Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 15 novembre 2011

N° de pourvoi: 10-88316
Non publié au bulletin Cassation
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Jean-Claude X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 15 octobre 2010, qui, pour usurpation de titre, diplôme ou qualité, l'a condamné à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 433-17 du code pénal, R. 4127-70 du code de santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'usurpation de titre, l'a condamné à une amende de 10 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que M. X... fait valoir en premier lieu l'omnivalence du diplôme de médecin en faisant référence à la qualification établie par le Conseil national de l'ordre permettant à des chirurgiens généralistes l'exercice de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; que dans ces conditions, il considère qu'étant chirurgien généraliste, il peut pratiquer des actes de chirurgie reconstructrice, esthétique et plastique sur tout le corps ; que sans remettre en cause cette notion d'omnivalence, il convient de constater que le texte de référence (décret de novembre 19555 faisant lui-même référence à un texte de 1947) est ancien et qu'il convient donc de le manier avec prudence face aux progrès de la médecine et en particulier de la chirurgie ; que d'ailleurs l'article L. 4127-70 du code de la santé publique, s'il maintient le principe d'omnivalence, le limite très clairement en rappelant que « si tout médecin est, en principe, habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement, il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses compétences, son expérience et les moyens dont il dispose » ; que le docteur X... peut donc, en principe, pratiquer des actes de chirurgie reconstructrice, esthétique et plastique mais ce domaine n'est pas de sa spécialité ; qu'en outre, il doit disposer, pour les effectuer, d'un plateau opérationnel et de locaux adaptés ; qu'il résulte des pièces comme des propres déclarations du prévenu devant les enquêteurs comme devant la cour qu'il n'est pas titulaire du diplôme de chirurgien esthétique ou plasticien mais du diplôme de chirurgien « spécialisé en chirurgie thoracique et vasculaire » ; que dans le cadre du litige ayant opposé le docteur X... à Mme Y..., c'est pour l'essentiel le devis de l'opération qui pose problème ; que l'intitulé du document, par lui-même ne fait pas de difficulté ; qu'il s'agit bien d'un devis de chirurgie esthétique et le docteur X... reste apte à pratiquer une telle opération, sous réserve des dispositions susévoquées, de l'article L. 4127-70 du code de santé publique ; qu'en revanche, les mentions portées sous son nom sont d'une autre nature ; que disposées de façon énumérative, elles indiquent : - chirurgie vasculaire et thoracique - chirurgie endocrinienne - chirurgie esthétique qu'aucune différence n'apparaît, dans cette simple énumération entre la « vraie » spécialité du docteur X... (chirurgien vasculaire et thoracique) et les deux autres mentions ; qu'au vu des pièces du dossier, il apparaît certes qu'il n'existe pas de « chirurgie endocrinienne », ce que semblait ignorer le docteur X... ; que le docteur X..., après consultation du conseil de l'ordre des médecins, a donc retiré cette mention de l'ensemble de ses documents ; que pour autant, le prévenu n'établit nullement qu'il ait souhaité faire une différence ou établir une hiérarchie entre cette mention et les deux autres figurant sur le devis ; que la défense du prévenu soutient que le seul fait de faire figurer la mention de « chirurgie esthétique » sur un devis ne caractériserait ni l'appropriation d'une spécialité ni surtout l'usage d'un titre protégé contrairement à ce qui aurait été le cas si le docteur X... s'était attribué le titre de « chirurgien esthétique » ; que cette subtilité est d'autant moins évidente que dans ses propres conclusions le docteur X... évoque certes le titre de «chirurgien esthétique ou plasticien» mais se définit lui-même comme médecin disposant du diplôme de chirurgie générale, spécialisé en chirurgie vasculaire et thoracique, ce qui caractérise tout autant un titre qu'une spécialité ; que le docteur X... est effectivement qualifié en chirurgie vasculaire et thoracique, ce qui rend logique et compréhensible pour tous la mention de cette « spécialité » dans le document soumis à Mme Y... ; qu'en revanche, rien, dans l'intitulé de ce même devis, ne permet de comprendre que le docteur X... n'est pas un spécialiste de la «chirurgie esthétique» alors que cette mention n'est nullement différenciée des précédentes ; que l'élément matériel de l'infraction est dès lors constitué ;

"1) alors que l'usurpation d'un titre telle qu'incriminée par l'article 433-17 du code pénal implique l'absence de tout droit à se prévaloir du titre, du diplôme ou de la qualité revendiquée ; que les dispositions du code de santé publique et notamment celles de l'article R. 4127-10 retenant le principe d'omnivalence du médecin chirurgien lui permettant d'effectuer tout acte de diagnostic, de prévention ou de traitement quelque soit sa propre spécialité, la cour d'appel qui en déduit elle-même que le docteur X... était effectivement autorisé à pratiquer des actes de chirurgie reconstructive, esthétique et plastique, ne pouvait dès lors, sans entacher sa décision tout à la fois de contradiction et de manque de base légale, considérer que la mention de cette activité constituait le délit prévu et puni par l'article 433-17 susvisé ;

