Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches, ci-après annexé
:
Attendu que Mme X... est née le 25 mars 1990 à Bastia ; qu'elle
avait été reconnue par sa mère, Mme Y..., avant sa naissance,
le 2 mars 1990 ; qu'elle a été légitimée par le
mariage, célébré le 6 décembre 1997, de Mme Y...
avec M. X... ; que le 8 juin 2007, après son émancipation, Mme
X... a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande
de rectification de son nom patronymique au motif qu'elle justifiait d'une possession
loyale et prolongée du nom maternel Y... depuis sa naissance ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bastia,
25 juin 2008) de l'avoir déboutée de sa demande tendant à
voir substituer le nom "Y..." au nom "X..." dans les actes
de l'état civil ;
Attendu que si la possession d'un nom est propre à conférer
à celui qui le porte le droit à ce nom, la loi n'ayant réglé
ni la durée, ni les conditions d'une telle possession, il appartient
aux juges du fond d'en apprécier souverainement la loyauté et
les effets ;
que la cour d'appel, qui a justement retenu que la possession devait
être suffisamment longue pour témoigner d'une volonté persistante
de s'approprier ce nom, a constaté, d'abord, que Mme X... avait
acquis le nom de son père en 1997 à la suite de la légitimation
puis, que pour justifier de l'usage du nom de sa mère,
elle produisait des pièces concernant sa scolarité, ses activités
culturelles, sa mutuelle, sa carte nationale d'identité et des pièces
bancaires couvrant une période de dix ans, entre
le 6 décembre 1997 et 2007 ; qu'elle en a souverainement déduit
que ces éléments étaient insuffisants pour établir
une possession prolongée de nature à permettre l'acquisition
du nom de "Y..." et a, par ce seul motif, légalement justifié
sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté
Mademoiselle Anna-Laura X... de sa demande tendant à voir substituer
le nom "Y..." au nom "X..." dans les actes de l'état
civil ;
Aux motifs propres que « l'acte de naissance de Mademoiselle X... fait
apparaître qu'elle est née le 25 mars 1990, qu'elle a été
reconnue par anticipation par sa mère, Madame Christiane Y..., qu'elle
a changé de prénoms en 1991, qu'elle a été reconnue
par Monsieur Jean-Jacques X... par jugement du 4 novembre 1993 et qu'elle a
été légitimée par le mariage de ce dernier avec
Madame Y... le 6 décembre 1997 ; qu'elle a ainsi acquis le nom de son
père, X... ; que l'acte de naissance de Mademoiselle X... ne comporte,
donc, aucune erreur (…) ; que les pièces produites par Mademoiselle
X... (…) couvrent une période de dix ans entre le 6 décembre
1997 et 2007 ; qu'elles sont insuffisantes pour établir une possession
prolongée de nature à caractériser la volonté persistante
de s'approprier le nom "Y..." ; qu'il n'est pas non plus justifié
d'une possession non interrompue dès lors que l'ordonnance d'émancipation
du 3 juillet 2006 fait apparaitre que la requête a été faite
au nom d'Anna-Laura X... » ;
Et aux motif adoptés que « la requérante ne saurait invoquer
l'usage loyal du nom Y... dès lors que c'est en parfaite connaissance
de la légitimation intervenue et de la modification patronymique subséquente,
que ses parents ont continué à lui faire user de son nom de naissance
; qu'en tout état de cause, la conscience du caractère précaire
et fragile de la conservation de son nom maternel en l'état de la connaissance
du mariage de ses parents ôte à Melle X..., mineure émancipée,
le bénéfice de l'usage loyal du nom Y... ; en outre, il est constant
que l'exigence d'un usage prolongé s'entend d'un délai tel que
la possession publique, notoire et acceptée par tous renverse le principe
d'immutabilité au profit du maintien d'une constance transgénérationnelle
et de l'absence de remise en cause d'actes d'état civil dressés
sous le nom d'usage ; qu'en l'espèce, la possession d'usage étant
de dix années, il convient de constater son caractère amplement
insuffisant ; qu'il résulte donc des précédentes énonciations
que la possession d'usage dont se prévaut Mademoiselle X... ne présente
pas le caractère d'une possession patronymique acquisitive de nature
à permettre de considérer que son acte de naissance fût
entaché d'une erreur ouvrant droit à rectification » ;
Alors que 1°) la possession prolongée est de nature à conférer
un droit sur le nom ; qu'en ayant décidé que seule la possession
« transgénérationnelle » du nom pouvait produire un
tel effet, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle
ne contient pas et a ainsi violé les articles 61, 99 et 311-1 du Code
civil ;
Alors que 2°) en ayant retenu que la possession du nom invoquée par
Mademoiselle X... s'étendait sur une période de 10 ans, de 1997
à 2007, sans avoir recherché, comme elle y était invitée,
si la possession du nom de Y... n'avait pas débuté dès
la naissance d'Anna-Laura, en 1990, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard des articles 61, 99 et 311-1 du Code civil ;
Alors que 3°) la possession du nom doit être loyale et donc exempte
de fraude ; qu'en ayant retenu que Anna-Laura ne pouvait invoquer l'usage loyal
du nom de Y... dès lors que le mariage de ses parents, en 1997, avait
eu pour effet de la légitimer et de modifier, subséquemment, son
nom patronymique, sans avoir recherché si Anna-Laura, alors âgée
de 7 ans avait effectivement eu connaissance des effets juridiques attachés
au mariage de ses parents sur son nom et avait eu la volonté d'usurper
celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard des articles 61 et 99 du Code civil ;
Alors que 4°) la possession prolongée d'un nom peut conférer
un droit sur celuici, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit continue
et ininterrompue ; qu'en ayant débouté Mademoiselle X... de sa
demande au motif que la possession du nom de Y... avait été interrompue
en 2006, la cour d'appel a violé les articles 61, 99 et 311-1 du Code
civil ;
Alors que 5°) en ayant relevé d'office que la possession avait été
interrompue par la requête en demande d'émancipation, sans avoir
préalablement provoqué les explications des parties sur ce point,
la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
Publication : Bulletin 2010, I, n° 148