Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 26 février 2013

N° de pourvoi: 12-82143
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par : - M. Mickaël X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2012, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 4161-1 et L. 4161-5 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d'amende et à une interdiction d'exercer la profession de chiropracteur pour une durée de cinq ans et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs que sur le fond : M. X... reprend devant la cour, de manière invariable, l'argumentation développée tant lors de l'enquête ou de la procédure d'information que devant les premiers juges, qu'il expose ou fait notamment valoir ce qui suit : professionnel de la chiropractique (chiropractie ou chiropractic) et diplômé comme « docteur de chiropractique » du diplôme délivré par le « National Board of chiropractic Examiners » aux Etats-Unis, lui donnant le droit de s'intituler comme docteur en chiropractie et d'y pratiquer sa profession, et enfin titulaire du diplôme français d'études universitaires en sciences de la nature, de la vie et en biologie, il considère en premier lieu que ces études lui donnent toutes garanties de technicité, de qualité et de connaissances professionnelles en la matière et que la chiropractie, spécialité de santé, n'est pas simplement une « méthode empirique », comme cela a pu être indiqué ;
qu'il indique ensuite qu'il est poursuivi par référence à des textes législatifs et réglementaires antérieurs à la loi du 7 janvier 2011 et à la publication du décret n° 2011-32 du même jour relatif aux actes et conditions d'exercice de la chiropraxie, ainsi que la publication de l'arrêté relatif à la composition du dossier administratif prévu pour les chiropracteurs, indiquant à l'audience, sur interpellation, avoir effectué une demande auprès de l'agence régionale de santé courant juin 2011, sans cependant en justifier ;
qu'il fait valoir ensuite, de manière répétitive, que la chiropractie est une profession de santé, ayant ses caractéristiques propres et ses spécificités, totalement étrangère à la médecine, qu'il a été condamné par le jugement critiqué pour exercice illégal de la médecine, non pas pour exercice illégal de la profession de médecin ; que son activité consiste, non pas à effectuer des «manipulations vertébrales», mais des « ajustements vertébraux » ;
que son activité consiste à détecter la perte de mobilité, des dysfonctionnements de la colonne vertébrale, de soulager avec ses mains et de libérer l'influx nerveux et qu'il utilise tous les examens nécessaires pour détecter ces dysfonctionnements ; qu'il ne s'agit pas là d'une activité de kinésithérapie, ni de médecin et qu'il s'agit d'une « profession alternative à la profession médicale » ;
que si des radiographies – et ou des bilans sanguins ont été prescrits, ainsi que des médicaments, il ne s'agit cependant pas de diagnostic ; qu'il ajoute encore n'avoir recours à aucun dossier médical et ne prendre aucun contact avec le médecin traitant ; qu'il n'a pas à « rechercher sur la personne de ses patients, des symptômes ou des signes de maladie pour les soigner puisqu'il est évident que le patient ne consultait son chiropracticien pour ses maladies, mais pour ses articulations, sa colonne vertébrale et son équilibre nerveux général » ;
qu'au terme des conclusions déposées auxquelles il est en tant que de besoin référé que de ses déclarations à l'audience, il affirme être docteur en chiropractie, terme qu'il est en droit de revendiquer, mais pas en médecine ;
que l'exercice des professions médicales et paramédicales est encadré par le code de la santé publique ; que les professionnels de santé possèdent le plus souvent un diplôme d'Etat qui sanctionne des études dont le programme est validé par le ministère de la santé et le ministre chargé de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur ; que tous les professionnels de santé doivent être inscrits au registre partagé des professionnels de santé (RPPS), consultable sur le site du conseil national de l'ordre des médecins pour les médecins, ou dans les agences régionales de santé (ARS) pour les autres professionnels de santé, notamment pour les