Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 26 mars 2003

N° de pourvoi: 02-83828
Non publié au bulletin Irrecevabilité

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Thierry, partie civile,
contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BOURGES qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, ont :
1) les 26 juin et 2 octobre 2001, confirmé les ordonnances du juge d'instruction rejetant ses demandes d'actes d'information ;
2 ) le 7 mai 2002, confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-13 du Code pénal, préliminaire, 81, 97, 167, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble le principe du contradictoire et de l'égalité des armes ;

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé de faire droit à la demande de la partie civile tendant à l'obtention du dossier médical de la victime auquel les experts ont eu accès et a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction sur la plainte déposée ;

"aux motifs qu'il est de principe, étant surabondamment observé que la partie civile revendique en l'espèce des doits réservés au mis en examen, que l'article 6.1 de la Convention européenne des doits de l'homme ne concerne que les juridictions du fond et ne peut être invoqué contre les décisions des chambres de l'instruction qui ne statuent pas sur la culpabilité ; que l'article 97, alinéa 5, du Code de procédure pénale ne prévoit pas la délivrance automatique de photocopies de documents placés sous scellés ;

qu'en l'espèce le dossier médical de la victime a été soumis aux experts qui ont ainsi pu le consulter et en tirer les conclusions nécessaires à l'accomplissement de leur mission; que le versement aux débats de ce dossier médical qui ne fait pas partie du dossier de la procédure est susceptible de révéler des faits couverts par le secret professionnel et ne saurait en conséquence être autorisé ;

sur le fond, que les critiques formulées par la partie civile à l'encontre des conclusions des experts ne sont étayées par aucun document sérieux ; que l'examen du dossier médical d'Henri Y... a permis de constater que ce dernier présentait des antécédents médicaux très marqués : obésité très importante, autonomie limitée, antécédents de cardiopathie ischémique avec infarctus du myocarde antéro-septal en 1986, insuffisance respiratoire chronique et que lors de son hospitalisation, tous les actes médicaux avaient été dispensés selon les données actuelles de la science ; que les experts ont conclu qu'il n y avait pas eu de faute ou de négligence et que le décès était en rapport avec les multiples complications survenues en réanimation, complications elles-même en rapport avec son état antérieur ; qu'une seconde expertise médicale a confirmé que le traitement orthopédique de la fracture d'Henri Y... était adapté à son état et que le traitement apporté au cours de l'hospitalisation en traumatologie, comportant l'administration de médicaments dans un but antalgique, avait eu pour conséquence une décompensation de l'insuffisance respiratoire chronique, mais que la posologie des médications avait été correcte, surtout compte tenu du poids du patient, et n'avaient entraîné des conséquences qu'en raison des pathologies multiples présentées par l'intéressé ; attendu que les objections de la partie civile sont réduites à néant par les experts (cote D86) qui précisent d'une part, que le fait qu'Henri Y... soit resté un laps de temps plus où moins long à terre n'est pas un élément déterminant, le décès n'étant pas dû aux conséquences de cette situation, et d'autre part, que l'examen du dossier n'a pas mis en évidence de dysfonctionnement dans la transmission des résultats d'analyses biologiques ;

"et aux motifs que le 5 janvier 1999, Thierry X... a déposé plainte avec constitution de partie civile contre X.. entre les mains du doyen des juges d'instruction de Nevers du chef d'homicide involontaire à la suite du décès de son beau-frère, Henri Y... survenu à l'hôpital de Nevers le 7 janvier 1996 ; qu'après expertise et contre-expertise médicales, la partie civile a présenté le 20 juillet 2001 une demande visant à l'ouverture des scellés n° 1 et 2 contenant les dossiers médicaux du défunt et leur communication en copie ; que les motifs avancés par le magistrat instructeur pour rejeter cette demande sont pertinents ; que ce dernier a à juste titre fait valoir que ces dossiers médicaux sont couverts par le secret médical ; que leur saisie n'a eu pour but que leur mise à disposition des experts désignés, seuls habilités à les consulter ; qu'il est de principe que si les juges disposent de la faculté de donner mission à un médecin expert commis par eux de consulter les documents médicaux relatifs aux lésions ou au décès d'une victime d'une infraction, ils ne peuvent prescrire le versement du dossier médical aux débats sans s'exposer à une révélation de faits couverts par le secret professionnel ; que ce principe ne saurait être mis en échec par l'application revendiquée de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

"alors que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait retenir pour refuser de répondre aux moyens de la partie civile qui faisait valoir son droit à obtenir la communication du dossier médical de la victime au vu duquel les experts s'étaient fondés, que l'article 6.1 de la Convention européenne n'était pas applicable à la phase de l'instruction, sans méconnaître la portée du texte conventionnel et partant, s'étant prononcée par un motif inopérant, insuffisamment motivé sa décision ;

