C. Cass. 1re civ., 7 juin 2012 : 4 arrêts publiés au bulletin

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S. Paricard, Revue Droit Sanitaire et Social, sept oct 2012, 880

Circulaire de la DACS n° CIV/07/10 du 14 mai 2010 relative aux demandes de changement de sexe à l’état civil : "vous pourrez donner un avis favorable à la demande de changement d’état civil dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage...), ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l’ablation des organes génitaux."

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 7 juin 2012

N° de pourvoi: 10-26947

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2010), que M. X..., né le 10 septembre 1983 à Séoul (Corée), a été déclaré à l'état civil, sous les prénoms d'Axel, Hugo, Suk, Jung comme étant de sexe masculin ; que, par acte du 11 septembre 2008, il a assigné le procureur de la République pour voir dire qu'il est de sexe féminin et se prénommera Axelle ; qu'il a produit, à l'appui de sa demande, divers certificats médicaux émanant de praticiens français et étrangers, dont l'un faisait état d'une intervention chirurgicale de " réassignation " sexuelle réalisée en Thaïlande le 3 juillet 2008 à la clinique B... ; que, par jugement du 17 février 2009, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale pluridisciplinaire confiée à un psychiatre, un endocrinologue et un gynécologue ; que M. X... s'étant opposé à cette mesure, le tribunal a rejeté sa demande ; que la cour d'appel, tout en ordonnant la rectification de son prénom, a refusé celle de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit au respect de sa vie privée et familiale commande que le changement de sexe d'une personne soit autorisé à chaque fois que son apparence physique la rapproche de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire droit à la demande de changement de sexe, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que l'exposante ait refusé de déférer à une expertise ayant pour objet, d'une part, de se prononcer sur l'origine du syndrome de transsexualisme et son évolution, d'autre part, de caractériser qu'elle ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que l'exposante était connue sous un prénom féminin, qu'elle avait la conviction d'appartenir au sexe féminin, qu'elle avait suivi divers traitements médico-chirurgicaux et que la réalité de sa vie sociale était celle d'une femme, ce qui était suffisant pour faire droit à la demande, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que même s'il est exigé de la personne qui demande à changer de sexe de justifier présenter le syndrome du transsexualisme, de justifier d'un traitement médico-chirurgical et de justifier d'une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, la preuve de ces éléments n'est pas nécessairement rapportée par une expertise judiciaire mais peut être rapportée par les pièces produites par le demandeur, qui ne doivent pas être dénaturées ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait notamment le certificat établi le 12 avril 2007 par M. Y... qui indiquait suivre la patiente « pour un syndrome typique de transsexualisme », le certificat établi le 16 janvier 2008 par M. Z..., qui certifiait la « suivre sur le plan hormonal pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 » et qui soulignait que l'exposante était « éligible pour la réassignation chirurgicale, qu'elle attend légitimement », le certificat médical du psychiatre D... établi le 3 avril 2008 qui certifiait que la patiente « présente un syndrome de Benjamin typique ; il n'existe actuellement aucune contre-indication aux traitements médicaux et/ ou chirurgicaux nécessités pour la réassignation de genre demandée par le sujet », le certificat de M. B... qui détaillait l'opération réalisée et concluait que « l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle masculine de M. X... pour une identité sexuelle féminine », le certificat médical établi le 26 mai 2009 par M. A..., postérieurement à l'opération, qui indiquait que « la chirurgie de réassignation des organes génitaux externe a été réalisée et est irréversible », le certificat médical du psychiatre D..., établi le 23 juillet 2009, qui soulignait que la patiente « a suivi un traitement hormonal et les interventions chirurgicales nécessaires pour que son aspect et son comportement soient désormais féminins », l'attestation de l'orthophoniste C..., en date du 27 mai 2009, qui témoignait que « actuellement la voix et l'apparence de l'exposante sont parfaitement féminines et concordantes » et l'attestation du docteur en psychopathologie fondamentale H... qui certifiait qu'elle avait pu « constater la cohérence entre les propos de Mlle X... et son identité de genre revendiquée » ; que ces pièces établissaient pleinement que l'exposante présentait le syndrome du transsexualisme, qu'elle avait subi un traitement chirurgical faisant d'elle une femme et que son apparence physique comme son comportement social étaient féminins, de sorte qu'en jugeant que ces pièces étaient insuffisantes pour prouver les conditions nécessaires au changement de sexe et en faisant grief à l'exposante de ne pas avoir déféré à l'expertise judiciaire ordonnée, la cour d'appel a dénaturé les pièces précédemment citées ;

3°/ que tout patient a le libre choix de son médecin et que constitue une discrimination illicite le fait de le priver de ses droits sous prétexte qu'il s'est fait opérer par un médecin exerçant hors de France ; qu'en se fondant, pour dire que l'exposante aurait dû se soumettre à l'expertise judiciaire, sur le fait que le dossier complet exigé pour les patients opérés en France ne paraisse pas exigé par le chirurgien qui avait opéré l'exposante en Thaïlande et sur le fait que la notoriété scientifique et chirurgicale de ce chirurgien ne soit pas établie, pas plus que la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs discriminatoires, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ;
qu'après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé,
d'une part, que le certificat faisant état d'une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d'éléments médicaux sans constater l'effectivité de l'intervention,
d'autre part, que M. X... opposait un refus de principe à l'expertise ordonnée par les premiers juges,
la cour d'appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant rejeté la demande d'Axelle X... de rectification de la mention du sexe figurant dans son acte de naissance,

