harmonie avec sa conscience ; que la cour d'appel était donc invitée à rechercher si la dimension religieuse du mariage souhaité par M. X... n'était pas de nature à justifier qu'il soit autorisé par ceux chargés de l'assister, ce mode de conjugalité lui permettant de continuer à fréquenter Mme Z..., tout en respectant pleinement ses convictions et ses croyances ; qu'en n'effectuant aucune recherche sur ce point, qui était pourtant de nature à infléchir la décision d'autorisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 460 du code civil ;
5°/ le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, du juge ; que M. X... faisait régulièrement valoir dans ses conclusions d'appel que le mariage avec Mme Z..., qu'il fréquente depuis 1996, lui conférerait sécurité, aide et assistance, de sorte que le consentement à son mariage répondait parfaitement à son intérêt ; qu'en n'effectuant aucune recherche sur ce point, qui était pourtant de nature à faire fléchir la décision d'autorisation, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 460 du code civil ;
6°/ en ne procédant à aucune recherche sur le fait que M. X... avait exprimé la volonté de conclure un contrat de mariage de séparation de biens avec Mme Z..., ce qui était de nature à montrer qu'il avait une conscience suffisante des conséquences patrimoniales de son mariage en ce qu'il souhaitait mettre à l'abri son patrimoine personnel, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 460 du code civil ;
Mais attendu que, par décision n° 2012-260 QPC du 28 juin 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 460 du code civil ; que faisant application de ce texte, la cour d'appel, après avoir analysé tant les certificats établis par le médecin psychiatre qui a examiné M. X... que les autres éléments d'appréciation versés aux débats, a estimé, en considération de l'évolution psychopathologique des troubles présentés par l'intéressé et de sa perte de maîtrise des réalités financières, que celui-ci n'était pas en mesure de donner un consentement éclairé au mariage ; que cette appréciation souveraine, qui échappe aux griefs du moyen, justifie légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2012, I, n° 255