Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 10 juin 2008

N° de pourvoi: 07-86623
Non publié au bulletin Irrecevabilite

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 12 mars 2007, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de violences aggravées, non- dénonciation de crime et subornation de témoins, a confirmé l'ordonnance de non- lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-9, 222-10 et 434-1 du code pénal, 3, 6 § 1, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non- lieu du juge d'instruction, en ce qu'elle a dit qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis des violences ayant entraîné des mutilations sur des personnes vulnérables à raison de leur handicap mental, ou d'avoir commis l'infraction de non- dénonciation de crime ;

" aux motifs que les parties civiles sont mal fondées à soutenir que l'information judiciaire diligentée par le magistrat instructeur a contrevenu aux stipulations de l'article 6 § 3 c de la Convention européenne des droits de l'homme, au motif qu'avant de s'être constituées parties civiles et d'avoir été assistées par un avocat, elles ont été entendues en qualité de témoins sans l'assistance d'un conseil, dès lors que ce texte ne bénéficie qu'à la personne faisant l'objet de poursuites pénales et non aux parties civiles ; qu'aux termes de l'article L. 2123-2 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 juillet 2004, la stérilisation à visée contraceptive de personnes majeures handicapées mentales placées sous tutelle peut, sauf refus ou révocation du consentement, être pratiquée lorsqu'il existe une contre- indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement ; qu'il apparaît ainsi que le législateur entend autoriser les stérilisations pratiquées à but exclusivement contraceptif, y compris chez des personnes majeures handicapées mentales ; qu'il en résulte que les faits dénoncés par les parties civiles ne sauraient constituer une infraction au seul motif que les opérations contestées ont été pratiquées sur des personnes n'ayant pu donner un consentement libre et éclairé ; que les opérations litigieuses ayant été pratiquées de 1995 à 1998, soit avant l'entrée en vigueur de l'article L. 2123- 2 du code de la santé publique issu de la loi du 4 juillet 2004 subordonnant l'intervention à une décision du juge des tutelles, il ne saurait être fait grief aux personnes mises en cause par les parties civiles de ne pas avoir alors demandé l'autorisation du juge des tutelles avant de procéder auxdites opérations médicales ; qu'il résulte des pièces du dossier que les docteurs G... et F... ont recueilli le consentement des parties civiles sans qu'il apparaisse que l'une quelconque des jeunes femmes ait exprimé un refus formel ou ait retiré un consentement donné ; que les stérilisations par ligature des trompes pratiquées par le docteur F... paraissent fondées d'un point de vue médical, dès lors que ces interventions sont techniquement réversibles, ce qui implique que la stérilité des parties civiles est elle- même réversible ; que l'intention des docteurs G... et F... d'agir dans le seul intérêt des jeunes femmes n'apparaît pas sérieusement discutable compte tenu de l'extrême difficulté, voire de l'impossibilité pour les personnes dont les facultés mentales sont fortement diminuées d'assumer leur rôle parental vis- à- vis de leurs enfants éventuels ; que le recours à la stérilisation à visée contraceptive de personnes majeures handicapées mentales, comme en l'espèce, ne contrevient pas nécessairement par lui- même aux stipulations des articles 3, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 7 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ; que l'instruction n'ayant pas mis en évidence des faits constitutifs du crime prévu et réprimé par les articles 222-9 et 222-10 du code pénal, l'infraction de non- dénonciation de crime, prévue et réprimée par l'article 434-1 du même code ne saurait davantage être constituée ;

" 1) alors que, dans leur mémoire régulièrement déposé, les parties civiles faisaient valoir qu'elles étaient placées au CAT de Sens sous la responsabilité de l'association APAJH, que leur tuteur était employé de cette même association qui avait fait pratiquer les stérilisations forcées ; qu'elles avaient dès le début de l'instruction sollicité la désignation d'un tuteur ad hoc pour être représentées dans la procédure et faire valoir leurs droits ; qu'elles n'avaient pu se constituer parties civiles qu'en décembre 2004 après désignation d'un tuteur ad hoc au bout de quatre ans d'instruction, et que la procédure n'avait donc pas été équitable à leur égard ; qu'en se bornant à affirmer que l'article 6 § 3 c de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'applique pas aux parties civiles, sans répondre à cette articulation essentielle de nature à démontrer que les parties civiles n'avaient pas bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