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en conséquence, lorsqu'à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ; que M. Axel X... né le 10 septembre 1983 à Séoul (Corée) a été déclaré à l'état civil, sous les prénoms de Axel Hugo Suk Jung, comme étant de sexe masculin ; que deux psychiatres, les Docteurs Y... et D... ont certifié, pour le premier le 12 avril 2007, suivre M. Axel X... « pour un syndrome typique de transsexualisme », pour le second le 3 avril 2008 qu'il présente un syndrome de benjamin typique ; que si les psychiatres ont posé un diagnostic de transsexualisme, l'absence d'affection mentale n'est pas évoquée ; que le Docteur Z... endocrinologue a attesté, le 16 janvier 2008 puis le 10 septembre 2008, « suivre sur le plan hormonal M. Axel X... pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 conjointement avec le Docteur Y... psychiatre » et que « La prégnance, la plausibilité et l'authenticité de sa dysphorie de genre ainsi que le " real life test " le rendent éligible pour la réassignation sexuelle » ; que cependant, le traitement endocrinien dont il est fait état est ancien ; que M. Axel X... a produit un certificat établi par la clinique B... selon lequel il aurait subi une opération de chirurgie de réassignation sexuelle effectuée par le docteur B... le 3 juillet 2008, combinant " une orchiectomie, une vaginoplastie, une clitoroplastie, une labiaplastie en une seule et même opération " et que celle-ci est irréversible ; que cependant ce certificat extrêmement lapidaire qui se borne à une énumération d'éléments d'ordre médical ne permet pas de constater que la réassignation sexuelle est effective ; qu'en outre, M. Axel X... communique des documents tirés sur Internet relatifs à la clinique, insuffisants pour établir la notoriété scientifique et chirurgicale du chirurgien qui l'a opéré et la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, ce que ne permet pas de garantir la seule allégation que l'opération ait été faite « dans le respect de toutes les définitions médicales et légales connues » ; que le certificat établi le 26 mai 2009 par le Docteur Isabelle A..., qui a pris en charge M. Axel X... pour une laryngoplastie, ne peut pas plus le démontrer faute de toute précision, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant s'agissant d'un certificat délivré par un spécialiste de l'oto-rhino-laryngologie ; qu'il n'est donc pas établi que M. Axel X... ne présente plus tous les caractères du sexe masculin ; que M. Axel X... oppose " par principe " un refus obstiné à l'expertise, et n'a pas déféré à celle qui avait été ordonnée par les premiers juges, au prétexte non pertinent de la protection de sa vie privée alors qu'il s'agit d'établir que la personne qui présente le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine ; que l'atteinte à la vie privée qui pourrait y être portée est proportionnée à l'exigence du constat de l'identité sexuelle laquelle est une composante de l'état de la personne soumise au principe d'ordre public de l'indisponibilité ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rectification de la mention du sexe dans son état civil ; que selon les nombreuses attestations de proches, M. Axel X... est connu sous un prénom féminin, sa conviction d'appartenir au sexe féminin, le suivi de divers traitements médico-chirurgicaux et la réalité de sa vie sociale justifient de son intérêt légitime à changer ses prénoms en ceux de Axelle, Sun Hee ; que l'appelant succombant pour sa demande principale, supportera les dépens,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par jugement du 17 février 2009, le tribunal a rappelé d'une part le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes et d'autre part le principe du changement de genre " lorsqu'est rigoureusement diagnostiqué un transsexualisme et que l'intéressé a subi, dans un but thérapeutique des transformations corporelles irréversibles " ; que pour garantir cette rigueur exigée, le tribunal a ordonné une expertise pluridisciplinaire confiée aux Docteurs E... psychiatre, F... endocrinologue et G... gynécologue avec une mission très complète et très précise portant tant sur les transformations corporelles que sur l'état psychique, psychologique et le comportement de l'intéressé depuis l'origine ; que le requérant s'oppose à l'expertise d'une part parce qu'il l'estime discriminatoire, cette mesure n'étant selon lui pas exigée de requérants opérés en France et d'autre part parce qu'elle pourrait être traumatisante ; que la mesure d'expertise réalisée par des experts très expérimentés en ce domaine, ne heurte aucun principe fondamental, ne portant pas atteinte au respect du corps humain ou aux convictions personnelles de l'intéressé ou encore à son état psychologique ; que le requérant a subi dans son passé un chemin difficile autrement plus traumatisant que la mesure d'expertise ordonnée qui a pour but l'aboutissement de sa démarche. ; qu'Axel X... produit à l'appui de sa demande : le certificat médical du Docteur Y... en date du 12 avril 2007 qui indique suivre Axel X... " pour un syndrome apique de transsexualisme et précise qu'il n'existe pas de contre indication pour l'intervention sur la pomme d'Adam " ; le certificat médical du Docteur Z... endocrinologue en date du 16 janvier 2008 qui certifie " suivre sur le plan hormonal M. X... Axel pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 conjointement avec le Docteur Y... psychiatre … La prégnance, la plausibilité et l'authenticité de sa dysphorie de genre ainsi que le " real life test " le rendent éligible pour la réassignation sexuelle " ; le certificat du Docteur D... psychiatre qui le 3 avril 2008 indique que le requérant " présente un syndrome de Benjamin typique. Il n'existe aucune contre indication aux traitements médicaux et chirurgicaux nécessités par la réassignation de genre " ; le compte rendu opératoire du Docteur B... qui le 3 juillet 2008 a réalisé en Thaïlande, une orchiectomie, une vaginoplastie, une clitoroplastie et une labiaplastie, il conclut le compte rendu en indiquant que " l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle de M. Axel X... pour une identité sexuelle féminine " ; que ces documents pour informateurs qu'ils soient, ne répondent pas aux interrogations du tribunal, sur l'origine, la nature, la persistance et les conséquences du syndrome constaté ; qu'en quelques lignes destinées à permette l'intervention chirurgicale souhaitée par le patient, les médecins consultés ne peuvent accomplir le travail de trois experts sollicités dans le cadre d'une mission très large et très complète ; qu'ainsi en particulier, ces certificats médicaux n'évoquent pas l'état psychique et le comportement d'Axel X... relativement à son sexe, ne se prononcent pas sur l'origine du syndrome et son évolution, qu'ils ne précisent pas si le sujet est atteint de troubles mentaux et s'il a suivi une psychothérapie ; que ces certificats tous antérieurs à la réassignation de genre, ne fournissent aucun renseignement sur l'état actuel du sujet ; qu'en revanche, les patients opérés en France, produisent un dossier complet dans toutes les disciplines concernées, lequel est exigé avant l'intervention de réassignation ; que ce dossier ne paraît pas être demandé par le Docteur B... qui opère à Chonburi en Thaïlande ; que lorsqu'ils sont pris en charge par la Sécurité Sociale, ces patients ont été soumis à des examens préalables nombreux et rigoureux ; que dans l'état de son dossier, il appartenait à Monsieur Axel X... de se soumette avec bonne volonté à l'expertise ordonnée par le tribunal ; qu'il convient dès lors de faire application des dispositions de l'article 11 du code procédure civile, lequel autorise le tribunal à tirer toutes conséquences de la carence d'une partie pour apporter son concours à une mesure d'instruction et à constater qu'en l'absence d'expertise pluridisciplinaire, la demande de Monsieur Axel X... n'est pas suffisamment étayée,

