La clarté de l’engagement : l’exigence de transparence
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 décembre 2006 Rejet

N° de pourvoi : 06-82834
Publié au bulletin
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la Société coopérative d'approvisionnement du Centre (SCA Centre), distributeur assurant dans cette région l'approvisionnement d'hypermarchés, est poursuivie, sur le fondement d'un procès-verbal dressé par un agent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le 23 juin 2003, annexé à la citation, pour avoir, au cours des années 2001 et 2002, d'une part, remis à ses fournisseurs un contrat de coopération commerciale ne permettant pas d'identifier avec précision un service spécifique ou des obligations particulières exorbitantes des relations contractuelles habituelles justifiant la rémunération demandée au titre de cette coopération et, ainsi, contrevenu aux dispositions de l'article L. 441-6, 5e alinéa, du code de commerce, d'autre part, délivré des factures ne comportant pas la dénomination exacte des services facturés ;

En cet état :
(…)
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 111-3 et 111-4, 121-2, 131-38, 131-39 du nouveau code pénal, de l'article L. 441-6 du code de commerce, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société SCA Centre coupable d'infraction aux règles sur le contrat de coopération commerciale ;
"aux motifs que " l'article L. 441-6 du code de commerce n'impose nullement l'écrit en tant que condition de validité du contrat, mais comme moyen de contrôle de la réalité du service facturé aux fournisseurs et ce afin de clarifier le calcul du seuil de revente à perte... ou encore d'éviter toute discrimination ou avantage sans contrepartie et à ce titre faciliter la transparence tarifaire et garantir l'équilibre et la loyauté entre les compétiteurs ; qu'il est manifeste que les contrats signés par la centrale régionale d'achat et ses fournisseurs ne répondent pas à cette définition dans la mesure où ils sont rédigés en termes généraux au risque d'en faire des contrats d'adhésion pure et simple où seul varierait le montant de la rémunération de la centrale en fonction d'un pourcentage de chiffre d'affaires qui, au demeurant, à en croire les termes particulièrement vagues de l'objet du contrat, ne constitue pas une base pertinente de rémunération ; que l'imprécision de la prestation mise à la charge du distributeur ne permet pas à l'administration et au juge d'apprécier la réalité du service offert et pour lequel la centrale régionale d'achat s'est engagée ; que cette absence de précision équivaut à l'absence d'engagement et tombe ainsi sous le coup des dispositions pénales sanctionnées par l'article L. 441-6, alinéas 5 et suivants, du code de commerce " ;
"et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que " les contrats établis par la société SCA Centre ne comportent aucune précision quant aux prestations fournies ; qu'il ne mentionnent pas d'obligations exorbitantes ni de personnalisation des services faisant l'objet d'une rémunération " (p. 5) ;
"1 ) alors, d'une part, que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le seul comportement du distributeur relatif aux contrats de coopération commerciale qui était pénalement sanctionné aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, était le défaut d'établissement d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des deux parties ; que l'appréciation de l'existence de véritables services spécifiques détachables des opérations de vente, justifiant, au fond, la conclusion de ce type de contrat, relevait du juge civil, du juge commercial, ou du Conseil de la concurrence ;
qu'en retenant la société SCA Centre dans les liens de la prévention sans relever qu'elle aurait omis d'établir des contrats de coopération commerciale écrits, au simple motif que les termes de ces contrats n'auraient pas permis au juge pénal de s'assurer de la réalité des prestations en cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"2 ) alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'un service promis au titre de la coopération commerciale revêt un caractère spécifique excluant qu'il ait été porté atteinte à la loyauté et à la transparence commerciale dès lors que la prestation en cause est détachable de l'opération de vente sous-jacente et qu'elle n'est pas fictive, peu important qu'elle soit identique pour tous les partenaires commerciaux de l'opérateur économique considéré ; de sorte que ne justifie pas légalement sa décision, au regard des textes susvisés, la cour d'appel qui retient la demanderesse dans les liens de la prévention au seul motif que la prestation prévue par ses contrats de coopération commerciale aurait été décrite en des termes généraux, identiques pour tous ses partenaires, lesquels auraient ainsi été invités à souscrire des contrats d'adhésion, ou qu'elle n'aurait pas été "exorbitante" ;
"3 ) alors, très subsidiairement que, pour contrôler la teneur de la prestation promise par la centrale d'achat, le juge ne saurait se limiter aux termes du contrat ; qu'en considérant, au contraire, que " l'absence d'engagement " prétendu de la société SCA Centre pourrait être déduite de l'" absence de précision " du contrat sur ce point, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"4 ) alors, enfin, qu'intervertit la charge de la preuve, et méconnaît le principe de la présomption d'innocence, en violation des textes susvisés, la cour d'appel qui retient la demanderesse dans les liens de la prévention au motif qu'elle ne se serait pas préconstituée, par écrit, la preuve de la réalité et de la teneur exacte des prestations promises par elle au titre de la coopération commerciale"
;

