Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 29 juin 2010

N° de pourvoi: 09-81661
Publié au bulletin Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Emile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 11 février 2009, qui, pour escroqueries, mises en danger d'autrui et infractions au code de la santé publique et au code de la sécurité sociale, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Emile X..., médecin gynécologue, a assuré pendant plusieurs années le suivi de patientes présentant des troubles de la fécondité et leur a appliqué des traitements aux fins de stimulation ovarienne ; qu'à la suite de la plainte de l'une d'elles pour mise en danger d'autrui et escroquerie, une information a été ouverte à l'issue de laquelle il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment pour avoir mis en danger la vie de six personnes et pour avoir, à de nombreuses reprises, fait signer des patientes au verso de leurs ordonnances, multiplié les factures subrogatoires sur la base d'une même ordonnance et utilisé des feuilles de remboursement vierges portant l'empreinte du tampon de plusieurs pharmacies afin d'obtenir la délivrance de médicaments payés par la caisse primaire d'assurance maladie ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 70 du décret du 6 septembre 1995 (devenu R. 4127-70 du code de la santé publique), de l'arrêté du 12 janvier 1999, des articles 223-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré Emile X... coupable de mise en danger de la vie d'autrui ;
" aux motifs qu'une expertise a été diligentée par les professeurs B... et Y... et les docteurs M... et N..., aux termes de laquelle les hommes de l'art ont conclu que la prise en charge et le suivi du dossier médical de certaines patientes n'avaient pas été réalisés conformément aux règles de l'art et que les soins pratiqués avaient constitué pour ces patientes, un danger certain ;