"alors que, d'autre part, toute partie au procès pénal a droit d'obtenir communication de l'ensemble des pièces qui ont été placées sous scellés et qu'elle peut se voir opposer ; qu'en refusant, en invoquant le secret professionnel, à la partie civile le droit d'accès au dossier médical de la victime versé au dossier de l'instruction auquel les experts, le juge et le ministère public ont eu accès, la chambre de l'instruction a méconnu ensemble le principe du contradictoire et celui de l'égalité des armes ;

"alors qu'enfin, le secret professionnel n'est pas opposable aux ayant-droits du confident ; qu'en refusant la communication du dossier médical de la victime à son beau-frère, constitué partie civile et dont l'intérêt à agir avait été expressément reconnu, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;

Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

que ce texte n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la partie civile disposant d'un recours devant les juridictions civiles pour faire valoir ses droits ;

Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même des pourvois par application du texte précité ;

Par ces motifs, DECLARE les pourvois IRRECEVABLES ;

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 février 2010

N° de pourvoi: 09-86363
Publié au bulletin
Irrecevabilité

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Franck,
contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 10 août 2009, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a dit n'y avoir lieu de saisir ladite chambre de son appel de l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de versement au dossier de la procédure de documents placés sous scellés ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 81, 56, 56-3, 96, 99, 114, 593 du code de procédure pénale, 226-13 et 226-14 du code pénal, L. 1110-4 et L. 1111-18 du code de la santé publique, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense, excès de pouvoir ;

"en ce que par l'ordonnance attaquée, le président de la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la demande de la défense tendant à voir verser au dossier le contenu de trois dossiers médicaux de Dominique Y... placés sous scellés un, deux et trois, et à lui permettre de les consulter, et d'avoir ordonné le renvoi du dossier au juge d'instruction ;

"aux motifs que, expressément repris du magistrat instructeur et déclarés pertinents, « les dossiers médicaux sont couverts par le secret médical, que leur saisie n'a pour but que leur mise à disposition des experts désignés, seuls habilités à les consulter, qu'il est de principe que si les juges disposent de la faculté de donner mission à un médecin expert commis par eux de consulter les documents médicaux relatifs aux lésions ou au décès d'une victime d'une infraction, ils ne peuvent prescrire le versement du dossier médical aux débats sans s'exposer à une révélation de faits couverts par le secret professionnel ;
que ce principe ne saurait être mis en échec par l'application pouvant être, le cas échéant, revendiquée de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la demande fondée sur un article 81-2 du code de procédure pénale, qui n'existe pas, n'est donc pas fondée ;
que le dossier médical de toute personne est couvert par le secret médical défini par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, secret qui constitue un droit fondamental destiné à protéger la vie privée des personnes, qu'il s'agit d'un secret professionnel essentiel dans la relation entre le médecin et son patient ; que si tout secret professionnel n'est pas absolu, il ne peut toutefois y être dérogé qu'en présence d'un impératif au moins aussi sérieux, c'est-à-dire motivé et proportionné au but à atteindre ; que le contenu d'un dossier médical peut être accessible à l'autorité judiciaire pour l'établissement d'un fait, la détermination d'un préjudice et l'intérêt de la défense des parties, que cet accès est toutefois expressément limité au truchement d'un homme de l'art, en l'occurrence un médecin dans le cadre d'une expertise ; que les scellés ont été communiqués à deux experts (…) ; qu'il n'est pas établi ou soutenu que le décès de Dominique Y... soit la conséquence ou en lien avec les activités médicales rapportées dans les dossiers médicaux ; que la demande non motivée, non fondée juridiquement n'est pas articulée ; qu'il n'est pas argumenté de quelle manière une telle mesure serait utile, tant à la manifestation de la vérité qu'à l'exercice des droits de la défense, que s'agissant d'une telle atteinte au secret médical, la seule affirmation de la nécessité de cette mesure ne saurait être considérée comme sérieuse et suffisante ; qu'en l'absence de motivation, ni de fondement juridique existant, ni de démonstration tendant à établir que l'analyse des documents serait partielle ou incomplète, il n'apparaît pas possible de relever d'élément justifiant une telle atteinte au secret médical et, par voie de conséquence, au respect dû à la vie privée et à la dignité de la personne défunte, et ce alors même d'une part qu'il a été possible d'y accéder par le truchement des experts désignés et que consécutivement aux rapports déposés aucune demande de complément d'expertise ou de contre- expertise n'a été formulée ;

