Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du jeudi 30 mai 1991

N° de pourvoi: 90-84420
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 309 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de blessures volontaires avec préméditation et, en répression, l'a condamné aux peines de 6 mois d'emprisonnement assorti du sursis et 20 000 francs d'amende ;

" aux motifs " que selon le dictionnaire Robert, l'adjectif " thérapeutique " signifie " qui concerne l'ensemble des actions et pratiques destinées à guérir " ; qu'il est reproché en l'espèce aux praticiens d'avoir oublié l'intérêt du patient pour satisfaire leur curiosité scientifique (...) ; que, lorsqu'un chirurgien pratique une opération qu'il sait interdite, il n'est bien évidemment pas couvert par le fait justificatif que constitue l'autorisation de la loi ; que, dans ce cas, les blessures qu'il cause à son patient par le fait même de son intervention sont volontaires de sa part " ;

" alors, que, d'une part, l'intérêt scientifique que peut avoir un chirurgien à pratiquer une opération n'est pas exclusif de l'objectif thérapeutique justifiant son intervention ; qu'en se bornant à énoncer que le docteur X... avait oublié l'intérêt du patient et avait voulu satisfaire sa curiosité scientifique, sans rechercher si cette prétendue curiosité scientifique excluait nécessairement l'objectif thérapeutique initial, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes précités ;

" et, alors que, d'autre part, en présence d'un intérêt thérapeutique, le fait justificatif tiré de l'autorisation de la loi est applicable et exclut toute incrimination pénale ; qu'en se fondant sur la prétendue interdiction de pratiquer l'opération pour rejeter l'application du fait justificatif sans rechercher si l'intérêt supérieur du malade constituait l'objectif thérapeutique autorisant l'intervention, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen et n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le docteur X..., chirurgien urologue, a procédé, le 26 janvier 1980, à l'ablation de l'appareil génital externe masculin de Y..., ce dernier voulant mettre son corps en harmonie avec le sentiment d'appartenir au sexe féminin ; que déçu des résultats de l'opération, il a porté plainte contre le docteur X... ; qu'après plusieurs nouvelles interventions, il s'est suicidé en 1988 ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du docteur X... du chef de coups ou blessures volontaires avec préméditation, la cour d'appel énonce que cette opération n'a pas été faite dans l'intérêt thérapeutique du patient mais pour satisfaire la curiosité scientifique du chirurgien ; qu'elle en déduit que celui-ci n'était pas couvert par le fait justificatif que constitue l'autorisation de la loi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait qui leur étaient soumis, d'où il résulte que l'objectif thérapeutique du médecin n'était pas établi en l'espèce et qu'en conséquence le délit reproché était caractérisé, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel doit, dès lors, être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 1991 N° 232 p. 591
Droit pénal 1991, 255, obs. Véron ;
GP 1992, 1, 17 ; RSC 1992, p. 74, obs. Levasseur.