Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 5 octobre 2010

N° de pourvoi: 09-86209
Publié au bulletin
Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par : - M. Gil X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 9 septembre 2009, qui, pour administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoire produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-9, 222-11 et 222-15 du code pénal, préliminaire, 166, 167, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a jugé M. X... coupable d'administration de substances nuisibles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement ;
"aux motifs que le prévenu sollicite à titre principal sa relaxe en soutenant que l'élément moral exigé par le délit prévu par l'article 222-15 du code pénal n'est pas en l'espèce établi ; qu'il n'avait pas la volonté de transmettre à Mme Y... le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et que, dès lors, son comportement n'était pas volontaire ; mais qu'il résulte de la procédure et des débats que Mme Y... a été contaminée par des sécrétions sexuelles infectées par le VIH, ainsi que l'atteste l'examen virologique pratiqué le 15 juin 1999 ;

qu'il est constant que M. X... a entretenu des relations sexuelles régulières non protégées avec la plaignante entre les mois d'août 1998 et le 15 juin 1999, date à laquelle était portée à la connaissance de Mme Y... l'existence d'une séropositivité ; qu'il est aussi constant que le virus VIH contenu dans le sperme est une substance nuisible à la santé et que cette substance a bien été administrée par le prévenu lors de relations sexuelles consenties ; que, s'agissant de l'élément moral de l'infraction, M. X... avait connaissance de sa contamination déjà ancienne pour laquelle il avait consulté et devait suivre un traitement ;

que le prévenu ne conteste pas avoir omis d'informer sa compagne de sa séropositivité ; qu'il a reconnu avoir été parfaitement informé au moment de sa relation avec sa compagne des modes de transmission du VIH ainsi que de la nécessité d'une protection durant les relations sexuelles ; qu'en acceptant ou sollicitant dans ces conditions des rapports sexuels non protégés M. X... ne pouvait ignorer les risques de contamination associés à ce comportement ; qu'ainsi, en tout connaissance de cause, taisant sa séropositivité, il a volontairement fait courir à Mme Y... un risque gravissime pour sa santé et sa vie ;

que l'infraction d'administration d'une substance de nature à nuire à la santé est dès lors constituée en tous ses éléments ; qu'à titre subsidiaire, le prévenu soutient qu'à supposer que le délit d'administration de substances nuisibles soit établi, les dispositions répressives prévues par l'article 222-9 du code pénal ne sauraient trouver application en l'espèce, les faits n'ayant pas entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; qu'ainsi, seules seraient applicables les dispositions de l'article 222-13 du code pénal ; que les conséquences de l'infraction étant une incapacité de travail inférieure à huit jours ou une absence d'incapacité de travail ; mais que la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine présente en l'état des connaissances de la science et de la médecine un caractère irréversible ; que cette contamination est suivie d'une réplication du virus, laquelle entraîne la destruction d'une très grande quantité de lymphocytes, selon plusieurs phases et que seuls les traitements antirétroviraux sont susceptibles de retarder l'évolution de la contamination ; que, déjà dans le rapport du docteur Z... du 11 avril 2003 apparaissait une forte augmentation de la charge virale de Mme Y... ;

que l'expert signalait alors qu'elle était suivie régulièrement au centre d'information et de soins de l'immunodéficience humaine de Marseille et qu'à la vue de l'évolution de son état immunitaire et l'accélération de la réplication virale, il était à prévoir dans un proche avenir la nécessité de la prise en charge régulière d'un traitement antirétroviral ; qu'il résulte du certificat médical du 9 juin 2009 établi par le docteur A... que Mme Y... a effectivement dû suivre, dès 2004, un traitement antirétroviral en raison d'une diminution significative de son taux de cluster de différentiation 4 ; que, si ce traitement a permis de contrôler la réplication du virus, la reconstitution immunitaire demeure toutefois encore imparfaite ; que Mme Y... a dû subir des consultations trimestrielles avec bilan viro-immunologique, outre un bilan de synthèse annuel permettant de dépister des complications d'ordre métabolique, mais également cancéreuses ; que son état de santé a nécessité des examens avec bilans sanguins spécialisés et tout un ensemble de consultations, notamment psychologiques, destinées à gérer les différentes complications inhérentes à l'infection ;

