Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que le principe de la légalité des délits
et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale,
s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du
Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue
au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève
de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application
des textes visés par le moyen ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
D. 2001, 2917, note Y. MAYAUD.
J. PRADEL, La seconde mort de l'enfant conçu : D. 2001, 2907.
A. LAMBOLEY, L’enfant à naître ne peut être victime
d’un homicide involontaire : Médecine et droit 2002, n° 52,
p. 5
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 25 juin 2002 Cassation partielle sans renvoi
Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général
près la cour d'appel de Versailles, pris de la violation des articles
111-4, 319 et 221-6 du Code pénal, d'un défaut de base légale
:
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour X..., pris de la violation
des articles 319 ancien, 111-4 et 221-6 du Code pénal, 1382 du Code civil,
470-1 du Code de procédure pénale, 485 et 593 du même Code,
défaut de motifs et manque de base légale :
(…)
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 319 ancien, 221-6 et 111-4 du Code pénal ;
Attendu que le principe de la légalité des délits et des
peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale,
s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique
au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Z..., dont
la grossesse, suivie par X..., était venue à terme le 10 novembre
1991, est entrée en clinique en vue de son accouchement le 17 novembre
; que, placée sous surveillance vers 20 heures 30, elle a signalé
une anomalie du rythme cardiaque de l'enfant à la sage-femme, Y..., laquelle
a refusé d'appeler le médecin ; qu'un nouveau contrôle pratiqué
le lendemain à 7 heures a révélé la même anomalie,
puis l'arrêt total des battements du coeur ; que, vers 8 heures, X...
a constaté le décès ; qu'il a procédé dans
la soirée à l'extraction par césarienne d'un enfant mort-né
qui, selon le rapport d'autopsie, ne présentait aucune malformation mais
avait souffert d'anoxie ;
Attendu que, pour déclarer Y... coupable d'homicide involontaire et X...,
qui a été relaxé par le tribunal correctionnel, responsable
des conséquences civiles de ce délit, l'arrêt retient que
le décès de l'enfant est la conséquence des imprudences
et négligences commises par eux, le médecin en s'abstenant d'intensifier
la surveillance de la patiente en raison du dépassement du terme, la
sage-femme en omettant de l'avertir d'une anomalie non équivoque de l'enregistrement
du rythme cardiaque de l'enfant ;
Que les juges, après avoir relevé que l'enfant mort-né
ne présentait aucune lésion organique pouvant expliquer le décès,
énoncent " que cet enfant était à terme depuis plusieurs
jours et que, si les fautes relevées n'avaient pas été
commises, il avait la capacité de survivre par lui-même, disposant
d'une humanité distincte de celle de sa mère " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu
les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi,
dès lors que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale
;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles,
en date du 19 janvier 2000, en toutes ses dispositions en ce qui concerne X...,
mais en ses seules dispositions pénales en ce qui concerne Y..., toutes
autres dispositions étant expressément maintenues ;
Publication :
Bulletin criminel 2002 N° 144 p. 531
Droit pénal, n° 9, septembre 2002, p. 4 9 et 12 13, note D. COMMARET
et Michel VERON
JCP G, 2002, II, 10155, note M.-L. RASSAT
D, 2002-11-21, n° 41, Jurisprudence, p. 3099-3102, note Jean PRADEL.