Attendu que, pour retenir l'irrégularité des contrats de coopération commerciale, mettant à la charge de la société SCA Centre la seule obligation d'assurer la présence des produits du fournisseur dans l'assortiment régional adapté à la consommation locale et recommandé à l'ensemble des hypermarchés approvisionnés, l'arrêt, après avoir énoncé que l'exigence d'un écrit n'est pas une condition de validité des conventions mais un moyen donné à l'administration de contrôler la réalité des services facturés aux fournisseurs pour assurer la transparence tarifaire et la loyauté des transactions, retient, notamment, par motifs propres et adoptés, que l'imprécision de la prestation mise à la charge du distributeur ne permet pas d'apprécier la réalité du service offert ; que les juges ajoutent que les contrats ne comportent pas d'obligations exorbitantes ni la description des services rémunérés et en déduisent à l'absence d'engagements spécifiques ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que, d'une part, un contrat écrit de coopération commerciale doit constater la fourniture par le distributeur à son fournisseur de services spécifiques détachables des simples obligations résultant des achats et des ventes et que, d'autre part, l'irrégularité de la convention équivaut à son absence, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie et n'a pas renversé la charge de la preuve, a fait l'exacte application de l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 111-3 et 111-4, 121-2, 131-38, 131-39 du nouveau code pénal, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de commerce, manque de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a considéré que la demanderesse s'était rendu coupable d'infraction aux règles relatives à la facturation ;
"aux motifs que " aux termes des dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce, la facture doit mentionner, entre autre, la dénomination précise des services rendus ; qu'en conséquence, les factures établies par un distributeur pour des prestations de coopération commerciale doivent permettre à l'administration et au juge d'identifier avec précision la nature exacte des services rendus ; qu'en l'espèce, la DGCCRF s'est fait communiquer 147 factures établies en exécution des vingt contrats litigieux ; que toutes ces factures sont aussi imprécises que le sont les contrats qui leur sert de support, étant précisé qu'elles sont toutes rédigées en termes généraux en ce qui concerne la nature de la prestation ainsi définie " présence des produits dans l'assortiment régional adaptée à la consommation locale et recommandée à l'ensemble des centres E. Leclerc dépendant de la SCA Centre " " (p. 10) ;
"alors que la facture doit mentionner la dénomination précise des services rendus ; qu'il en va ainsi de la facture qui permet de rattacher la somme réclamée par son émetteur à une prestation de service donnée, précisément identifiée, celle-ci fût-elle définie dans le cadre d'un autre document et, en particulier, d'un contrat ; qu'en retenant la demanderesse dans les liens de la prévention, au motif que la facture n'aurait pas comporté de définition précise des prestations dont il était demandé paiement, sans rechercher si les factures litigieuses permettaient, ou non, d'identifier les contrats pour lesquels il était demandé paiement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés"
;

Attendu que, pour relever que les 147 factures établies par la société SCA Centre ne comportaient pas les mentions requises, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les mentions exigées par l'article L. 441-3 du code de commerce doivent figurer sur les factures sans qu'il soit nécessaire de se référer aux documents qui les fondent, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;