1- ALORS QUE le droit au respect de sa vie privée et familiale commande que le changement de sexe d'une personne soit autorisé à chaque fois que son apparence physique la rapproche de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire droit à la demande de changement de sexe, la Cour d'appel s'est fondée sur le fait que l'exposante ait refusé de déférer à une expertise ayant pour objet, d'une part, de se prononcer sur l'origine du syndrome de transsexualisme et son évolution, d'autre part, de caractériser qu'elle ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que l'exposante était connue sous un prénom féminin, qu'elle avait la conviction d'appartenir au sexe féminin, qu'elle avait suivi divers traitements médico-chirurgicaux et que la réalité de sa vie sociale était celle d'une femme, ce qui était suffisant pour faire droit à la demande, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2- ALORS, subsidiairement, QUE même s'il est exigé de la personne qui demande à changer de sexe de justifier présenter le syndrome du transsexualisme, de justifier d'un traitement médico-chirurgical, et de justifier d'une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, la preuve de ces éléments n'est pas nécessairement rapportée par une expertise judiciaire mais peut être rapportée par les pièces produites par le demandeur, qui ne doivent pas être dénaturées ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait notamment le certificat établi le 12 avril 2007 par le docteur Y... qui indiquait suivre la patiente « pour un syndrome typique de transsexualisme », le certificat établi le 16 janvier 2008 par le docteur Z..., qui certifiait la « suivre sur le plan hormonal pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 » et qui soulignait que l'exposante était « éligible pour la réassignation chirurgicale, qu'elle attend légitimement », le certificat médical du psychiatre D... établi le 3 avril 2008 qui certifiait que la patiente « présente un syndrome de BENJAMIN typique ; il n'existe actuellement aucune contre-indication aux traitements médicaux et/ ou chirurgicaux nécessités pour la réassignation de genre demandée par le sujet », le certificat du docteur B... qui détaillait l'opération réalisée et concluait que « l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle masculine de M. Axel X... pour une identité sexuelle féminine », le certificat médical établi le 26 mai 2009 par le docteur A..., postérieurement à l'opération, qui indiquait que « la chirurgie de réassignation des organes génitaux externe a été réalisée et est irréversible », le certificat médical du psychiatre D..., établi le 23 juillet 2009, qui soulignait que la patiente « a suivi un traitement hormonal et les interventions chirurgicales nécessaires pour que son aspect et son comportement soient désormais féminins », l'attestation de l'orthophoniste C..., en date du 27 mai 2009, qui témoignait que « actuellement la voix et l'apparence de l'exposante sont parfaitement féminines et concordantes » et l'attestation du Docteur en psychopathologie fondamentale H... qui certifiait qu'elle avait pu « constater la cohérence entre les propos de Mademoiselle X... et son identité de genre revendiquée » ; que ces pièces établissaient pleinement que l'exposante présentait le syndrome du transsexualisme, qu'elle avait subi un traitement chirurgical faisant d'elle une femme et que son apparence physique comme son comportement social étaient féminins, de sorte qu'en jugeant que ces pièces étaient insuffisantes pour prouver les conditions nécessaires au changement de sexe et en faisant grief à l'exposante de ne pas avoir déféré à l'expertise judiciaire ordonnée, la Cour d'appel a dénaturé les pièces précédemment citées.

3- ALORS, en tout état de cause, QUE tout patient a le libre choix de son médecin et que constitue une discrimination illicite le fait de le priver de ses droits sous prétexte qu'il s'est fait opérer par un médecin exerçant hors de France ; qu'en se fondant, pour dire que l'exposante aurait dû se soumettre à l'expertise judiciaire, sur le fait que le dossier complet exigé pour les patients opérés en France ne paraisse pas exigé par le chirurgien qui avait opéré l'exposante en Thaïlande et sur le fait que la notoriété scientifique et chirurgicale de ce chirurgien ne soit pas établie, pas plus que la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs discriminatoires, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1110-8 du Code de la santé publique.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 7 juin 2012

N° de pourvoi: 11-22490
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 septembre 2010), que Mme Louis Anne X..., ayant, depuis l'enfance le sentiment d'appartenir au sexe masculin, dont elle a adopté le comportement, a entrepris une démarche de changement de sexe avec l'aide d'une équipe médicale spécialisée ; qu'elle fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en rectification de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance, alors, selon le moyen :