ostéopathes et à présent pour les chiropracteurs et qu'ils sont autorisés à faire figurer sur leur plaque la mention de leur diplôme ; que l'exercice de la médecine est ainsi réservé aux seuls médecins qui doivent être inscrits au code de la santé publique et que le public peut vérifier cette inscription sur le site du conseil national ; que par ailleurs, toute personne qui, sans être médecin ou dans leur sphère de compétences pour certaines professions telles que les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, ou les biologistes médicaux, prend part à l'établissement de diagnostic ou de traitement de maladies, réels ou supposés, par acte personnel, consultations verbales ou écrites, exerce illégalement la médecine, comme prévu à l'article L. 4161-1 du code de la santé publique ;
qu'enfin, l'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires du diplôme sanctionnant une formation spécifique ; qu'il ne s'agit pas d'un diplôme d'Etat et cette formation peut être indiquée sur la plaque du professionnel par la mention « DO » qui signifie diplômé en ostéopathie ou « DC » diplômé en chiropractie, étant précisé certes que cette dernière activité n'a été réglementée que postérieurement aux faits reprochés au prévenu (décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs) ;
que dans le cas d'espèce, il est reproché au prévenu non d'avoir exercé une activité de chiropracteur, mais d'avoir au travers de cette activité élargi son intervention à des actes médicaux ; qu'ainsi, bien qu'en affirmant ne pas pratiquer la médecine, il a toujours reconnu avoir procédé à des prescriptions d'actes de radiologie et de biologie médicale, avoir prescrit des bilans sanguins, affirmant avoir une formation lui permettant d'analyser les résultats et de les interpréter, d'avoir même invité ou incité divers clients ou patients à réduire leur traitement médical ou à le supprimer ; qu'il ne peut être suivi dans ses explications lorsqu'il affirme que, s'agissant de la prescription de radiographies, il s'agissait d'une obligation pour visionner, dit-il, la colonne statiquement, que s'agissant des bilans sanguins, il s'agissait de la seule manière de vérifier la récupération de l'état de santé du patient ; que reconnaissant, par ailleurs, réaliser des manipulations vertébrales, il affirme par ailleurs écarter tout autre avis médical et récuser la médecine traditionnelle, allant jusqu'à déclarer qu'il n'a jamais fait de médecine de sa vie ; qu'ayant utilisé dans sa charte, ainsi que dans ses documents de recommandation remis au client, ainsi que dans les documents distribués dans les boîtes à lettre ou dans les grandes surfaces, le titre de docteur, il a forcément généré dans l'esprit de ses patients, ou plus exactement clients potentiels, une confusion avec ce titre de docteur en médecine ; qu'il ne conteste d'ailleurs pas avoir procédé lors du premier rendez-vous à un bilan de santé, préconisé des examens biologiques ou des radiographies comme indiqué ci-dessus sur un papier à en-tête « centre de soins chiropractiques », suivi de la mention « docteur X... » puis du terme chiropracticien, pratiquant ainsi, quoi qu'il dise, un diagnostic immédiat, susceptible d'être modifié postérieurement à ces examens ; qu'il résulte de ces considération ou éléments que la pratique du prévenu ne s'est pas cantonné au actes de chiropraxie, mais qu'en établissant ces diagnostics, même en l'absence de définition légale, en mettant en place des soins, en interprétant les résultats, en établissant, quoi qu'il dise, un bilan de santé, présenté d'ailleurs lors du premier rendez-vous comme la première étape de restauration des fonctions organiques, alors qu'il n'est pas titulaire d'un diplôme, certificat ou titre exigé pour l'exercice de la profession de médecin, il s'est manifestement rendu coupable du délit reproché, à savoir de celui d'exercice illégal de la médecine ; qu'il y a lieu en conséquence pour ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges de le retenir dans les liens de la prévention, s'agissant de faits faussement qualifiés ;
que sur la condamnation : M. X... n'a pas respecté les obligations du contrôle judiciaire qui lui interdisait notamment d'exercer son activité ; qu'il indique, sur interpellation de la cour, mais sans en justifier avoir présenté une demande d'exercice de la chiropraxie auprès de l'ARS ;