que, selon ce médecin, le poids de la séropositivité est de plus en plus difficile à supporter sur le plan psychologique ; que la contamination et le traitement antirétroviral devenu indispensable en raison des effets de cette contamination (bithérapie en 2004 puis trithérapie depuis 2005) ont généré des conséquences physiques (modifications physiques et physiologiques liées au traitement), psychologiques, sociales, économiques, familiales et sexuelles ; qu'il résulte de ce qui précède que le délit d'administration de substances nuisibles imputable à M. X... a ainsi entraîné pour Mme Y... une grave affection virale générant une atteinte définitive de l'ensemble de son organisme et constitutive d'une infirmité permanente au sens des dispositions de l'article 222-9 du code pénal ; que c'est à juste titre que le tribunal, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, a retenu le prévenu dans liens de la prévention ; qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée de ce chef ;

"1) alors que le certificat médical établi le 9 juin 2009 par le docteur A... n'a pas été communiqué à M. X... ; que les droits de la défense ont, ainsi, été méconnus ;
"2) alors que, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, M. X... n'avait pas dénié sa séropositivité au point de perdre toute conscience des risques qu'il pouvait faire courir à sa partenaire ;
"3) alors que la séropositivité au VIH, dont l'évolution et la permanence sont inconnues en l'état des données actuelles de la science et qui n'a pas nécessairement de caractère définitif, ne peut constituer une infirmité permanente" ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Y... a porté plainte le 2 mai 2000 contre M. X..., en l'accusant de lui avoir délibérément communiqué le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au cours de relations sexuelles non protégées ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur les faits dénoncés, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention du délit d'administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente de la victime ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, l'arrêt retient que, connaissant sa contamination déjà ancienne au VIH pour laquelle il devait suivre un traitement, le prévenu a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et a ainsi contaminé par la voie sexuelle la plaignante, désormais porteuse d'une affection virale constituant une infirmité permanente ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit prévu et réprimé par les articles 222-15 et 222-9 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2010, n° 147

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 10 janvier 2006

N° de pourvoi: 05-80787
Publié au bulletin
Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Christophe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 4 janvier 2005, qui, pour administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente, l'a condamné à 6 ans d'emprisonnement avec maintien en détention et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 222-9 et 222-15, alinéa 1, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné le demandeur du chef d'administration de substances nuisibles suivi de mutilation ou d'infirmité permanente et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que le prévenu fait développer par son avocat des conclusions déposées devant la Cour ce jour aux termes desquelles il demande à la juridiction civile de prononcer sa relaxe, exposant, d'une part, que l'élément matériel de l'administration du virus n'est pas caractérisée dans la mesure où il n'existe aucune certitude au sujet de l'administration du virus par le prévenu aux parties civiles, et d'autre part, que l'élément moral fait défaut dans la mesure où le fait d'entretenir une relation sexuelle non protégée, sans révélation de son statut sérologique, ne peut constituer qu'une prise de risque d'administrer des virus ;

que le prévenu fait observer que les conclusions des experts désignés par le juge d'instruction selon lesquelles les rapports sexuels avec le prévenu "constituent une explication plausible de la contamination HIV de ces deux jeunes femmes" ne sont fondées que sur les déclarations des personnes examinées, aucune comparaison de souches virales n'ayant été effectuée ni proposée par les experts, de sorte que la Cour est dans l'impossibilité d'avoir la certitude de la contamination des jeunes femmes par le prévenu ; qu'il résulte d'une lecture attentive des éléments de la procédure que Christophe X... a appris sa propre séropositivité en 1997, au plus tard en 1998, et qu'il est constant et non contesté qu'il a multiplié alors les conquêtes féminines, entretenant concomitamment plusieurs relations ; qu'il est encore constant et non contesté que le prévenu a eu avec plusieurs jeunes femmes des relations sexuelles non protégées sur une importante période ;