1°/ que si le juge du fond peut parfaitement se référer à une jurisprudence, c'est à la double condition de rappeler les motifs de cette jurisprudence ou de cette décision et de constater en fait l'analogie des situations qui en justifie l'application à l'espèce ; qu'en se bornant à retenir que « la jurisprudence est fixée en ce sens que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire », la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer l'écrit qui est soumis à leur examen, et dont les termes sont clairs et précis ; qu'il résulte du certificat médical daté du 1er octobre 2008 que Mme X... Anne a subi des transformations physiques dans le sens d'une virilisation irréversible ; qu'en retenant que le caractère irréversible du changement de sexe ne résulte pas des pièces médicales produites, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que s'il a le pouvoir d'ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles, le juge ne dispose que d'une simple faculté et peut se prononcer au seul vu des éléments de preuve produits par les parties au litige et doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux ; que l'expertise judiciaire pour établir la réalité du syndrome transsexuel, doit être limitée aux seuls cas de doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur, notamment en l'absence d'attestations émanant de plusieurs médecins, reconnus pour leur compétence en la matière ou qui ont suivi la personne concernée ; qu'en l'espèce, l'expertise judiciaire s'avérait surabondante dès lors qu'il était produit plusieurs certificats médicaux attestant du changement de sexe irréversible ; qu'en retenant, nonobstant, les nombreuses pièces attestant du syndrome transsexuel et du caractère irréversible du changement de sexe, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 10, 144, 146, 147, 263 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque le syndrome transsexuel, le traitement suivi et le caractère irréversible du changement de sexe sont certifiés par les médecins qui ont suivi la personne transsexuelle, le juge ne peut, sous peine d'atteintes au respect de la vie privée, à la dignité humaine et à l'intégrité du corps humain, ordonner une expertise judiciaire tendant à établir la réalité du syndrome transsexuel ; que la cour d'appel a retenu, sans égards pour les certificats médicaux produits et les attestations d'une apparence physique et d'un mode de vie au masculin, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire qui ne peut s'analyser en une atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 9 et 16-1 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ; que la cour d'appel, après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits par Mme X... tendant à établir qu'elle présentait le syndrome de Benjamin, qu'elle avait subi une mastectomie totale avec greffe des aréoles et suivait un traitement hormonal, a estimé que le caractère irréversible du changement de sexe n'en résultait pas ; qu'elle a pu, dès lors, constatant en outre que Mme X... refusait, par principe, de se prêter à des opérations d'expertise en vue de faire cette démonstration, rejeter la demande de celle-ci ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme X...


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Louis né Anne X... tendant à se voir désigner à l'état civil comme étant de sexe masculin et d'avoir limité le changement de prénom au premier prénom Louis en conservant les prénoms Anne, Pascal, Françoise

AUX MOTIFS QUE :

Attendu que Mme Anne Pascal Françoise X... produit de nombreux documents, notamment médicaux, tendant à établir qu'elle présente le syndrome de Benjamin, qu'elle a subi une mastectomie totale avec greffe des aréoles et suit un traitement hormonal ;

Attendu que la jurisprudence est fixée en ce sens que lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence, mais que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire ; que cette interprétation jurisprudentielle ne peut être modifiée par une circulaire ; que c'est donc à bon droit et par une juste application du droit que les premiers juges ont ordonné une expertise et, sur le refus de l'intéressée de s'y soumettre, ont rejeté sa demande ;

Attendu que la cour est très sensible, sur le plan humain, aux difficultés matérielles, voire aux souffrances psychologiques qu'engendre cette situation pour Mme Anne Pascal Françoise X... ; que toutefois il lui serait possible d'y mettre fin en se prêtant à des opérations d'expertise qui peuvent être menées avec tact par un expert particulièrement averti de ces questions et ne peuvent s'analyser en une atteinte à l'intimité de sa vie privée ; que si le refus de cette mesure visant à démontrer le caractère irréversible du changement de sexe, qui ne résulte pas en l'état des pièces médicales produites, est pour elle une question de principe, ce qui est respectable, la présente décision lui permet d'exercer un recours ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision dont appel ;

ALORS QUE si le juge du fond peut parfaitement se référer à une jurisprudence, c'est à la double condition de rappeler les motifs de cette jurisprudence ou de cette décision et de constater en fait l'analogie des situations qui en justifie l'application à l'espèce ; qu'en se bornant à retenir que « la jurisprudence est fixée en ce sens que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire », la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile

ALORS QU' il est interdit aux juges du fond de dénaturer l'écrit qui est soumis à leur examen, et dont les termes sont clairs et précis ; qu'il résulte du certificat médical daté du 1er octobre 2008 (pièce 9 des conclusions d'appel) que Melle X... Anne a subi des transformations physiques dans le sens d'une virilisation irréversible ; qu'en retenant que le caractère irréversible du changement de sexe ne résulte pas des pièces médicales produites, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE s'il a le pouvoir d'ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles, le juge ne dispose que d'une simple faculté et peut se prononcer au seul vu des éléments de preuve produits par les parties au litige et doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux ; que l'expertise judiciaire pour établir la réalité du syndrome transsexuel, doit être limitée aux seuls cas de doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur, notamment en l'absence d'attestations émanant de plusieurs médecins, reconnus pour leur compétence en la matière ou qui ont suivi la personne concernée ; qu'en l'espèce l'expertise judiciaire s'avérait surabondante dès lors qu'il était produit plusieurs certificats médicaux attestant du changement de sexe irréversible ; qu'en retenant, nonobstant les nombreuses pièces attestant du syndrome transsexuel et du caractère irréversible du changement de sexe, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 10, 144, 146, 147, 263 du code de procédure civile.

