Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 15 février 2012
N° de pourvoi: 10-27512 11-19963
Publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 octobre 2010), que
M. X... a déclaré vouloir prénommer son fils, né
le 7 novembre 2009, Titeuf, Gregory, Léo ; que l'officier
d'état civil a informé le procureur de la République que
le choix du premier prénom, Titeuf, lui paraissait contraire à
l'intérêt de l'enfant ; que, sur le fondement de l'article 57 du
code civil, le parquet a fait assigner les parents afin de voir prononcer la
suppression du prénom Titeuf ; que, par jugement du 1er juin 2010, le
tribunal de grande instance de Pontoise, se fondant sur l'intérêt
de l'enfant, a ordonné la suppression du prénom Titeuf de son
acte de naissance et dit qu'il se prénommera Grégory, Léo
;
Attendu que M. X... et la mère de l'enfant, Mme Y..., font grief à
l'arrêt de confirmer le jugement, alors, selon le moyen :
1°/ que la contrariété à l'intérêt de
l'enfant qui peut justifier que le prénom choisi par ses parents soit
supprimé doit être appréciée de façon objective
; qu'en appréciant la conformité à l'intérêt
de l'enfant du prénom Titeuf uniquement par référence à
un personnage de bande dessinée dont la notoriété est nécessairement
éphémère et limitée, dont elle relève au
demeurant qu'il est " plutôt sympathique ", et en se livrant
à une analyse subjective des caractéristiques de ce personnage,
sans se prononcer au regard de critères objectifs seuls à même
de garantir le principe d'égalité devant la loi, la cour d'appel
a violé l'article 57 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention
de New York du 20 novembre 1989 et l'article 8 de la Convention européenne
des droits de l'homme ;
2°/ que toute restriction à la liberté de choix du prénom
de l'enfant par ses parents ne peut être justifiée que par l'intérêt
de l'enfant ; qu'en jugeant que le prénom Titeuf n'était pas conforme
à l'intérêt de l'enfant et en ordonnant sa suppression de
l'acte de naissance, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée,
si le fait qu'au moins un autre enfant ait reçu ce prénom sans
opposition du ministère public et que d'autres enfants aient reçu
les prénoms d'autres personnages de bande dessinée ou dessins
animés n'était pas de nature à mettre en évidence
que le choix du prénom litigieux ne portait pas atteinte à l'intérêt
de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 57 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention
de New York du 20 novembre 1989 et l'article 8 de la Convention européenne
des droits de l'homme ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine qu'en une décision
motivée la cour d'appel a estimé qu'il était contraire
à l'intérêt de l'enfant de le prénommer Titeuf ;
que le moyen qui ne tend en réalité qu'à contester cette
appréciation ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen identique produit aux pourvois par la SCP Boré et Salve de Bruneton,
avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné
la suppression du prénom Titeuf de l'acte de naissance n° 711/ 2009
de Monsieur Titeuf, Grégory, Léo X..., né le 7 novembre
2009, figurant sur chacun des registres d'état civil pour l'année
2009 de la commune de l'ISLE ADAM (95) et, en conséquence, d'AVOIR dit
que l'enfant porterait désormais les prénoms Grégory et
Léo et d'AVOIR ordonné la retranscription du jugement en marge
des registres de l'état civil 2009 de la commune de l'ISLE ADAM (95)
ainsi que sur l'acte de naissance de l'enfant ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 57 alinéas 3 et 4 du Code civil,
lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres
prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt
de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de
famille, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur
de la République ; que celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales
; que si le juge estime que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt
de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger
leur nom de famille, il en ordonne la suppression sur les registres de l'état
civil ; qu'il attribue, le cas échéant, à l'enfant un autre
prénom qu'il détermine lui-même à défaut par
les parents d'un nouveau choix qui soit conforme aux intérêts susvisés
; que mention de la décision est portée en marge des actes de
l'état civil de l'enfant ; qu'il est constant que le choix du prénom
par les parents revêt pour eux un caractère intime et affectif
et qu'il entre dans la sphère de leur vie privée laquelle est
garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme ; que l'intérêt
supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale
dans toutes les décisions concernant les enfants conformément
à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant
du 20 novembre 1989 applicable directement devant les tribunaux français
; qu'il convient donc de rechercher si le prénom Titeuf est ou non-conforme
à l'intérêt de l'enfant ; que les appelant ne contestent
pas que « Titeuf » est un personnage de bande dessinée créé
par l'auteur Zep qui lui a inventé ce nom après l'avoir dessiné
avec une tête ronde et une grande mèche de cheveux faisant penser
à un « petit oeuf » devenu « ptit'euf » puis
« titeuf » ; que ce personnage n'a d'ailleurs pas de nom patronymique
de sorte que Titeuf est son prénom ; que comme le relève avec
pertinence le premier juge, le personnage de « Titeuf » est présenté
comme un garnement pas très malin dont les principales préoccupations
concernent les relations avec les filles et le sexe ; que l'ouvrage intitulé
« guide du zizi sexuel » est directement associé à
ce personnage dont la naïveté et l'ignorance concernant le sexe
sont tournées en dérision ; qu'il s'agit d'un personnage caricatural,
bien que plutôt sympathique, destiné à faire rire le public
en raison de sa naïveté et des situations ridicules dans lesquelles
il se retrouve ; que c'est donc à bon droit et par des motifs exacts
et pertinents que le premier juge a considéré que le prénom
Titeuf n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant au motif
qu'il est de nature à attirer les moqueries tant de la part des enfants
que des adultes en raison de la grande popularité du personnage en France
depuis plusieurs années, et que l'association du prénom Titeuf
au personnage de pré-adolescent naïf et maladroit risque de constituer
un réel handicap pour l'enfant devenu adolescent puis adulte, tant dans
ses relations personnelles que professionnelles ; qu'il s'ensuit que le premier
juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et que le jugement
déféré doit être confirmé ;
1) ALORS QUE la contrariété à l'intérêt de
l'enfant qui peut justifier que le prénom choisi par ses parents soit
supprimé doit être appréciée de façon objective
; qu'en appréciant la conformité à l'intérêt
de l'enfant du prénom Titeuf uniquement par référence à
un personnage de bande dessinée dont la notoriété est nécessairement
éphémère et limitée, dont elle relève au
demeurant qu'il est « plutôt sympathique », et en se livrant
à une analyse subjective des caractéristiques de ce personnage,
sans se prononcer au regard de critères objectifs seuls à même
de garantir le principe d'égalité devant la loi, la Cour d'appel
a violé l'article 57 du Code civil, ensemble l'article 3 de la Convention
de New York du 20 novembre 1989 et l'article 8 de la Convention européenne
des droits de l'Homme ;
2) ALORS QUE toute restriction à la liberté de choix du prénom
de l'enfant par ses parents ne peut être justifiée que par l'intérêt
de l'enfant ; qu'en jugeant que le prénom Titeuf n'était pas conforme
à l'intérêt de l'enfant et en ordonnant sa suppression de
l'acte de naissance, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée,
si le fait qu'au moins un autre enfant ait reçu ce prénom sans
opposition du Ministère public et que d'autres enfants aient reçu
les prénoms d'autres personnages de bande dessinée ou dessins
animés n'était pas de nature à mettre en évidence
que le choix du prénom litigieux ne portait pas atteinte à l'intérêt
de l'enfant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 57 du Code civil, ensemble l'article 3 de la Convention
de New York du 20 novembre 1989 et l'article 8 de la Convention européenne
des droits de l'Homme.