"2) alors que les dispositions de l'article 433-17 du code pénal incriminant le fait de se prévaloir sans droit d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique, d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique, ne sauraient sans que soit méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale recevoir application à l'indication d'un domaine ou d'un secteur d'activité lequel ne constitue pas davantage un titre, qu' un diplôme ou une qualité seuls protégés par le texte susvisé ; qu'en déclarant ainsi le docteur X... coupable du délit d'usurpation de titre pour avoir mentionné sous sa qualité de médecin chirurgien ses domaines d'intervention dont celui de la chirurgie esthétique présentement en cause, la cour d'appel a violé l'article 111-4 du code pénal ;

"3) alors qu'en l'absence de toute affirmation par le docteur X... de la qualité de spécialiste dans le domaine de la chirurgie esthétique, la simple mention qu'il intervenait dans ce domaine ce qui ne contrevient à aucune disposition légale ou réglementaire ne saurait caractériser une usurpation de titre au sens de l'article 433-17 du code pénal ni justifier une déclaration de culpabilité de ce chef" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-3, et 433-17 du code pénal, R. 4127-70 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'usurpation de titre, l'a condamné à une amende de 10 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que l'aspect intentionnel d'un délit se déduit, en l'espèce, du but recherché par le docteur X... lorsqu'il a décidé de faire figurer les mentions qui lui sont reprochées sur le devis soumis à Mme Y... ; qu'il est clair que cette énumération accrédite l'idée que le praticien qui soumet ce document à sa patiente, dispose, dans les spécialités qu'il mentionne d'une véritable compétence ; que dès lors, elle est de nature à influer sur le choix que pourront être amenés à faire des patients susceptibles de se faire opérer et qui préféreront naturellement l'être par un chirurgien spécialement qualifié dans le traitement de la pathologie dont ils souffrent plutôt que par un confrère mentionnant « seulement »une pratique de chirurgie générale ; à ce titre, il suffit de reprendre le témoignage de Mme Y..., domiciliée près de Sainte-Foix-la-Grande ; qu'elle indique s'être adressée au docteur X... sur les conseils d'une amie qui s'est faite opérer, par ce chirurgien, pour la pose d'implants mammaires ; que sa préoccupation personnelle était de perdre du poids et d'obtenir une silhouette plus affinée ; que pour partie, l'opération effectuée par le docteur X... consistait en une séance de liposuccion, opération à visée essentiellement esthétique ; que dans ce contexte, parfaitement ciblé, le choix de faire figurer sur le devis, sous le nom du chirurgien, la mention « chirurgie esthétique » n'était pas anodin mais était, au contraire, de nature à conforter l'idée d'une particulière compétence du docteur X... dans cette spécialité alors même que le titre de «chirurgien esthétique» n'était pas explicitement employé ; qu'au surplus, ce dernier ayant omis, dans ce document, de mentionner sa seule spécialité (chirurgie thoracique et vasculaire), cet oubli entretenait volontairement la confusion avec les autres « spécialités »
énumérées, dont celle de chirurgie esthétique, parfaitement adaptée à l'intervention envisagée, mais dont le docteur X... savait pertinemment qu'il ne détenait ni la qualification ni le titre ; que dès lors l'élément intentionnel de l'infraction est caractérisé ;

"1) alors que l'élément intentionnel en matière de crime ou de délit exigé par l'article 121-3 suppose la volonté d'enfreindre la loi et ne saurait se trouver constituer lorsque l'auteur des faits a cru se conformer à la réglementation à la suite d'une erreur de droit ; que dès lors en s'abstenant d'examiner comme l'y invitaient les conclusions du docteur X... si en faisant état de la mention « chirurgie esthétique» dans la rédaction du devis remis à la partie civile, il ne pensait pas devoir inscrire cette mention pour se conformer aux exigences de l'arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, la cour d'appel n'a pas en l'état de ce défaut de réponse légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 121-3 du code pénal ;

"2) alors que l'élément intentionnel du délit d'usurpation de titre se trouvant caractérisé par la seule connaissance de l'absence de droit à se prévaloir d'un titre, d'un diplôme ou d'une qualité protégé par l'article 433-17 du code pénal, en l'absence de cette connaissance, cet élément intentionnel ne saurait être déduit des mobiles ayant pu animer la personne à laquelle est reproché un usage sans droit d'un titre ; que dès lors en prétendant déduire la mauvaise foi du docteur X... des objectifs poursuivis par lui dans ses relations clientèle, la cour a privé sa décision de toute base légale" ;

Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 433-17 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, ne peut constituer le délit d'usurpation de titre prévu par le premier de ces textes que l'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ou d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique ;