ALORS QUE lorsque le syndrome transsexuel, le traitement suivi et le caractère irréversible du changement de sexe sont certifiés par les médecins qui ont suivi la personne transsexuelle, le juge ne peut, sous peine d'atteintes au respect de la vie privée, à la dignité humaine et à l'intégrité du corps humain, ordonner une expertise judiciaire tendant à établir la réalité du syndrome transsexuel ; que la cour d'appel a retenu, sans égards pour les certificats médicaux produits et les attestations d'une apparence physique et d'un mode de vie au masculin, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire qui ne peut s'analyser en une atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les articles 9 et 16-1 du code civil et 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 7 juin 2012

N° de pourvoi: 10-26947
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2010), que M. X..., né le 10 septembre 1983 à Séoul (Corée), a été déclaré à l'état civil, sous les prénoms d'Axel, Hugo, Suk, Jung comme étant de sexe masculin ; que, par acte du 11 septembre 2008, il a assigné le procureur de la République pour voir dire qu'il est de sexe féminin et se prénommera Axelle ; qu'il a produit, à l'appui de sa demande, divers certificats médicaux émanant de praticiens français et étrangers, dont l'un faisait état d'une intervention chirurgicale de " réassignation " sexuelle réalisée en Thaïlande le 3 juillet 2008 à la clinique B... ; que, par jugement du 17 février 2009, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale pluridisciplinaire confiée à un psychiatre, un endocrinologue et un gynécologue ; que M. X... s'étant opposé à cette mesure, le tribunal a rejeté sa demande ; que la cour d'appel, tout en ordonnant la rectification de son prénom, a refusé celle de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit au respect de sa vie privée et familiale commande que le changement de sexe d'une personne soit autorisé à chaque fois que son apparence physique la rapproche de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire droit à la demande de changement de sexe, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que l'exposante ait refusé de déférer à une expertise ayant pour objet, d'une part, de se prononcer sur l'origine du syndrome de transsexualisme et son évolution, d'autre part, de caractériser qu'elle ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que l'exposante était connue sous un prénom féminin, qu'elle avait la conviction d'appartenir au sexe féminin, qu'elle avait suivi divers traitements médico-chirurgicaux et que la réalité de sa vie sociale était celle d'une femme, ce qui était suffisant pour faire droit à la demande, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que même s'il est exigé de la personne qui demande à changer de sexe de justifier présenter le syndrome du transsexualisme, de justifier d'un traitement médico-chirurgical et de justifier d'une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, la preuve de ces éléments n'est pas nécessairement rapportée par une expertise judiciaire mais peut être rapportée par les pièces produites par le demandeur, qui ne doivent pas être dénaturées ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait notamment le certificat établi le 12 avril 2007 par M. Y... qui indiquait suivre la patiente « pour un syndrome typique de transsexualisme », le certificat établi le 16 janvier 2008 par M. Z..., qui certifiait la « suivre sur le plan hormonal pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 » et qui soulignait que l'exposante était « éligible pour la réassignation chirurgicale, qu'elle attend légitimement », le certificat médical du psychiatre D... établi le 3 avril 2008 qui certifiait que la patiente « présente un syndrome de Benjamin typique ; il n'existe actuellement aucune contre-indication aux traitements médicaux et/ ou chirurgicaux nécessités pour la réassignation de genre demandée par le sujet », le certificat de M. B... qui détaillait l'opération réalisée et concluait que « l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle masculine de M. X... pour une identité sexuelle féminine », le certificat médical établi le 26 mai 2009 par M. A..., postérieurement à l'opération, qui indiquait que « la chirurgie de réassignation des organes génitaux externe a été réalisée et est irréversible », le certificat médical du psychiatre D..., établi le 23 juillet 2009, qui soulignait que la patiente « a suivi un traitement hormonal et les interventions chirurgicales nécessaires pour que son aspect et son comportement soient désormais féminins », l'attestation de l'orthophoniste C..., en date du 27 mai 2009, qui témoignait que « actuellement la voix et l'apparence de l'exposante sont parfaitement féminines et concordantes » et l'attestation du docteur en psychopathologie fondamentale H... qui certifiait qu'elle avait pu « constater la cohérence entre les propos de Mlle X... et son identité de genre revendiquée » ; que ces pièces établissaient pleinement que l'exposante présentait le syndrome du transsexualisme, qu'elle avait subi un traitement chirurgical faisant d'elle une femme et que son apparence physique comme son comportement social étaient féminins, de sorte qu'en jugeant que ces pièces étaient insuffisantes pour prouver les conditions nécessaires au changement de sexe et en faisant grief à l'exposante de ne pas avoir déféré à l'expertise judiciaire ordonnée, la cour d'appel a dénaturé les pièces précédemment citées ;

3°/ que tout patient a le libre choix de son médecin et que constitue une discrimination illicite le fait de le priver de ses droits sous prétexte qu'il s'est fait opérer par un médecin exerçant hors de France ; qu'en se fondant, pour dire que l'exposante aurait dû se soumettre à l'expertise judiciaire, sur le fait que le dossier complet exigé pour les patients opérés en France ne paraisse pas exigé par le chirurgien qui avait opéré l'exposante en Thaïlande et sur le fait que la notoriété scientifique et chirurgicale de ce chirurgien ne soit pas établie, pas plus que la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs discriminatoires, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ; qu'après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d'une part, que le certificat faisant état d'une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d'éléments médicaux sans constater l'effectivité de l'intervention, d'autre part, que M. X... opposait un refus de principe à l'expertise ordonnée par les premiers juges, la cour d'appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant rejeté la demande d'Axelle X... de rectification de la mention du sexe figurant dans son acte de naissance,