que l'information a établi avec certitude que le prévenu n'a jamais informé aucune des 5 ou 6 jeunes filles avec lesquelles il a entretenu à de multiples reprises des relations sexuelles non protégées du fait qu'il était porteur du virus HIV, puis même du fait que son SIDA était parvenu au stade de maladie avérée, état qu'une de ses compagnes a constaté elle-même par ses propres moyens ; qu'il est enfin constant que Mlles Y... et Z..., informées notamment par Céline A... du SIDA dont était atteint Christophe X..., se sont soumises au test dont les résultats se sont avérés positifs pour elles, les autres jeunes femmes ayant quant à elles obtenu un résultat négatif au même test ; que, devant la Cour, le prévenu qui déclare "ne pas avoir voulu ça", reprend ses explications antérieures selon lesquelles il a délibérément tu sa séropositivité de peur d'être rejeté ; que, cependant, le prévenu, dont l'infection était parvenue dès fin septembre 2000 au stade du SIDA déclaré, a poursuivi ses pratiques de relations sexuelles non protégées avec des partenaires multiples qu'il n'a jamais averties de sa séropositivité, ce qui aurait permis à ces dernières à l'évidence de prendre toutes mesures de nature à les protéger de la contamination au HIV ; qu'il est constant que deux d'entre elles ont été contaminées à la suite de ces pratiques dont le prévenu ne pouvait ignorer les risques manifestes de contamination par une maladie incurable ;

qu'il a tu, en toute connaissance de cause, auprès de ses compagnes multiples sa séropositivité, leur faisant ainsi courir un risque gravissime pour leur santé et leur vie, étant observé qu'il résulte du dossier des éléments permettant de retenir son peu de considération à l'égard des jeunes femmes qu'il fréquentait, n'hésitant pas à entretenir concomitamment des relations multiples dans les conditions précitées ; que la crainte d'être rejeté, mise en avant par le prévenu pour expliquer la dissimulation volontaire de sa séropositivité, se heurte aux déclarations données par ses compagnes, qui envisageaient de faire leur vie avec le prévenu, de se fiancer avec lui et d'avoir un enfant de lui ; que, malgré la connaissance qu'il avait de son infection au HIV et de ses conséquences inévitables sur de tels projets, le prévenu n'a pas hésité à encourager ces projets de la part de ses compagnes, et qu'il a même allégué une prétendue allergie personnelle au latex pour éviter d'avoir à entretenir des relations sexuelles protégées ; que la Cour ne peut, dès lors, que constater, ainsi que l'a fait exactement le premier juge, que l'infraction d'administration d'une substance de nature à nuire à la santé est bien constituée en tous ses éléments à l'encontre du prévenu, dont la culpabilité sera en conséquence confirmée ; qu'il y a lieu d'observer, à titre surabondant, d'une part, qu'une éventuelle recherche de souche de virus est totalement aléatoire dans la mesure où le HIV se caractérise précisément par des facultés de mutation permanentes et, d'autre part, qu'il n'est pas établi ni même allégué que les deux victimes aient entretenu d'autres relations sexuelles non protégées antérieurement ou pendant leur relation avec le prévenu (arrêt pages 4 à 7) ;

"1 ) alors que, d'une part, un rapport amoureux dont un partenaire soutient qu'il a été contaminant n'entre pas dans les prévisions de l'incrimination d'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui ;

"2 ) alors que, d'autre part, l'exposition à un risque, serait-elle unilatérale, n'est pas un acte d'administration d'une substance nuisible en raison de l'aléa propre à la notion de risque ;

"3 ) alors que, de troisième part, doit être certain le lien de causalité entre l'atteinte à la personne et l'administration d'une substance nuisible imputable à une personne déterminée ; que les énonciations contradictoires et inopérantes de l'arrêt sur le caractère de ce lien de causalité réalisent une inversion de la charge de la preuve en violation du principe de présomption d'innocence ;

"4 ) alors que, de quatrième part, l'élément intentionnel propre au délit prévu par l'article 222-15 du Code pénal comprend la volonté délibérée et réfléchie de porter directement atteinte à la personne et ne saurait être légalement déduit d'un comportement jugé imprudent ou négligent" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Aurore Z... et Isabelle Y... ont porté plainte le 6 février 2001 contre Christophe X..., en l'accusant de leur avoir délibérément communiqué le virus de l'immuno-déficience humaine (VIH) au cours de relations sexuelles non protégées ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur les faits dénoncés, Christophe X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention du délit d'administration de subtances nuisibles aggravée par l'infirmité permanente des victimes ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction et le condamner à réparer le préjudice des parties civiles, l'arrêt retient que, sachant depuis 1998 qu'il était porteur du VIH, le prévenu a multiplié les relations sexuelles non protégées avec plusieurs jeunes femmes auxquelles il dissimulait volontairement son état de santé, et a ainsi contaminé par la voie sexuelle les deux plaignantes, désormais porteuses d'une affection virale constituant une infirmité permanente ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit prévu et réprimé par les articles 222-15 et 222-9 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2006 N° 11 p. 37