Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 23 janvier 1996

N° de pourvoi: 94-81232
Publié au bulletin Cassation

sur le pourvoi formé par :
- X... Geneviève, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, chambre correctionnelle, en date du 3 février 1994, qui l'a condamnée, pour violation du secret professionnel, à 5 000 francs d'amende, avec exclusion de mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils.

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 378 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y... coupable de violation du secret professionnel ;

" aux motifs que sont considérés comme secrets tous les éléments confiés et découverts ou déduits par le médecin, quels qu'ils soient qui n'ont pu être commis que grâce à sa qualité de médecin ; que la révélation punissable consiste à porter à la connaissance d'un tiers, un fait qui a un caractère confidentiel et qui transformera une éventuelle rumeur en un fait avéré ; qu'il ressort des éléments de l'espèce que Mme Y... a, en sa qualité de médecin psychiatre et sur son papier à en-tête, délivré à sa patiente, Mme Z..., un certificat dans lequel elle fait état de la maladie de sa consultante, des origines de celle-ci dues au sadisme mental du mari, des violences de ce dernier contre ses enfants et qu'elle conclut par une demande de refus du droit d'hébergement à M. Z... ; que si le premier juge a, à juste titre, considéré que les informations relatives à l'état de santé de Mme Z... ne violaient pas le secret médical, il a, en revanche, et à tort, dit que les appréciations sur le psychisme de M. Z... et les violences par lui infligées à sa famille n'étaient pas confidentielles puisque n'étant à la fois qu'un avis médical et la relation de faits concernant ses enfants à la mère investie de l'autorité parentale dès lors qu'il s'agissait indubitablement d'éléments qui lui avaient été confiés en sa qualité de médecin ; que la révélation de ces éléments se faisait à un tiers, Mme Z... et a fortiori " pour valoir ce que de droit " ; que cette révélation était si consciente et volontaire qu'elle avait pour but la suppression du droit d'hébergement de M. Z... ;

" 1o alors que la violation du secret professionnel suppose la révélation d'un fait recueilli à l'occasion de l'exercice de la profession ; qu'en l'espèce, Mme Y... s'est bornée, à la demande de Mme Z..., à rapporter les propos confiés par cette dernière et à émettre un avis médical sans pour autant violer le secret professionnel en ce qui concerne M. Z..., qui n'était pas son patient, qu'elle n'avait jamais examiné et dont elle n'avait jamais recueilli les confidences ; qu'en décidant cependant que le médecin avait violé le secret professionnel en ce qui concerne M. Z..., la Cour a violé les textes susvisés ;

" 2o alors que la violation du secret professionnel suppose la révélation d'un secret à un tiers ; que Mme Y... n'a fait que retracer les propos tenus par Mme Z... sur le comportement de son mari à son égard et à l'égard de ses enfants ; qu'elle a remis ce certificat à Mme Z... ; qu'en estimant que Mme Y...avait révélé ces éléments à un tiers et ainsi violé le secret professionnel, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;

" 3o alors que la violation du secret professionnel suppose la révélation d'un secret ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure en divorce entamée en 1988, entre les époux Z..., qu'avant l'établissement du certificat médical par le Dr Y...le 2 juillet 1990, plusieurs témoignages avaient été soumis au juge aux affaires matrimoniales démontrant le caractère déséquilibré de M. Z... et les violences physiques exercées par lui sur sa femme et ses enfants ; qu'une enquête sociale du 21 juin 1990 avait mis en évidence la personnalité de M. Z... décrit comme un homme cherchant à nuire à autrui, capable de déstabiliser l'équilibre psychique d'un individu ; qu'en estimant cependant que le certificat médical du Dr Y... établi postérieurement comportait la révélation d'un secret, la Cour a violé les textes susvisés " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que si, selon l'article 378 ancien du Code pénal, les médecins et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu'on leur confie, sont tenus de ne pas les révéler, cette obligation ne s'impose que dans les relations entre le professionnel et son client ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Nicole Z... a produit dans une instance en divorce, un certificat de son médecin psychiatre, le docteur Y..., exposant qu'elle avait été soignée pour un état dépressif consécutif à la " personnalité pathologique du mari dont le comportement peut être qualifié de sadisme mental " et indiquant que l'un de ses enfants avait exprimé la terreur que lui inspirait son père ;

Attendu que pour déclarer le docteur Y... coupable de violation du secret médical, sur la poursuite exercée par Guy Z..., l'arrêt infirmatif attaqué retient que les appréciations sur le psychisme de M. Z... et les violences infligées par lui à sa famille étaient " indubitablement des éléments qui lui avaient été confiés en sa qualité de médecin " et que " la révélation de ces éléments se faisait à un tiers Mme Z... " ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que M. Z... n'était pas le patient de la prévenue, les juges ont méconnu le principe susénoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, en date du 3 février 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.

Publication : Bulletin criminel 1996 N° 37 p. 92