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en conséquence, lorsqu'à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ; que M. Axel X... né le 10 septembre 1983 à Séoul (Corée) a été déclaré à l'état civil, sous les prénoms de Axel Hugo Suk Jung, comme étant de sexe masculin ; que deux psychiatres, les Docteurs Y... et D... ont certifié, pour le premier le 12 avril 2007, suivre M. Axel X... « pour un syndrome typique de transsexualisme », pour le second le 3 avril 2008 qu'il présente un syndrome de benjamin typique ; que si les psychiatres ont posé un diagnostic de transsexualisme, l'absence d'affection mentale n'est pas évoquée ; que le Docteur Z... endocrinologue a attesté, le 16 janvier 2008 puis le 10 septembre 2008, « suivre sur le plan hormonal M. Axel X... pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 conjointement avec le Docteur Y... psychiatre » et que « La prégnance, la plausibilité et l'authenticité de sa dysphorie de genre ainsi que le " real life test " le rendent éligible pour la réassignation sexuelle » ; que cependant, le traitement endocrinien dont il est fait état est ancien ; que M. Axel X... a produit un certificat établi par la clinique B... selon lequel il aurait subi une opération de chirurgie de réassignation sexuelle effectuée par le docteur B... le 3 juillet 2008, combinant " une orchiectomie, une vaginoplastie, une clitoroplastie, une labiaplastie en une seule et même opération " et que celle-ci est irréversible ; que cependant ce certificat extrêmement lapidaire qui se borne à une énumération d'éléments d'ordre médical ne permet pas de constater que la réassignation sexuelle est effective ; qu'en outre, M. Axel X... communique des documents tirés sur Internet relatifs à la clinique, insuffisants pour établir la notoriété scientifique et chirurgicale du chirurgien qui l'a opéré et la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, ce que ne permet pas de garantir la seule allégation que l'opération ait été faite « dans le respect de toutes les définitions médicales et légales connues » ; que le certificat établi le 26 mai 2009 par le Docteur Isabelle A..., qui a pris en charge M. Axel X... pour une laryngoplastie, ne peut pas plus le démontrer faute de toute précision, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant s'agissant d'un certificat délivré par un spécialiste de l'oto-rhino-laryngologie ; qu'il n'est donc pas établi que M. Axel X... ne présente plus tous les caractères du sexe masculin ; que M. Axel X... oppose " par principe " un refus obstiné à l'expertise, et n'a pas déféré à celle qui avait été ordonnée par les premiers juges, au prétexte non pertinent de la protection de sa vie privée alors qu'il s'agit d'établir que la personne qui présente le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine ; que l'atteinte à la vie privée qui pourrait y être portée est proportionnée à l'exigence du constat de l'identité sexuelle laquelle est une composante de l'état de la personne soumise au principe d'ordre public de l'indisponibilité ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rectification de la mention du sexe dans son état civil ; que selon les nombreuses attestations de proches, M. Axel X... est connu sous un prénom féminin, sa conviction d'appartenir au sexe féminin, le suivi de divers traitements médico-chirurgicaux et la réalité de sa vie sociale justifient de son intérêt légitime à changer ses prénoms en ceux de Axelle, Sun Hee ; que l'appelant succombant pour sa demande principale, supportera les dépens,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par jugement du 17 février 2009, le tribunal a rappelé d'une part le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes et d'autre part le principe du changement de genre " lorsqu'est rigoureusement diagnostiqué un transsexualisme et que l'intéressé a subi, dans un but thérapeutique des transformations corporelles irréversibles " ; que pour garantir cette rigueur exigée, le tribunal a ordonné une expertise pluridisciplinaire confiée aux Docteurs E... psychiatre, F... endocrinologue et G... gynécologue avec une mission très complète et très précise portant tant sur les transformations corporelles que sur l'état psychique, psychologique et le comportement de l'intéressé depuis l'origine ; que le requérant s'oppose à l'expertise d'une part parce qu'il l'estime discriminatoire, cette mesure n'étant selon lui pas exigée de requérants opérés en France et d'autre part parce qu'elle pourrait être traumatisante ; que la mesure d'expertise réalisée par des experts très expérimentés en ce domaine, ne heurte aucun principe fondamental, ne portant pas atteinte au respect du corps humain ou aux convictions personnelles de l'intéressé ou encore à son état psychologique ; que le requérant a subi dans son passé un chemin difficile autrement plus traumatisant que la mesure d'expertise ordonnée qui a pour but l'aboutissement de sa démarche. ; qu'Axel X... produit à l'appui de sa demande : le certificat médical du Docteur Y... en date du 12 avril 2007 qui indique suivre Axel X... " pour un syndrome apique de transsexualisme et précise qu'il n'existe pas de contre indication pour l'intervention sur la pomme d'Adam " ; le certificat médical du Docteur Z... endocrinologue en date du 16 janvier 2008 qui certifie " suivre sur le plan hormonal M. X... Axel pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 conjointement avec le Docteur Y... psychiatre … La prégnance, la plausibilité et l'authenticité de sa dysphorie de genre ainsi que le " real life test " le rendent éligible pour la réassignation sexuelle " ; le certificat du Docteur D... psychiatre qui le 3 avril 2008 indique que le requérant " présente un syndrome de Benjamin typique. Il n'existe aucune contre indication aux traitements médicaux et chirurgicaux nécessités par la réassignation de genre " ; le compte rendu opératoire du Docteur B... qui le 3 juillet 2008 a réalisé en Thaïlande, une orchiectomie, une vaginoplastie, une clitoroplastie et une labiaplastie, il conclut le compte rendu en indiquant que " l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle de M. Axel X... pour une identité sexuelle féminine " ; que ces documents pour informateurs qu'ils soient, ne répondent pas aux interrogations du tribunal, sur l'origine, la nature, la persistance et les conséquences du syndrome constaté ; qu'en quelques lignes destinées à permette l'intervention chirurgicale souhaitée par le patient, les médecins consultés ne peuvent accomplir le travail de trois experts sollicités dans le cadre d'une mission très large et très complète ; qu'ainsi en particulier, ces certificats médicaux n'évoquent pas l'état psychique et le comportement d'Axel X... relativement à son sexe, ne se prononcent pas sur l'origine du syndrome et son évolution, qu'ils ne précisent pas si le sujet est atteint de troubles mentaux et s'il a suivi une psychothérapie ; que ces certificats tous antérieurs à la réassignation de genre, ne fournissent aucun renseignement sur l'état actuel du sujet ; qu'en revanche, les patients opérés en France, produisent un dossier complet dans toutes les disciplines concernées, lequel est exigé avant l'intervention de réassignation ; que ce dossier ne paraît pas être demandé par le Docteur B... qui opère à Chonburi en Thaïlande ; que lorsqu'ils sont pris en charge par la Sécurité Sociale, ces patients ont été soumis à des examens préalables nombreux et rigoureux ; que dans l'état de son dossier, il appartenait à Monsieur Axel X... de se soumette avec bonne volonté à l'expertise ordonnée par le tribunal ; qu'il convient dès lors de faire application des dispositions de l'article 11 du code procédure civile, lequel autorise le tribunal à tirer toutes conséquences de la carence d'une partie pour apporter son concours à une mesure d'instruction et à constater qu'en l'absence d'expertise pluridisciplinaire, la demande de Monsieur Axel X... n'est pas suffisamment étayée,

