CASSATION sur le pourvoi formé par :- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Caen,
en date du 3 novembre 1999, qui, dans l'information suivie contre lui du chef
de viols sur personne particulièrement vulnérable, a rejeté
sa requête en annulation d'actes de la procédure.
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles
226-13 et 226-14 du Code pénal, 77 et 593 du Code de procédure
pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale
:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête
en annulation d'actes de l'information ;
" aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article 226-14
du Code pénal que l'article 226-13 réprimant l'atteinte au secret
professionnel n'est pas applicable au médecin qui, avec l'accord de la
victime, porte à la connaissance du procureur de la République
les sévices constatés dans l'exercice de sa profession qui lui
permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont
été commises ; que, par ailleurs, il n'existe pas de secret entre
le médecin et son patient lorsque celui-ci lui demande d'attester de
la réalité de faits, notamment de violence, commis par un tiers,
preuve qu'il ne peut rapporter qu'au moyen de constatations médicales
; que, dès lors, c'est à tort que X... soutient que le docteur
Z... a méconnu son obligation au secret professionnel en délivrant,
en accord avec Y..., et à la demande de l'officier de police judiciaire,
agissant avec l'autorisation du procureur de la République et sous le
contrôle de celui-ci, un certificat relatant les dires de sa patiente
et faisant état de ses constatations, notamment d'une plaie vulvaire
et d'une légère douleur à la palpation des bords du pubis,
susceptibles d'établir l'existence de violences sexuelles ;
" alors qu'il ne ressort ni du certificat médical du docteur
Z... (D 6), ni des autres pièces de la procédure que Mlle Y...
aurait donné son accord à ce médecin pour qu'il délivre
à des tiers les constatations médicales auxquelles il avait procédé
lors de son examen ainsi que les confidences qu'elle lui avait faites à
cette occasion " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de la procédure que la mère de Y... a fait examiner par un médecin
sa fille qui lui avait confié avoir été victime de viols
; qu'après dénonciation des faits au procureur de la République
et audition de la mère de la victime, l'officier de police judiciaire,
en charge de l'enquête préliminaire, s'est fait remettre par ce
médecin, avec l'autorisation du magistrat, un certificat médical
descriptif ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité proposé par X...,
tiré d'une violation du secret médical, l'arrêt retient
que le médecin a agi en accord avec la victime ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié
sa décision dès lors que, les coordonnées du médecin
ayant été communiquées aux enquêteurs par la mère
d'Y..., laquelle a d'ailleurs accepté, à la demande de l'officier
de police judiciaire, de se soumettre à un second examen médical,
l'accord de la victime à la remise du certificat litigieux, même
s'il n'est pas expressément mentionné dans la procédure,
a été nécessairement donné ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 77, 77-1,
156, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête
en annulation d'actes de l'information ;
" aux motifs qu'il ne saurait être valablement prétendu que
l'examen gynécologique de la plaignante confié à un médecin
gynécologue ne constitue pas un examen technique ou scientifique demandé
à une personne qualifiée ; que si la mission donnée au
médecin gynécologue de rechercher des traces de défloraison
ou de lésion en relation avec des actes de pénétration
sexuelle, de dire s'il s'agit de rapports complets ou de pénétration
partielle et d'effectuer tout prélèvement utile ainsi que toutes
remarques utiles à la manifestation de la vérité, s'apparente
à la mission qui peut être donnée à un expert dans
le cadre d'une expertise judiciaire, cette circonstance ne saurait entraîner
l'annulation de la réquisition de l'officier de police judiciaire, la
mission critiquée pouvant également être valablement donnée
à une personne qualifiée, chargée de réaliser un
examen technique ou scientifique en application de l'article 77-1 du Code de
procédure pénale, étant précisé que cet article
n'édicte aucune règle enfermant dans des limites plus ou moins
étroites le contenu de la mission qui peut être confiée
à la personne qualifiée requise ; que, par ailleurs, il y avait
urgence, s'agissant d'un signalement de violence sexuelle commise plusieurs
jours auparavant, à relever l'existence de traces de viol ou d'agression
sexuelle éventuellement commis sur la victime et à effectuer tout
prélèvement susceptible de rapporter la preuve de la réalité
d'une infraction sexuelle consommée ;
" alors que, si les mesures d'ordre technique prévues à
l'article 77-1 du Code de procédure pénale peuvent être
destinées à s'assurer de l'existence des conditions préalables
à l'exercice des poursuites, elles ne sauraient impliquer une interprétation
des faits ou des résultats obtenus ; qu'en retenant que l'examen gynécologique
de la plaignante avait été régulièrement prescrit
au regard de ce texte tout en constatant que le médecin avait été
chargé de dire si les traces de défloraison ou de lésions
en relation avec des actes de pénétration sexuelle qu'il pourrait
constater révélaient des rapports complets ou une pénétration
partielle et d'effectuer tout prélèvement et toute remarque utiles
à la manifestation de la vérité, autant d'opérations
qui relevaient, en réalité, du domaine de l'expertise, la chambre
d'accusation a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés
" ;
Attendu que l'officier de police judiciaire, après autorisation du procureur
de la République, a, sur le fondement de l'article 77-1 du Code de procédure
pénale, confié à un médecin la mission de procéder
à un examen gynécologique de la victime et d'effectuer tout prélèvement
ou toutes remarques utiles à la manifestation de la vérité
;
Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation qui faisait valoir que cette
mesure revêtait le caractère d'une expertise ne pouvant être
ordonnée qu'au stade de l'instruction, l'arrêt retient que la mission
pouvait être valablement confiée par un officier de police judiciaire,
après autorisation du magistrat du ministère public, à
une personne qualifiée, chargée de réaliser un examen technique
ou scientifique qui ne pouvait être différé, en ce qu'il
permettait de relever l'existence de traces éventuelles de viols ou d'agressions
sexuelles, commis plusieurs jours auparavant, et d'effectuer des prélèvements
susceptibles de rapporter la preuve d'une relation sexuelle consommée
;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation, qui a souverainement
apprécié les circonstances de fait, permettant le recours à
l'article 77-1 du Code de procédure pénale, propre à l'enquête
préliminaire, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
...
Publication : Bulletin criminel 2000 N° 109 p. 322