Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 2 octobre 2007
N° de pourvoi: 07-81259
Publié au bulletin
Rejet
REJET du pourvoi formé par X... Gilles, contre l'arrêt de la cour
d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 2007, qui,
pour blessures involontaires, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement
avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3,222-19,
alinéa 1er,222-44,222-46 du code pénal et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles
X... coupable du délit de coups et blessures involontaires ayant entraîné
une incapacité totale de travail supérieure à trois mois
et l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec
sursis ;
" aux motifs propres que, sur l'application de l'article 222-19 du code
pénal, les prévenus ne sauraient utilement faire plaider leur
relaxe au motif que l'article 222-19 du code pénal serait inapplicable
s'agissant d'un foetus, dès lors qu'il est établi que l'enfant
Laura Z... est née vivante et présentait des lésions gravissimes
entraînant une incapacité de travail supérieure à
trois mois, dont l'origine est imputable à ceux qui n'ont pas pris les
mesures permettant de les éviter, en commettant des fautes caractérisées
exposant l'enfant à un risque d'une particulière gravité
qu'ils ne pouvaient ignorer ;
qu'à cet égard, la seule exigence de la loi est la constatation
sur autrui, en l'espèce l'enfant vivant, d'une incapacité totale
de travail supérieure à trois mois résultant d'actes ou
d'abstentions commis selon les distinctions prévues à l'article
121-3 du code pénal sans que soit exigée une concomitance entre
les faits reprochés et la manifestation de leurs conséquences
sur la victime ; que, sur le lien de causalité, les experts, les docteurs
D...et E..., ont dans un complément d'expertise examiné le dossier
pédiatrique et les échographies transfontanelles et que rien ne
leur a permis d'évoquer une pathologie anténatale ; que l'ensemble
des experts, dont le professeur A...et Mme B..., considère qu'une césarienne
pratiquée dans les premières heures de la garde de nuit du 17
février aurait permis la naissance d'un enfant ayant moins souffert de
l'anoxie et aurait évité une part majeure des séquelles
dont il a été atteint ; qu'ainsi, les abstentions et fautes commises
au cours de la nuit du 17 février ont contribué à causer
à l'enfant Laura Z... l'incapacité qu'elle subit (...) ; que le
docteur X... était le médecin obstétricien de garde à
la Fondation Bagatelle dans la nuit du 16 au 17 février 1999 ; que le
docteur X... a déclaré que Nicole C...l'a appelé vers 1
heure pour lui dire qu'elle installait Anna Z... en salle de pré-travail
et affirme qu'il ne connaissait pas l'état de la patiente, mais reconnaît
que Nicole C...lui avait dit qu'il y avait eu une rupture prématurée
des membranes et une légère prématurité ; qu'il
indique ne pas s'être déplacé après ce premier appel
;
que le docteur X... indique qu'il n'a pas vu le monitoring du 16 février,
que Nicole C...ne lui a parlé que de l'épisode de bradycardie,
qu'elle l'a appelé à nouveau vers 3 heures du matin pour une autre
patiente, qu'à cette occasion, elle lui a montré le monitoring
d'Anna Z... et que les tracés lui ont paru normaux ; qu'il précise
plus tard qu'il y avait bien un tracé inquiétant, mais qu'il était
suivi d'un tracé normal ; que, pour lui, il n'était pas nécessaire
de faire une césarienne et soutient que la surveillance du monitoring
est le travail de la sage-femme et que celle-ci n'avait qu'à l'appeler
s'il y avait quelque chose d'anormal et qu'il serait intervenu de suite, d'autant
qu'il dormait sur place, n'ayant quitté le service qu'à 8 heures
30 minutes ; qu'il est constant que le docteur X... savait par Nicole C...qu'Anna
Z... présentait une rupture ancienne des membranes et qu'il y avait prématurité
;
qu'il apparaît qu'il n'a pas consulté le dossier de la patiente
afin d'évaluer la situation avec exactitude et ne reviendra pas la voir
à l'issue de sa première visite, s'en remettant au contrôle
de Nicole C..., alors qu'il résulte de l'expertise du professeur A...et
de Mme B...que le docteur X... n'aurait jamais dû quitter la salle de
naissance après l'appel de la sage-femme vers 2 heures 30 minutes et
que la césarienne s'imposait sans ambiguïté ;
que ce comportement établit à l'encontre du docteur X... une faute