a) le cas d'Odile Z... épouse A... : …

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré Emile X... coupable d'escroquerie au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;
" aux motifs que l'information a mis en évidence l'existence d'une véritable entente entre le docteur X... et les époux P... en vue de la délivrance au docteur X... de médicaments en grande quantité, permettant à ce dernier de se constituer gratuitement un stock de médicaments, payés indûment par la caisse primaire d'assurance maladie, à l'aide de procédés délictueux ; que, dans cette entente, le docteur X... apparaît comme un " pivot " et que s'il n'y avait pas eu les demandes, les initiatives d'Emile X..., il n'y aurait pas eu d'escroqueries ; que c'est lui, directement ou par l'intermédiaire de sa collaboratrice et maîtresse, Claudette Q... qui a sollicité les époux P..., puis Brigitte R... puis enfin la pharmacie S... à Valence ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, après recherches approfondies a relevé :
- une inadéquation entre les dates de traitement et les dates de délivrance des spécialités, ce qui implique qu'Emile X... disposait irrégulièrement d'un stock de produits ;
- des différences entre les quantités utilisées pour les soins et celles délivrées au préjudice de la caisse, ce qui pouvait permettre au docteur X... de constituer un stock de produits et caractériser une escroquerie ;
que Guy Nathan P... a expliqué qu'il n'avait pas " osé refuser " de rendre service au docteur X... et qu'il s'était cependant rendu compte que le docteur X... sortait du cadre de l'urgence en demandant la délivrance immédiate non d'une quantité limitée de produits mais de l'ensemble des spécialités inscrites sur les ordonnances ; qu'il préférait, en novembre 1998, mettre un terme à cette pratique qu'il savait irrégulière ; que, pour sa part, Brigitte R... déclarait avoir agi à la demande de Claudette Q..., compagne du docteur X..., qui lui avait demandé de lui fournir les ampoules de Gonal F pour le traitement de ses patientes et avait accepté de lui rendre ce service, le transport des ordonnances et des produits étant fait par Claudette Q..., voire sa fille Aurélie, employée de juin à août 1999 ; que Brigitte R... déclarait, cependant, avoir cessé au bout de huit mois sa collaboration avec le docteur X..., après avoir constaté que certaines ordonnances étaient signées au verso avant même l'impression de la facture subrogatoire, mécanisme révélateur des escroqueries d'Emile X... ; qu'elle constatait, par ailleurs, la disparition d'un tampon de son officine, au début de l'année ; que, par ailleurs, les résultats de la perquisition opérée au domicile de Claudette Q... sont instructifs au regard du délit d'escroqueries ; qu'en effet, les policiers ont saisi plusieurs boîtes de Gonal F et de nombreuses vignettes pharmaceutiques se rapportant à ce médicament, à de la Gonadotrophine et de la Métrodine ainsi que des feuilles de remboursement vierges portant des vignettes de Gonal F ou de Métrodine et l'empreinte du tampon des pharmacies P... et R... mais également de la pharmacie de Mme S... de Valence ;
que les vignettes ne pouvaient provenir que de la vente de produits par une officine qui aurait dû soit les coller sur les factures subrogatoires soit les annuler dans le cadre de télétransmission étant ici rappelé que l'utilisation de vignettes aux fins de double remboursement, alors qu'il y a eu remboursement par télétransmission, est constitutive de l'escroquerie ; que Claudette Q... expliquait sans la moindre gêne, compte tenu des quantités concernées, que le Gonal F lui était destiné car elle était suivie par le docteur X... qui était son amant et voulait un enfant, et était propriétaire des documents saisis à son domicile ; que cette explication, émanant d'une femme de 45 ans, ne pouvait que laisser sceptique ; que Claudette Q... ajoutait qu'elle remettait du Gonal F aux patientes, sur les instructions du docteur X..., précisant qu'il s'agissait de produits non utilisés et restitués par certaines patientes au terme de leur traitement, ce qui laisse supposer qu'ils pouvaient être remboursés plusieurs fois ; qu'enfin, elle expliquait qu'il lui arrivait, sur instructions du docteur X..., de faire signer les patientes au dos des ordonnances et d'aller chercher les produits à la pharmacie P... ; que, de l'instruction, il apparaissait que le docteur X..., dès le mois de mars 1997, avait mis en place sa pratique de fourniture directe des produits en contactant ses patientes afin qu'elles lui restituent les médicaments non utilisés dans le cadre de leur traitement et en sollicitant les pharmaciens ; qu'il en avait ainsi établi un stock ; que Claudette Q... avait insisté auprès des pharmaciens pour que les médicaments soient remis avec des vignettes pharmaceutiques vierges, ce qui, à l'époque de la télétransmission, ne peut qu'être constitutif d'escroquerie puisque permettant un double remboursement tout comme le voulait le docteur X... qui souhaitait, en les conservant, savoir combien de boîtes il consommait et combien il en remettait ; que le docteur X... n'hésitait pas à soutenir qu'il conservait les vignettes, dans un esprit de collectionneur, comme on collectionne les timbres ; que l'information a établi également que le docteur X... disposait des tampons des pharmacies P... et R..., Guy Nathan P... ayant affirmé qu'il n'utilisait plus le tampon concerné depuis des années tandis que Brigitte R... précisait que le sien lui avait été dérobé et avait été utilisé à son insu ;
que de nombreuses patientes du docteur X... bénéficiant du régime du tiers payant sans avance de frais et avec télétransmission étaient entendues et confirmaient les pratiques illicites des signatures en blanc au dos des ordonnances ; qu'à titre d'exemple, Huguette T..., patiente du docteur X..., indiquait que le docteur X... l'avait pourvue en Gonal F à compter de l'année 1999 ; qu'ayant toujours eu un traitement pour une dizaine de jours, de deux à trois ampoules / jour, voire exceptionnellement quatre ampoules / jour en début de stimulation, elle n'avait donc jamais obtenu de la secrétaire du docteur X... plus de 10 boîtes de Gonal F par stimulation ; qu'Huguette T... a été catégorique sur cette posologie, arguant qu'elle avait toujours veillé aux recommandations du laboratoire sur les conséquences de surdoses hormonales et qu'elle n'aurait d'ailleurs jamais admis une prescription supérieure à quatre ampoules / jour ; qu'elle a donc dénoncé comme fausses les deux ordonnances du docteur X..., figurant à l'appui des deux factures R..., en date des 16 août et 22 septembre 1999, consignant des dosages de six et cinq ampoules / jour sur treize et douze jours, d'autant que la seconde prescription avait été initialement rédigée sur la base de trois ampoules / jour ; qu'à l'égard de la première stimulation, elle confortait sa position par un achat de trois boîtes supplémentaires effectué cette fois par ses soins le 24 août 1999 auprès de la Pharmacie du Parc, ce qui aurait conduit à un dosage ahurissant de dix ampoules / jour ; que, toujours à titre d'exemple, Sonia U..., autre patiente du docteur X..., à qui les enquêteurs ont montré les factures subrogatoires (non signées par ses soins et portant la mention P. O.) et les ordonnances du docteur X... la concernant, a souligné l'incohérence des quatre factures de la Pharmacie pour le mois d'octobre 1998, mais aussi les fausses posologies des ordonnances à trois ampoules / jour alors qu'elle s'était toujours plainte auprès du docteur X... de ne pas pouvoir supporter un dosage supérieur à deux ampoules du fait d'une concentration du produit rendant l'injection par trop douloureuse ; que le docteur X... n'a pu donner d'explication plausible sur l'existence de deux originaux d'ordonnances, datées initialement du 11 mai 1999 et qui avaient été, chacune, produites par les pharmacies P... et R..., pour la délivrance d'un même traitement de Gonal F à Mme V..., ni à l'égard des quatre prescriptions et délivrances des 10 et 16 octobre 1998, vis à vis de l'assurée U... toujours pour un même traitement de Gonal F sur treize jours, médicaments censés avoir été délivrés par les deux pharmacies en cause ; qu'interrogé sur les éléments retrouvés lors de la perquisition chez Claudette Q..., éléments contenant tous les ingrédients pour la commission d'escroqueries avec réutilisation notamment des vignettes de Gonal F et Métrodine, à partir de feuilles de remboursements vierges pré-tamponnées par les pharmacies P..., R... et S..., accompagnées ou non d'ordonnances vierges pré-tamponnées par les officines, Emile X... s'est cantonné à répondre notamment qu'il possédait là " une collection unique au monde " en vignettes de médicaments ; que c'est donc une véritable organisation en vue d'un enrichissement illicite aux dépens de l'assurance maladie, qui fonctionnait autour du docteur X... et que, sans les pratiques parfaitement réfléchies et constitutives d'escroqueries de ce dernier, la situation génératrice du lourd préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon n'aurait jamais existé ; qu'en définitive, il convient de réformer le jugement entrepris, en déclarant Emile X... coupable d'escroqueries au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;
" alors que, en se bornant à indiquer qu'une véritable organisation en vue d'un enrichissement illicite aux dépens de l'assurance maladie fonctionnait autour du docteur X..., sans adopter de motifs de nature à contredire ceux des premiers juges selon lesquels il n'est pas prouvé qu'Emile X... ait établi ses prescriptions de GonaL F dans le but et avec la conscience de permettre à Nathan P... de procéder à des surfacturations au préjudice des organismes sociaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. "

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroqueries, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2010, n° 120