1- ALORS QUE le droit au respect de sa vie privée et familiale commande que le changement de sexe d'une personne soit autorisé à chaque fois que son apparence physique la rapproche de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire droit à la demande de changement de sexe, la Cour d'appel s'est fondée sur le fait que l'exposante ait refusé de déférer à une expertise ayant pour objet, d'une part, de se prononcer sur l'origine du syndrome de transsexualisme et son évolution, d'autre part, de caractériser qu'elle ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que l'exposante était connue sous un prénom féminin, qu'elle avait la conviction d'appartenir au sexe féminin, qu'elle avait suivi divers traitements médico-chirurgicaux et que la réalité de sa vie sociale était celle d'une femme, ce qui était suffisant pour faire droit à la demande, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2- ALORS, subsidiairement, QUE même s'il est exigé de la personne qui demande à changer de sexe de justifier présenter le syndrome du transsexualisme, de justifier d'un traitement médico-chirurgical, et de justifier d'une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, la preuve de ces éléments n'est pas nécessairement rapportée par une expertise judiciaire mais peut être rapportée par les pièces produites par le demandeur, qui ne doivent pas être dénaturées ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait notamment le certificat établi le 12 avril 2007 par le docteur Y... qui indiquait suivre la patiente « pour un syndrome typique de transsexualisme », le certificat établi le 16 janvier 2008 par le docteur Z..., qui certifiait la « suivre sur le plan hormonal pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 » et qui soulignait que l'exposante était « éligible pour la réassignation chirurgicale, qu'elle attend légitimement », le certificat médical du psychiatre D... établi le 3 avril 2008 qui certifiait que la patiente « présente un syndrome de BENJAMIN typique ; il n'existe actuellement aucune contre-indication aux traitements médicaux et/ ou chirurgicaux nécessités pour la réassignation de genre demandée par le sujet », le certificat du docteur B... qui détaillait l'opération réalisée et concluait que « l'opération est irréversible et change de manière permanente l'identité sexuelle masculine de M. Axel X... pour une identité sexuelle féminine », le certificat médical établi le 26 mai 2009 par le docteur A..., postérieurement à l'opération, qui indiquait que « la chirurgie de réassignation des organes génitaux externe a été réalisée et est irréversible », le certificat médical du psychiatre D..., établi le 23 juillet 2009, qui soulignait que la patiente « a suivi un traitement hormonal et les interventions chirurgicales nécessaires pour que son aspect et son comportement soient désormais féminins », l'attestation de l'orthophoniste C..., en date du 27 mai 2009, qui témoignait que « actuellement la voix et l'apparence de l'exposante sont parfaitement féminines et concordantes » et l'attestation du Docteur en psychopathologie fondamentale H... qui certifiait qu'elle avait pu « constater la cohérence entre les propos de Mademoiselle X... et son identité de genre revendiquée » ; que ces pièces établissaient pleinement que l'exposante présentait le syndrome du transsexualisme, qu'elle avait subi un traitement chirurgical faisant d'elle une femme et que son apparence physique comme son comportement social étaient féminins, de sorte qu'en jugeant que ces pièces étaient insuffisantes pour prouver les conditions nécessaires au changement de sexe et en faisant grief à l'exposante de ne pas avoir déféré à l'expertise judiciaire ordonnée, la Cour d'appel a dénaturé les pièces précédemment citées.

3- ALORS, en tout état de cause, QUE tout patient a le libre choix de son médecin et que constitue une discrimination illicite le fait de le priver de ses droits sous prétexte qu'il s'est fait opérer par un médecin exerçant hors de France ; qu'en se fondant, pour dire que l'exposante aurait dû se soumettre à l'expertise judiciaire, sur le fait que le dossier complet exigé pour les patients opérés en France ne paraisse pas exigé par le chirurgien qui avait opéré l'exposante en Thaïlande et sur le fait que la notoriété scientifique et chirurgicale de ce chirurgien ne soit pas établie, pas plus que la pertinence de l'intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs discriminatoires, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1110-8 du Code de la santé publique.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 7 juin 2012

N° de pourvoi: 11-22490
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 septembre 2010), que Mme Louis Anne X..., ayant, depuis l'enfance le sentiment d'appartenir au sexe masculin, dont elle a adopté le comportement, a entrepris une démarche de changement de sexe avec l'aide d'une équipe médicale spécialisée ; qu'elle fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en rectification de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance, alors, selon le moyen :

