Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 10 janvier 2012

N° de pourvoi: 11-81965
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Jean-Philippe X...,
contre l'arrêt de cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 11 mars 2011, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, exercice illégal de la médecine et organisation frauduleuse d'insolvabilité, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoire produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 313-1 du code pénal, L. 4211-1 et L. 4223-1 du code de la santé publique, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur l'action civile, a condamné le docteur X... à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville la somme de 215 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu'il résulte du dossier et des débats que, médecin généraliste à Clouange (Moselle), M. X... a, dans le cadre de l'exercice de sa profession, inventé, antidaté, postdaté ou modifié des feuilles de soins qui ont été ensuite adressées aux caisses d'assurance maladie d'affiliation des patients concernés ou aux organismes de paiement compétents ; que M. X..., au domicile duquel a été découverte, lorsque l'enquête menée sur ses agissements a débouché sur son interpellation et les perquisitions idoines, une grande quantité de feuilles de soins déjà remplies et prêtes à être envoyées, a reconnu les faits, conçus et mis en oeuvre pour lui permettre de percevoir des émoluments et des frais de déplacements supplémentaires, et a évalué à 5 000 à 6 000 euros par mois les montants ainsi frauduleusement gagnés par lui ; que l'intéressé a précisé, et l'enquête a confirmé, que, procédant de cette manière systématiquement et sachant, dès lors, risquer d'attirer rapidement l'attention des organismes sociaux sur un taux de prescription supérieur à la moyenne, il était allé jusqu'à rédiger des actes gratuits fictifs ne comportant aucune prescription ; que M. X... ayant été déclaré coupable des infractions corrélatives d'escroquerie à lui reprochées et ayant même déjà été définitivement condamné à réparer le préjudice subi par la CPAM de Metz, la cour est présentement saisie de la question de l'indemnisation des préjudices subis de par les agissements de l'intéressé par les Caisses de Thionville et de Longwy ; qu'en ce qui concerne la CPAM de Thionville, cette partie civile, à laquelle, compte tenu de la localisation du Cabinet de M. X... , était affilié l'essentiel de la patientèle de l'intéressé, chiffre son préjudice à 300 000 euros et ce, en procédant à un calcul estimatif ; que faisant valoir qu'elle est fondée à procéder ainsi, eu égard au grand nombre de cas de fraude admis et reconnu, en leurs temps, et sans la moindre réserve, par l'intimé lui-même, et à l'impossibilité d'effectuer tous les recoupements utiles dans laquelle la multiplicité des faits la place, la Caisse se livre, en l'espèce, à une comparaison des taux de consultations et de visites par patient du cabinet de M. X... et de ceux du cabinet de l'associée qu'il avait à l'époque, et retient comme fictives les consultations et visites faites en plus de celles qu'avec sa patientèle propre, mais aux taux de sa consoeur, il aurait normalement dû rester cantonné ; que l'appelante, aboutit ainsi à un total de 2 975 visites et consultations fictives par an, soit à 21 euros pièce, l'équivalent d'une somme de 62 475 euros par an, montant qu'elle arrondit à 60 000 euros, avant de multiplier ce dernier chiffre par 5 (d'où 300 000 euros), en considérant être en droit d'obtenir réparation d'un préjudice causé par une pratique ayant eu cours pendant cinq années d'affilée ; que pour apparemment grossier qu'il soit, le mode de calcul proposé par la partie civile, en ce que, contrairement à ce que soutient l'intimé, il repose sur une comparaison entre deux entités économiques réellement comparables, puisque toutes deux présentant des critères eux-mêmes comparables à ceux des autres cabinets de médecins généralistes du ressort de la CPAM de Thionville, est parfaitement pertinent, tant dans son principe que dans ses résultats, le chiffre de 60 000 euros par an étant au demeurant singulièrement proche de ceux de 60 000 euros - 72 000 euros évalués par M. X... ; que ce mode de calcul, sauf ce que l'on écarte le chiffre de cinq années et que l'on s'en tienne à la durée de la période visée dans la prévention (du 14 mars 2004 au 11 octobre 2007, soit pendant 3 ans et 7 mois, et non 2 ans et 9 mois, comme écrit dans le mémoire de Me Y... du 10 février 2011 page 7), n'a pas non plus lieu de ne pas être entériné au motif que les seuls assurés sociaux de la Caisse de Thionville à figurer nommément dans la prévention articulée contre M. X... ont été M. et Mme Z..., dès lors que, par construction grammaticale même, ces derniers ne sont mentionnés dans ce texte que comme ayant été personnellement victimes directes des agissements de la personne mise en cause, au même rang que les organismes sociaux, et que leurs noms ne figurent point, dans le texte en cause, comme venant limiter l'étendue des escroqueries causées directement aux organismes sociaux ; qu'en cet état, il est raisonnable de chiffrer le préjudice indemnisable de la CPAM de Thionville à la somme (60 000 : 12 =) 5 000 x (3 x 12 =) 36 + 7 = 43 = 215 000 euros ;

"1°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en se bornant, pour évaluer le préjudice de la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville, à retenir le calcul estimatif proposé par cette dernière, qui alléguait être dans l'impossibilité d'effectuer tous les recoupements utiles, sans constater et, à tout le moins, sans préciser en quoi la Caisse se trouvait, ainsi qu'elle le prétendait, dans l'impossibilité de chiffrer son préjudice autrement que par un calcul estimatif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que M. X... contestait la méthode de calcul retenue par la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville, consistant à comparer l'activité de son cabinet médical avec celui du docteur A..., en faisant valoir qu'il était installé depuis l'année 1987, tandis que son ancienne associée n'exerçait que depuis l'année 2005, et qu'il exerçait, contrairement à son confrère, sans rendez-vous et à domicile sur une patientèle distincte ; qu'en se bornant néanmoins, pour retenir le calcul estimatif de la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville, à affirmer qu'il reposait sur une comparaison entre deux entités économiques comparables, sans indiquer en quoi les activités professionnelles des deux médecins auraient été comparables, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en évaluant le préjudice de la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville sur une durée de trois ans et sept mois, soit au regard de la période du 14 mars 2004 au 11 octobre 2007 visée dans la prévention, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... avait cessé toute activité médicale à compter du 31 janvier 2007, de sorte que le préjudice subi par la Caisse primaire d'assurance maladie de Thionville ne pouvait, en tout état de cause, porter que sur une période de deux ans et neuf mois, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour la CPAM de Thionville, aux droits de laquelle vient la CPAM de la Moselle, de l'infraction d'escroquerie dont M. X... avait été déclaré coupable pour toute la période de la prévention par jugement devenu définitif, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;