Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 6 juin 1972

N° de pourvoi: 70-90271
Publié au bulletin
REJET

Rejet du pourvoi de la demoiselle x... (madeleine), partie civile, contre un arrêt de la cour d'appel de paris du 18 décembre 1969 qui, dans des poursuites exercées contre y... Pour violation du secret professionnel, a relaxe le prévenu et débouté la partie civile de sa demande. La cour, vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation et fausse application des articles 378 du code pénal, 1382 du code civil, 593 du code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaque a relaxe le docteur y... Des fins d'une poursuite pour violation du secret professionnel ;

"alors qu'il constate qu'étant médecin du travail au service de l'employeur, ce praticien a fait connaitre a ce dernier que la demanderesse atteinte de troubles du comportement aurait "reconnu les faits reproches" mais se serait refusée a se faire porter malade et a se faire soigner, que son comportement est incompatible avec le travail et qu'en raison de l'incompréhension de son médecin traitant il a été impossible de la faire reconnaitre malade ;

"au motif que le secret médical en principe absolu devrait être tempéré pour les médecins du travail qui sont les conseils de la direction et que le prévenu ne serait pas sorti de ce rôle de conseil en faisant connaitre ces faits au chef d'entreprise étant donne d'ailleurs qu'il n'a révèle aucune précision technique se référant a un examen pathologique ou physiologique secret ;

"alors que le secret médical est absolu et que la fonction salariée de médecin du travail ne peut y apporter aucune exception ou limitation ;

"alors que ce secret s'etend a toutes les mesures prises en raison de l'etat de sante de l'interesse, meme s'il n'en resulte aucune revelation sur la nature du mal dont il est atteint et que, des lors le fait par le prevenu de rapporter d'une part que la demanderesse a reconnu les faits reproches et d'autre part, de faire etat de ses conversations avec elle et son medecin, et de relever ainsi les mesures qu'il a tente de prendre en raison de son etat de sante caracterise a la charge du docteur y... L'infraction que le juge du fond ne pouvait nier sans commettre une violation de la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaque que y..., médecin du travail de la "compagnie française de crédit et de banque", a été charge, a ce titre, d'examiner une salariée de cet établissement, la demoiselle x..., dont le caractère s'était altéré, et qui, par les incidents, qu'elle créait en injuriant les membres du personnel, perturbait gravement le service ;

Que la mission confiée a ce médecin du travail consistait a rechercher si le comportement de la demoiselle x... Avait pour cause un état pathologique curable, puis a déterminer, si cette employée était ou non définitivement inapte a tout travail, et, dans l'affirmative, a proposer une solution humaine au probleme social que soulevait son cas ;

Que, pour rendre compte de ses diligences, y... A fait parvenir aux employeurs de la demoiselle x... Deux rapports, le dernier en date du 25 février 1967 qui contenaient, notamment, les passages suivants : "j'ai vu, ce jour, la demoiselle x... Que l'on m'a signalée comme ayant proféré des insultes a plusieurs membres du personnel. Elle a reconnu les faits reproches, mais a systématiquement refuse, comme je le lui proposais, de se faire porter malade et de se faire administrer les soins dont elle parait justiciable", "j'ai vu la demoiselle x...... pour un comportement absolument anormal et incompatible avec le travail. Apres échange de correspondance et conversation téléphonique avec son médecin traitant, il s'est avéré impossible (de par l'incompréhension de son médecin) de la faire reconnaitre malade... Etant donne son refus systématique de cesser son travail pour cause de maladie, et, également, le refus de son médecin de la reconnaitre malade, il n'existe d'autre solution que le licenciement" ;

Attendu que pour relaxer y... De la prevention de violation du secret professionnel, l'arret attaque enonce que les faits doivent etre apprecies non seulement au regard des dispositions de l'article 378 du code penal, mais aussi en tenant compte des regles speciales a l'exercice des fonctions de medecin du travail ;

Que la loi du 11 octobre 1946 et le decret du 27 novembre 1952, dont les dispositions ont ete reprises, a cet egard, par le decret du 13 juin 1969 qui l'a abroge et remplace, ont organise une étroite collaboration entre l'employeur et le medecin du travail, qui apprécie l'aptitude au travail des salaries et qui est, dans ce domaine, notamment, "le conseiller de la direction et des chefs de service" ;

Qu'en l'espece y... A exerce ses fonctions conformement aux prescriptions de ces textes qu'on ne saurait, des lors, lui reprocher, ni d'avoir fait état dans ses rapports des perturbations causees dans le service, par le comportement anormal de la demoiselle x..., puisqu'il s'agissait la de faits qui étaient connus du personnel de l'établissement et qui constituaient l'objet même de son intervention en tant que medecin du travail, ni d'avoir émis l'avis que cette employee avait interet a se faire administrer des soins, dont il n'indiquait pas la nature, et a demander un conge de maladie, preferable, pour elle, selon lui, a une mesure de licenciement ;

Que l'arret ajoute que ne constitue pas, non plus, une revelation reprimee par l'article 378 du code penal, le fait reproche au prévenu, d'avoir rapporte le résultat de ses conversations avec le médecin traitant de l'employée, rallie a une opinion conforme a celle de cette dernière, alors qu'il n'a accompagne ce renseignement d'aucune précision technique concernant un état physiologique ou pathologique secret ;

Attendu qu'en l'etat de ces enonciations et constatations, et quelque laconiques que soient, sur certains points, ses motifs, l'arret attaque a pu, sans encourir les griefs allegues au moyen, statuer ainsi qu'il l'a fait ;

Attendu en effet que les dispositions de la loi du 11 octobre 1946 et des decrets susvises, tout en obligeant le medecin du travail a garder le secret sur ses contatations medicales, lui imposent, dans le domaine qui lui est propre, de renseigner l'employeur et de le conseiller en lui fournissant les elements de fait qui lui sont necessaires, selon la nature des decisions a prendre ;

Que, par suite, c'est a bon droit que la cour d'appel a declare que y... N'avait pas excede les limites de ses attributions de medecin du travail en faisant savoir a l'employeur de la demoiselle x... Que celle-ci lui paraissait inapte au travail et que le refus oppose par elle, tant a des soins sur lesquels il a garde le silence, qu'a un conge de maladie, conduisait a envisager son licenciement ;

Qu'au regard des mêmes textes c'est également a bon droit que les juges d'appel n'ont pas retenu comme delictueuse l'indication, figurant dans le premier des rapports de y..., de la reconnaissance par la salariée, des faits d'injures qui lui etaient reproches et qui avaient perturbe le service, des lors qu'en l'espèce, ces faits etaient ceux-la memes qui avaient motive l'intervention du médecin du travail, et que cette indication qui n'ajoutait d'ailleurs rien a la notoriete desdits faits, etait etrangere a toute constatation médicale ;

Attendu enfin que la cour d'appel a fait l'exacte application des règles relatives au secret professionnel médical en declarant que n'etait pas punissable la révélation faite, sans aucune autre precision, par le medecin du travail a l'employeur, de l'opinion du medecin traitant de la salariee, selon lequel celle-ci n'etait pas malade, du moment que, comme cela resulte de l'arret attaque, cette opinion etait conforme a celle de ladite salariee et ne faisait que corroborer ses pretentions ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE LE POURVOI.


Publication : Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 190 P. 481