caractérisée exposant l'enfant à un risque d'une particulière
gravité qu'il ne pouvait, en sa qualité de médecin, ignorer
; qu'en conséquence c'est à juste titre que les premiers juges
ont retenu le docteur X... dans les liens de la prévention ;
" et aux motifs adoptés que, selon les experts, une césarienne
pratiquée à 11 heures le 17 février 1999 n'aurait rien
changé en raison du rythme cardiaque foetal plat et micro oscillant avant
11 heures, ce qui traduisait un état d'hypoxie sévère,
d'autant plus que le liquide méconial s'était teinté ;
" 1°) alors que le principe de la légalité des délits
et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale,
s'oppose à ce que le délit réprimant les coups et blessures
involontaires causés à autrui ayant entraîné une
incapacité totale de travail pendant plus de trois mois soit étendu
au cas de blessures ayant causé au foetus une incapacité ; que
la cour d'appel ne pouvait, dès lors, légalement condamner le
docteur X... du chef de coups et blessures involontaires pour ne pas avoir apporté
les soins nécessaires au foetus ;
" 2°) alors que, subsidiairement, en se bornant à affirmer,
pour décider que le docteur X... avait commis une faute pénale,
qu'il aurait dû pratiquer une césarienne dès 20 heures le
16 février 1999, sans rechercher, comme elle y était invitée,
si à ce moment, il ignorait que l'accouchement présentait un caractère
dystocique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision
;
" 3°) alors que, à titre également subsidiaire, la cour
d'appel ne pouvait se borner à affirmer, pour décider que le docteur
X... avait commis une faute pénale, qu'il aurait dû réaliser
une césarienne à 2 heures 30 minutes, sans rechercher, comme elle
y était invitée, si la circonstance que le tracé du monitoring
d'Anna Z... était redevenu normal à ce moment rendait le diagnostic
difficile, de sorte que l'erreur de diagnostic effectuée par le docteur
X... ne constituait pas une faute pénale ;
" 4°) alors que, très subsidiairement, le délit réprimant
les coups et blessures involontaires causés à autrui ayant entraîné
une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois suppose l'existence
d'un lien de causalité certain entre la faute et l'incapacité
; que le délit n'est pas constitué lorsque la faute a uniquement
fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage ; qu'en décidant
néanmoins que le fait, pour le docteur X..., de s'être abstenu
de réaliser une césarienne à 2 heures 30 minutes caractérisait
le délit de blessures involontaires, après avoir pourtant constaté
qu'une césarienne réalisée à ce moment aurait uniquement
permis d'éviter à Laura Z... de subir une partie de ses lésions,
la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un lien de causalité
certain entre la faute reprochée au docteur X... et l'incapacité
de Laura, n'a pas légalement justifié sa décision "
;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure qu'Anna Z... a accouché, le 17 février 1999,
à 15 heures 45, dans le service gynécologique d'un établissement
de santé, d'une enfant gravement handicapée, qui est atteinte
d'une incapacité permanente évaluée à 90 % ; qu'à
l'issue de l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie
civile des parents, Gilles X..., médecin spécialisé en
gynécologie et obstétrique, de garde dans l'établissement
au cours de la nuit du 16 au 17 février 1999, a été renvoyé
devant le tribunal correctionnel pour avoir involontairement causé, par
imprudence, négligence et inattention, à Laura Z... des blessures
ou lésions ayant entraîné une incapacité totale de
travail supérieure à trois mois ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt
retient, par les motifs propres et adoptés, qu'il a quitté la
salle de naissance, sans consulter le dossier de la parturiente, alors qu'il
avait été informé par la sage-femme de la rupture prématurée
des membranes, des anomalies du rythme cardiaque foetal montrées par
le monitorage et de la prématurité de l'enfant, ce qui aurait
dû le conduire à pratiquer une césarienne le 17 février,
entre 2 et 3 heures ; que les juges en concluent que Gilles Verdier-Le-Gall
a commis une faute ayant contribuée à causer à l'enfant
des lésions irréversibles dont les séquelles ont été
constatées après la naissance ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin criminel 2007, N° 234