qu'eu égard aux faits de la cause, aux circonstances de leur commission et aux circonstances de l'espèce, il convient de confirmer les condamnations par le tribunal ;

"et aux motifs adoptés que les praticiens justifiant d'un titre de chiropracteur sont tenus, s'ils n'ont pas eux-mêmes la qualité de médecin, d'orienter le patient vers un médecin lorsque les symptômes nécessitent un diagnostic et un traitement médical, lorsqu'il est constaté une persistance ou une aggravation de ces symptômes ou que les troubles persistent selon l'article 2 du décret du 7 janvier 2011 ;
que les éléments de la procédure et les déclarations du prévenu à l'audience mettent en évidence des agissements démontrant que M. X... intervient comme un médecin non dans son domaine strict de compétence, la chiropraxie, ce en établissant pour son patient un diagnostic et donnant un traitement, cette affirmation étant confortée par les auditions réalisées lors de l'enquête initiale, lors de l'instruction et à l'audience, à savoir :
- M. X... établit une confusion dans les patients qui viennent le consulter en insistant sur le titre de médecin mais cette qualité ne vaut que pour la chiropraxie et le prévenu n'est aucunement docteur en médecine ; qu'ainsi l'entête des documents dans lesquels il prescrit des radiographies et des bilans sanguins comportent en gros caractères la mention de docteur et suit dans ligne du dessous en petit format en chiropraxie ;
- il s'inscrit dans un courant s'opposant à la médecine traditionnelle, source selon lui de toutes les pathologies, refusant tout contact, toute collaboration, toute consultation avec les médecins traitants, ce en opposition totale avec les dispositions du décret du 7 janvier 2011 qui insiste sur la complémentarité entre les deux médecines ; que les plaquettes distribuées et ses déclarations à l'audience établissent ce constat ; qu'il établit un diagnostic immédiat puisque tout patient est pris en charge quelques que soient ses antécédents médicaux, sa pathologie, son traitement, sans prendre soin des éventuelles contre-indications et le programme de consultations est appliqué systématiquement avec une préconisation à diminuer, voire arrêter toute prise de médicament ; qu'or l'annexe du Décret du 7 janvier 2011 prévoit que le chiropracteur ne doit pas procéder à une manipulation ou à une mobilisation cervicale dans certains cas, M. X... ne respecte pas ces règles, s'occupant de tout patient franchissant le pas de son cabinet ; qu'une coupure est en fait instaurée avec les autres praticiens, favorisée par le titre de médecin invoquée et rappelée, cette coupure est confortée par la préconisation de radiographie et de bilans sanguins, seul M. X... commentant les résultats et les présentant comme un signe d'amélioration puisque selon lui aucun de ses patients n'a connue d'aggravation de son état ;
- un traitement est établi qui consiste exclusivement à des séances de chiropraxie, M. X... exigeant systématiquement une diminution, voire un abandon du traitement en cours du patient sans vérifier les conséquences médicales de cette préconisation ;
qu'ainsi M. Y..., âgé de 81 ans, a été pris en charge le 24 avril 2006 par M. X... sans connaître son état, cette personne âgée ayant subi deux pontages et étant muni d'un simulateur cardiaque ; que M. X... a diagnostiqué un lumbago est intervenu à plusieurs reprises au domicile du patient, a constaté une amélioration, a demandé de ne pas contacter le médecin traitant avant d'annoncer qu'il s'absentait, partant en vacances ; que M. X... s'est substitué à un praticien traditionnel, effectuant un diagnostic auquel il s'est tenu, refusant tout éclairage complémentaire ; que l'état du patient s'est aggravé et a nécessité son hospitalisation, son décès étant survenu quelques jours plus tard d'une infection généralisée, le 7 mai 2006 ; que sa veuve a fait entièrement confiance à M. X..., croyant que ce dernier était médecin et, sur ses indications, n'a pas contacté le médecin traitant, retardant la prise en charge médicale de M. Y... ; qu'en réponse à un courrier du fils de M. Y..., M. X... a réaffirmé le rôle de la