Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 13 février 2013

N° de pourvoi: 11-14515
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 janvier 2011), que M. X... a été déclaré à l'état civil comme étant de sexe masculin ; que, par acte du 13 juin 2007, il a fait assigner le procureur de la République afin de voir remplacer sur son acte de naissance la mention "sexe masculin" par la mention "sexe féminin" ; que, par jugement en date du 13 mars 2009, le tribunal de grande instance a constaté que M. X... ne produisait pas la preuve médico-chirurgicale du changement de sexe qu'il demandait à voir figurer sur son état civil et, en conséquence, a rejeté sa requête en rectification de son acte de naissance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer ce jugement, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a le droit au respect de sa vie privée, ce qui implique le droit de définir son appartenance sexuelle et d'obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir un processus irréversible de changement de sexe et d'en administrer la preuve ; qu'en retenant que S. X... aurait dû rapporter la preuve, de nature intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 9 et 57 du code civil ;

2°/ que ni le principe d'indisponibilité de l'état des personnes, ni la cohérence et la sécurité des actes de l'état civil n'imposent à une personne de subir un processus irréversible de changement de sexe et d'en rapporter la preuve pour obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre qu'elle a choisie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susmentionné et l'article 57 du code civil ;

3°/ qu'en jugeant non discriminatoire le fait de subordonner à la preuve d'avoir subi un processus irréversible de changement de sexe, le droit d'une personne d'obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre qu'elle a choisie, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ;

Et attendu qu'ayant relevé que M. X... ne rapportait pas la preuve, de nature intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe, qui ne pouvait résulter du seul fait qu'il appartenait au sexe féminin aux yeux des tiers, c'est sans porter atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais par un juste équilibre entre les impératifs de sécurité juridique et d'indisponibilité de l'état des personnes d'une part, de protection de la vie privée d'autre part, que la cour d'appel a rejeté sa demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2013, I, n° 13

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 13 février 2013

N° de pourvoi: 12-11949
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2011), que M. X... a été déclaré à l'état civil comme étant de sexe masculin ; que, par acte du 17 mars 2009, il a fait assigner le procureur de la République afin de voir remplacer sur son acte de naissance la mention " sexe masculin " par la mention " sexe féminin " et la mention " Emile, Maurice, Jean, Marc " par la mention " Emilie " ; que, par jugement du 9 février 2010, le tribunal de grande instance a rejeté ses demandes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer ce jugement alors, selon le moyen :

1°/ que M. X... soulignait que les ordres juridiques national et européen encourageaient la modification des actes de l'état civil dès lors que la personne intéressée invoquait une inadéquation entre le sexe revendiqué et le sexe attribué sur l'acte de naissance, et ajoutait que le suivi d'un traitement hormonal était suffisant pour obtenir une telle modification (conclusions, p. 11 in fine) ; qu'à supposer qu'en affirmant que l'existence et la persistance du « syndrome allégué » n'étaient pas prouvées, elle ait considéré qu'E. X... prétendait qu'il lui fallait présenter un quelconque syndrome pour que sa demande pût aboutir, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que toute personne a le droit au respect de sa vie privée, ce qui implique le droit de définir son appartenance sexuelle et d'obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre choisie, sans devoir présenter un syndrome de transsexualisme ou de dysphorie de genre, ni devoir préalablement subir un processus irréversible de changement de sexe ; qu'en déboutant E. X... de ses demandes au prétexte qu'il n'était justifié ni d'une « transformation physique ou physiologique définitive et ainsi de l'irréversibilité du processus de changement de sexe sollicité », ni de « l'existence et la persistance du syndrome allégué », la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 9 et 57 du code civil ;

3°/ que le principe d'indisponibilité de l'état des personnes n'impose pas de présenter un syndrome de transsexualisme ou de dysphorie de genre ni de subir un processus irréversible de changement de sexe pour obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre choisie ; qu'à supposer qu'elle ait décidé le contraire en énonçant « le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes s'oppose à ce que le droit tienne compte d'un changement volontairement obtenu par un individu », la cour d'appel a violé le principe susmentionné et l'article 57 du code civil ;

4°/ qu'est discriminatoire le fait de subordonner le droit d'obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre choisie, à la preuve d'un syndrome de transsexualisme ou de dysphorie de genre et à la preuve d'avoir subi un processus irréversible de changement de sexe ; qu'en rejetant les demandes d'E. X... parce que de telles preuves n'étaient pas rapportées, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le fait de subordonner le droit d'obtenir la modification des actes de l'état civil de façon qu'ils reflètent l'identité de genre choisie, à la preuve d'avoir subi un processus irréversible de changement de sexe, impose la stérilisation à la personne titulaire de ce droit afin de pouvoir l'exercer, et porte ainsi atteinte à sa dignité comme au respect dû à son corps et à l'intimité de sa vie privée ; qu'en exigeant d'E. X... de rapporter une telle preuve, la cour d'appel a violé les articles 16 et 16-1 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ;

Et attendu qu'ayant relevé que M. X... se bornait à produire un certificat d'un médecin du 23 avril 2009 établi sur papier à entête d'un autre médecin, aux termes duquel le premier certifiait que le second, endocrinologue, suivait M. X... pour une dysphorie de genre et précisait que le patient était sous traitement hormonal féminisant depuis 2004, la cour d'appel a estimé que ce seul certificat médical ne permettait de justifier ni de l'existence et de la persistance d'un syndrome transsexuel, ni de l'irréversibilité du processus de changement de sexe, qui ne constituent pas des conditions discriminatoires ou portant atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 et 16-1 du code civil, dès lors qu'elles se fondent sur un juste équilibre entre les impératifs de sécurité juridique et d'indisponibilité de l'état des personnes d'une part, de protection de la vie privée et de respect dû au corps humain d'autre part ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2013, I, n° 14