"1°) alors que constitue un excès de pouvoir, relevant du contrôle de la Cour de cassation, le fait, par le juge, de méconnaître l'étendue de ses pouvoirs ; que le juge d'instruction tient de l'article 81 du code de procédure pénale, le droit d'effectuer tous les actes utiles à la manifestation de la vérité ; que les pouvoirs dont il dispose à cet égard ne sont pas limités, s'agissant de l'accès aux pièces d'un dossier médical ou à toute pièce susceptible de relever d'un tel dossier, par les dispositions relatives au secret professionnel, et notamment au secret médical, lesquelles ne concernent que l'interdiction de témoigner faite aux professionnels concernés, mais ne limitent pas les autres pouvoirs d'investigation du juge d'instruction ; que ni les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, ni celles de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ne font obstacle aux pouvoirs que le juge d'instruction tient directement de l'article 81 du Code de procédure pénale ; que la technique consistant à ne passer que par le « truchement d'un homme de l'art », et donc à n'autoriser le transfert du dossier médical qu'à un médecin, au besoin dans le cadre d'une expertise judiciaire, ne constitue qu'une forme spécifique d'application du secret professionnel en organisant judiciairement un secret partagé ; que cette technique ne s'impose pas au magistrat instructeur qui a selon l'article 56-3 du code de procédure pénale, seul le droit de saisir des pièces couvertes par un secret professionnel, et qui dispose d'un pouvoir direct d'accès aux pièces concernées ; qu'en énonçant que les pièces saisies ne pouvaient qu'être transmises à un autre professionnel soumis au secret, nommé comme expert, et ne pouvaient être versées au dossier, le juge d'instruction a directement méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs ; qu'en refusant de faire contrôler cette méconnaissance de ses pouvoirs, le président de la chambre de l'instruction a lui-même excédé ses pouvoirs ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, il résulte de la combinaison des articles 81 et 56-3 du code de procédure pénale, L. 1110-4, dernier alinéa, et L. 1111-18, dernier alinéa, du code de la santé publique, une autorisation de la loi au sens des articles 226-14 du code pénal et L. 1110-4, alinéa 2, du code de la santé publique permettant au juge d'instruction d'écarter la règle du secret médical, et de mettre au dossier de l'information des dossiers ou pièces relevant éventuellement de ce secret, lorsque le but de l'information judiciaire est de rechercher les causes de la mort d'une personne, de vérifier si cette mort n'est pas le résultat d'une infraction et d'en rapporter la preuve, peu important à cet égard que l'infraction soit ou non le résultat de l'intervention des professionnels de santé eux-mêmes ; qu'en méconnaissant ainsi gravement l'étendue de leurs propres pouvoirs d'investigation au regard des limites du secret médical, les magistrats chargés de l'instruction ont commis un excès de pouvoir ;
"3°) alors que la saisie par le juge d'instruction de pièces couvertes par un éventuel secret n'est légitime que parce qu'elle est nécessaire et proportionnée à la manifestation de la vérité ; qu'il en résulte nécessairement que, dès lors qu'une saisie a été décidée, lesdites pièces doivent être nécessairement versées au dossier et que les parties au procès pénal, notamment le mis en examen, doivent y avoir directement accès, pour que la procédure réponde aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale ; que cet accès à des pièces, présumées utiles à la manifestation de la vérité puisque saisies par le juge d'instruction dans ce but malgré leur éventuel caractère confidentiel, doit être entier et automatique, sans que la défense ait à justifier ou motiver sa demande d'accès au dossier ; qu'en créant un dossier « parallèle » avec ces pièces auxquelles n'auraient accès que les experts judiciaires, s'agissant de surcroît d'une infraction ouverte du chef d'assassinat, dans laquelle les experts désignés ont reçu mission de déterminer si Dominique Y... avait pu mettre seule fin à ses jours, ou si des tiers étaient intervenus dans son décès, les juges du fond ont excédé les limites de leurs pouvoirs et porté à la défense une atteinte particulièrement grave et disproportionnée, caractérisant également un excès de pouvoir" ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure que Franck X..., mis en examen du chef d'assassinat, a présenté, au visa de l'article 82-1 du code de procédure pénale, une demande aux fins de versement au dossier de la procédure de trois dossiers médicaux concernant la victime, saisis et placés sous scellés fermés ; que, par ordonnance du 25 mai 2009, le juge d'instruction a rejeté cette demande ; qu'appel a été interjeté de cette décision par le mis en examen ;
Attendu que, par l'ordonnance attaquée, le président de la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu de saisir ladite chambre de cet appel ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le président de la chambre de l'instruction a statué sur l'appel d'une des ordonnances du juge d'instruction prévues par l'alinéa 1er de l'article 186-1 du code de procédure pénale ; que, dès lors, sa décision n'est, aux termes du 3e alinéa dudit article, susceptible d'aucun recours ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;
Par ces motifs :
DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Publication : Bulletin criminel 2010, n° 27