Attendu que, d'autre part, selon le second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., docteur en médecine, chirurgien spécialisé en chirurgie thoracique et vasculaire, a proposé à Mme Saïda Y... une abdominoplastie associée à une liposuccion ; qu'à l'issue de la consultation, il lui a remis un devis comportant, sous l'indication de son nom, les mentions "chirurgie vasculaire et thoracique, chirurgie endocrinienne, chirurgie esthétique" ; qu'à la suite de la plainte de Mme Y..., reprochant à M. X... d'avoir fait état de la qualification de chirurgien esthétique qu'il ne possédait pas, celui-ci a été cité à comparaître devant le tribunal du chef d'usurpation de titre, de diplôme ou de qualité ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt attaqué retient, notamment, que le choix de faire figurer dans le devis, sous le nom du chirurgien, la mention "chirurgie esthétique" était de nature à conforter l'idée d'une particulière compétence du docteur X... dans cette spécialité alors même que le titre "chirurgien esthétique" n'était pas explicitement employé ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans caractériser l'usage, sans droit, d'un titre, d'un diplôme ou d'une qualité protégés par des dispositions répressives, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 8 mars 2011

N° de pourvoi: 10-83330
Publié au bulletin Cassation sans renvoi
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Ghenouche X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2- 9, en date du 14 avril 2010, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a dispensé de peine et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 4161-1, L. 4161-5 du code de la santé publique, 111-2 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré M. X... coupable d'exercice illégal de la médecine et l'a condamné à payer au conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu'il est établi et non contesté que de 2001 à 2004, période de la prévention, M. X... a exercé la chirurgie plastique et reconstructrice et esthétique (C.P.R.E.) ; que l'ordre des médecins, habilité à délivrer les autorisations d'exercice dans les différentes spécialités lui avait donné un avis défavorable le 18 avril 1997, refus motivé par l'insuffisance de sa formation en ce domaine ; que cet avis était confirmé en appel le 12 février 1999 puis, définitivement, par le Conseil d'Etat, le 31 décembre 2002 ; que si M. X... conteste cette interdiction et soutient qu'il lui était nécessaire de pratiquer la C.P.R.E. pour, paradoxalement selon lui, être considéré comme apte à recevoir une habilitation par l'autorité ordinale, il n'est pas contestable qu'il ne disposait pas de l'autorisation de pratiquer cette spécialité ; que, dès lors qu'avait été rendue une décision définitive, interdisant à M. X... la pratique de la chirurgie plastique et reconstructrice et esthétique (C.P.R.E.) à M. X..., existait, l'infraction visée dans la prévention d'exercice illégal de la médecine dans la spécialité chirurgie plastique est constituée ; que le jugement déféré, en ce qu'il a déclaré M. X... coupable de cette infraction sera donc confirmé ;

"alors que les juges répressifs ne peuvent prononcer une condamnation que si le fait poursuivi constitue une infraction punissable ; que l'accomplissement par un médecin d'actes qui ne relèvent pas de sa spécialité n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique réprimant l'exercice illégal de la médecine ; qu'en déclarant M. X..., docteur en médecine, spécialisé en stomatologie et en chirurgie maxillo-faciale, régulièrement inscrit au tableau de l'ordre des médecins, coupable d'exercice illégal de la médecine pour avoir accompli des actes de chirurgie plastique et reconstructrice sans avoir obtenu « l'autorisation de pratiquer cette spécialité » alors que les dispositions réprimant l'exercice illégal de la médecine ne visent pas les médecins titulaires du diplôme d'Etat de docteur en médecine ayant accompli des actes relevant d'une spécialité autre que celle qui leur a été initialement reconnue, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article L. 4161-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que commet le délit d'exercice illégal de la médecine celui qui pratique habituellement des actes médicaux, quelle que soit la spécialité dont ils relèvent, sans être titulaire d'un titre exigé par la loi ou sans être inscrit au conseil de l'ordre ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., docteur en médecine, inscrit au tableau de l'ordre des médecins depuis le 10 juin 1991, comme spécialiste en stomatologie et compétent en chirurgie maxillo-faciale, a pratiqué des actes de chirurgie plastique, non seulement sur le visage, mais également sur tout le corps ; que, par ordonnance du juge d'instruction, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la médecine ;

Attendu que, pour dire établi ce délit, l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir rappelé que la demande du prévenu tendant à obtenir, en outre, une compétence en chirurgie plastique et reconstructrice a fait l'objet, le 18 avril 1997, d'un avis défavorable du conseil de l'ordre des médecins, confirmé en appel le 12 février 1999 et devenu définitif le 31 décembre 2002, retient qu'il n'est pas contesté que, de 2001 à 2004, M. X... a exercé la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, nonobstant une décision définitive lui en faisant interdiction ;

Mais, attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ne commet pas une infraction pénale, une personne titulaire du diplôme de docteur en médecine et inscrite au conseil de l'ordre, qui sort des limites de sa spécialité ou de sa compétence, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen proposé :

CASSE et ANNULE