" 2) alors qu'en se bornant à affirmer que l'article L. 2123-2 du code de la santé publique issue de la loi du 4 juillet 2004 autorisait désormais la pratique de stérilisations à visée contraceptive sur des personnes majeures handicapées mentales placées sous tutelle et incapables de donner un consentement libre et éclairé, sans répondre au mémoire des parties civiles faisant valoir que les conditions d'application de ce texte n'étaient pas remplies, dès lors que, selon les experts judiciaires, les parties civiles ne se trouvaient pas dans la situation d'une contre- indication médicale absolue aux méthodes de contraception hormonale ou mécanique ou d'une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement, dès lors que toutes les solutions de contraception orale ou mécanique n'avaient pas été envisagées préalablement aux stérilisations pratiquées, la chambre de l'instruction a entaché son arrêt d'un défaut de motifs, de sorte qu'il ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

" 3) alors qu'en affirmant que les auteurs des interventions litigieuses pratiquées de 1995 à 1998 pouvaient se dispenser de l'autorisation du juge des tutelles exigée désormais par l'article L. 2123-2 du code de la santé publique issu de la loi du 4 juillet 2004, tout en se référant à ce texte pour estimer justifiées les stérilisations pratiquées, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires, de sorte que son arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

" 4) alors qu'en énonçant qu'il ne résulte pas du dossier que l'une quelconque des jeunes femmes ait exprimé un refus formel à l'opération médicale envisagées ou ait retiré son consentement donné à l'opération, sans répondre au mémoire des parties civiles faisant valoir, notamment, que Françoise A..., épouse B..., avait précisé devant le juge d'instruction qu'elle n'était " pas d'accord pour cette opération … c'est l'infirmière qui m'a obligée … " et devant les experts judiciaires qu'elle avait été " forcée ", la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

" 5) alors qu'en affirmant que les stérilisations pratiquées par ligature des trompes étaient réversibles, sans répondre au mémoire des parties civiles faisant valoir que, selon les experts judiciaires, le caractère réversible n'était pas démontré, et qu'il résultait également des décharges signées par les intéressées (dans lesquelles elles " acceptaient pleinement et entièrement le caractère définitif de la stérilisation ") que la " reperméabilisation " était hypothétique et " envisageable seulement dans des circonstances exceptionnelles ", la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motif, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;

" 6) alors que, dans son mémoire régulièrement déposé, les parties civiles faisaient valoir que les stérilisations pratiquées sur elles étaient contraires aux articles 3, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que 7 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, dès lors que ces stérilisations constituaient une atteinte à leur droit à la protection de leur intégrité physique et psychique ainsi qu'à leur droit de fonder une famille et de procréer ; qu'en se bornant à affirmer, sans autre motif, que la stérilisation à visée contraceptive de personnes majeures handicapées mentales ne contrevenait pas « nécessairement » aux articles 3, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que 7 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-13 et 434-15 du code pénal, 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non- lieu du juge d'instruction, en ce qu'elle a dit qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité, ou de subornation de témoins ;

" aux motifs qu'il ne résulte pas de l'instruction des charges suffisantes contre la direction du CAT de Sens ou contre quiconque d'avoir commis les faits dénoncés par les époux D... et dont leur fille, Jocelyne, aurait été victime au CAT de Sens ; que le dépôt de leur plainte semble être surtout la conséquence d'une incompréhension et d'une absence de communication entre les deux parties civiles et la direction du CAT ;

" alors que les époux D..., qui sont à l'origine de la dénonciation des stérilisations forcées sur des jeunes femmes placées au CAT de Sens, dénonciation qui avait déclenché la plainte avec constitution de partie civile de l'ADHY et l'information judiciaire, faisaient valoir dans leur mémoire que dès que la dénonciation avait été connue de la direction du CAT, début septembre 2000, leur fille Jocelyne, handicapée mentale particulièrement vulnérable, placée au CAT de Sens depuis 1979, avait fait l'objet de brimades (privation de gymnastique, de repas avec les autres et d'activités le samedi, absence de communication, menaces de changement d'établissement) qui l'avaient fortement perturbée et qui constituaient autant de pressions sur la jeune femme ainsi que sur ses parents, susceptibles de témoigner dans la procédure en cours ; qu'en se bornant à affirmer l'absence de charges au motif inopérant de l'existence d'une incompréhension entre les parties civiles et la direction du CAT, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs, de sorte que son arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non- lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les crimes ou délits reprochés, ni toute autre infraction ;

Que les demandeurs se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, les moyens sont irrecevables, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;

Par ces motifs :

DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;