médecine traditionnelle dans le décès du patient, évoquant les dangers des médicaments et de la chirurgie (D93) ; que Mme Z..., qui dès la première séance a été manipulée à une vitesse fulgurante, ayant l'impression que les effets de cette première intervention devait justifier les suivantes (D54) et suite au refus de suivre le programme avait été contactée par M. X... qui lui avait fait part de son mécontentement ; que Mme A..., épouse B..., dénonçait des agissements similaires (D53) ; que M. C..., qui rencontrait des problèmes de pubalgie, a suivi les programmes de soins pour une somme de 1 510 euros et avait constaté l'absence de bienfait, avait arrêté les séances, ressentant des douleurs au niveau des cervicales et s'était vu reprocher sa décision, M. X... évoquant la perte des effets positifs (D86, D89) ; que M. D... a été manipulé dès la première séance de manière violente, ayant ressenti des douleurs longtemps après que M. X... lui ait indiqué qu'il pouvait tout guérir y compris les cancers, conseillant au patient de jeter ses semelles orthopédiques (D90) ; qu'en conséquence, la pratique professionnelle de M. X..., qui devait se cantonner aux actes de chiropraxie, doit s'analyser comme celle d'un médecin établissant des diagnostics, mettant en place des soins, interprétant des résultats alors qu'il n'est pas titulaire d'un diplôme de docteur en médecine ; qu'il est de surcroît en totale opposition avec les nouvelles dispositions issues du décret du 7 janvier 2011 ;
que le délit d'exercice illégal de la médecine reproché est établi dans tous ses éléments ;

"1°) alors que l'établissement d'un diagnostic s'entend, en l'absence de définition légale, comme la détermination de l'organe malade et son rattachement à une pathologie dénommée à partir de symptômes décrits par le patient, afin de mettre en oeuvre un traitement ; qu'en qualifiant de « diagnostic » le « bilan de santé » établi par M. X..., quand il résulte des constatations de l'arrêt que l'exposant a pratiqué sur ses patients manipulations vertébrales relevant de l'activité, alors non incriminée depuis légalement reconnue, de chiropracteur et qu'il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt que M. X... aurait, à partir des symptômes décrits par ses patients, déterminé un organe malade à traiter, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors qu'en énonçant, pour le déclarer coupable du délit d'exercice illégal de la médecine, que M. X... avait procédé à des prescriptions et interprétations de bilans sanguins et de radiographies, quand ces deux pratiques se rattachaient à l'activité proprement dite de chiropraxie et n'avaient aucune visée médicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que l'usage du titre de docteur n'est pas un élément constitutif du délit d'exercice illégal de la médecine ; qu'en retenant, pour estimer constitué le délit d'exercice illégal de la médecine à l'encontre de M. X..., qu'il utilisait le titre de docteur dans sa charte ainsi que dans ses documents de recommandations à ses clients, la cour d'appel a violé les textes susvisés"
;

Attendu que, pour déclarer M. X..., qui ne dispose pas d'un diplôme de docteur en médecine et qui se présente comme chiropracteur, coupable d'avoir, entre 2005 et janvier 2009, exercé illégalement la profession de médecin, l'arrêt attaqué retient, notamment, que, lors du premier rendez-vous avec ses patients, il procédait à un bilan de santé, prescrivait des examens biologiques ou radiologiques et en interprétait les résultats ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu ne se bornait pas à pratiquer les actes de manipulation autorisés par le décret du 2011-32 du 7 janvier 2011, relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie, mais qu'il procédait à des diagnostics réservés aux seuls médecins, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ainsi que de l'article 2 du décret susvisé imposant aux praticiens justifiant d'un titre de chiropracteur d'orienter le patient vers un médecin lorsque les symptômes nécessitent un diagnostic ou un traitement médical ; D'où il suit que le moyen, qui critique en sa troisième branche un motif surabondant, ne peut qu'être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;