1°/ que si le juge du fond peut parfaitement se référer à une jurisprudence, c'est à la double condition de rappeler les motifs de cette jurisprudence ou de cette décision et de constater en fait l'analogie des situations qui en justifie l'application à l'espèce ; qu'en se bornant à retenir que « la jurisprudence est fixée en ce sens que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire », la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer l'écrit qui est soumis à leur examen, et dont les termes sont clairs et précis ; qu'il résulte du certificat médical daté du 1er octobre 2008 que Mme X... Anne a subi des transformations physiques dans le sens d'une virilisation irréversible ; qu'en retenant que le caractère irréversible du changement de sexe ne résulte pas des pièces médicales produites, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que s'il a le pouvoir d'ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles, le juge ne dispose que d'une simple faculté et peut se prononcer au seul vu des éléments de preuve produits par les parties au litige et doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux ; que l'expertise judiciaire pour établir la réalité du syndrome transsexuel, doit être limitée aux seuls cas de doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur, notamment en l'absence d'attestations émanant de plusieurs médecins, reconnus pour leur compétence en la matière ou qui ont suivi la personne concernée ; qu'en l'espèce, l'expertise judiciaire s'avérait surabondante dès lors qu'il était produit plusieurs certificats médicaux attestant du changement de sexe irréversible ; qu'en retenant, nonobstant, les nombreuses pièces attestant du syndrome transsexuel et du caractère irréversible du changement de sexe, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 10, 144, 146, 147, 263 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque le syndrome transsexuel, le traitement suivi et le caractère irréversible du changement de sexe sont certifiés par les médecins qui ont suivi la personne transsexuelle, le juge ne peut, sous peine d'atteintes au respect de la vie privée, à la dignité humaine et à l'intégrité du corps humain, ordonner une expertise judiciaire tendant à établir la réalité du syndrome transsexuel ; que la cour d'appel a retenu, sans égards pour les certificats médicaux produits et les attestations d'une apparence physique et d'un mode de vie au masculin, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire qui ne peut s'analyser en une atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 9 et 16-1 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ; que la cour d'appel, après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits par Mme X... tendant à établir qu'elle présentait le syndrome de Benjamin, qu'elle avait subi une mastectomie totale avec greffe des aréoles et suivait un traitement hormonal, a estimé que le caractère irréversible du changement de sexe n'en résultait pas ; qu'elle a pu, dès lors, constatant en outre que Mme X... refusait, par principe, de se prêter à des opérations d'expertise en vue de faire cette démonstration, rejeter la demande de celle-ci ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme X...


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Louis né Anne X... tendant à se voir désigner à l'état civil comme étant de sexe masculin et d'avoir limité le changement de prénom au premier prénom Louis en conservant les prénoms Anne, Pascal, Françoise

AUX MOTIFS QUE :

Attendu que Mme Anne Pascal Françoise X... produit de nombreux documents, notamment médicaux, tendant à établir qu'elle présente le syndrome de Benjamin, qu'elle a subi une mastectomie totale avec greffe des aréoles et suit un traitement hormonal ;

Attendu que la jurisprudence est fixée en ce sens que lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence, mais que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire ; que cette interprétation jurisprudentielle ne peut être modifiée par une circulaire ; que c'est donc à bon droit et par une juste application du droit que les premiers juges ont ordonné une expertise et, sur le refus de l'intéressée de s'y soumettre, ont rejeté sa demande ;

Attendu que la cour est très sensible, sur le plan humain, aux difficultés matérielles, voire aux souffrances psychologiques qu'engendre cette situation pour Mme Anne Pascal Françoise X... ; que toutefois il lui serait possible d'y mettre fin en se prêtant à des opérations d'expertise qui peuvent être menées avec tact par un expert particulièrement averti de ces questions et ne peuvent s'analyser en une atteinte à l'intimité de sa vie privée ; que si le refus de cette mesure visant à démontrer le caractère irréversible du changement de sexe, qui ne résulte pas en l'état des pièces médicales produites, est pour elle une question de principe, ce qui est respectable, la présente décision lui permet d'exercer un recours ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision dont appel ;

ALORS QUE si le juge du fond peut parfaitement se référer à une jurisprudence, c'est à la double condition de rappeler les motifs de cette jurisprudence ou de cette décision et de constater en fait l'analogie des situations qui en justifie l'application à l'espèce ; qu'en se bornant à retenir que « la jurisprudence est fixée en ce sens que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire », la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile

ALORS QU' il est interdit aux juges du fond de dénaturer l'écrit qui est soumis à leur examen, et dont les termes sont clairs et précis ; qu'il résulte du certificat médical daté du 1er octobre 2008 (pièce 9 des conclusions d'appel) que Melle X... Anne a subi des transformations physiques dans le sens d'une virilisation irréversible ; qu'en retenant que le caractère irréversible du changement de sexe ne résulte pas des pièces médicales produites, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE s'il a le pouvoir d'ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles, le juge ne dispose que d'une simple faculté et peut se prononcer au seul vu des éléments de preuve produits par les parties au litige et doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux ; que l'expertise judiciaire pour établir la réalité du syndrome transsexuel, doit être limitée aux seuls cas de doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur, notamment en l'absence d'attestations émanant de plusieurs médecins, reconnus pour leur compétence en la matière ou qui ont suivi la personne concernée ; qu'en l'espèce l'expertise judiciaire s'avérait surabondante dès lors qu'il était produit plusieurs certificats médicaux attestant du changement de sexe irréversible ; qu'en retenant, nonobstant les nombreuses pièces attestant du syndrome transsexuel et du caractère irréversible du changement de sexe, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 10, 144, 146, 147, 263 du code de procédure civile.

ALORS QUE lorsque le syndrome transsexuel, le traitement suivi et le caractère irréversible du changement de sexe sont certifiés par les médecins qui ont suivi la personne transsexuelle, le juge ne peut, sous peine d'atteintes au respect de la vie privée, à la dignité humaine et à l'intégrité du corps humain, ordonner une expertise judiciaire tendant à établir la réalité du syndrome transsexuel ; que la cour d'appel a retenu, sans égards pour les certificats médicaux produits et les attestations d'une apparence physique et d'un mode de vie au masculin, que la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire qui ne peut s'analyser en une atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les articles 9 et 16-1 du code civil et 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

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