Sur le premier moyen :
Attendu que la société Pontadis fait grief à
l'arrêt d'avoir dit que le GALEC et la SCAPEST n'avaient pas commis de
manquement significatif à leurs obligations contractuelles envers elle,
de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes fondées
sur les articles 1134 et 1147 du code civil et de l'avoir condamnée à
payer au GALEC et à la SCAPEST les sommes de 158 898,59 euros et 980
003,26 euros à titre de pénalités statutaires ensuite de
son exclusion, alors, selon le moyen :
1 / que la société coopérative qui envisage d'infliger
des sanctions de nature disciplinaire contre un associé coopérateur
est tenue de lui notifier ses griefs avant toute sanction afin de lui permettre
de préparer utilement sa défense ; que viole l'article 7 de la
loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et l'article
6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel
qui, après avoir constaté que la SCAPEST et le GALEC avaient infligé
dès le 31 janvier 1995, sans fournir la moindre explication, des sanctions
disciplinaires à la société Pontadis, consistant dans la
subordination de toute nouvelle livraison au règlement comptant des marchandises
et dans la coupure de l'accès informatique lui permettant de prendre
connaissance des accords tarifaires avec les fournisseurs, justifie néanmoins
la régularité de ces sanctions par le motif que la société
Pontadis ne pouvait ignorer, au moment où elles lui étaient infligées,
les raisons qui les justifiaient ;
2 / que l'associé coopérateur sur lequel pèse la menace
d'une exclusion définitive de la coopérative est a fortiori en
droit de connaître avec exactitude les faits qui lui reprochés,
pour pouvoir utilement préparer sa défense dans le cadre d'un
débat contradictoire ;
qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient que la SCAPEST a
engagé une procédure d'exclusion de la société Pontadis
en lui adressant dès le 10 février 1995 une première convocation
dont il n'est pas contesté qu'elle n'exposait aucun grief de nature à
fonder l'exclusion envisagée ; que l'arrêt constate encore qu'une
seconde convocation a été délivrée à la société
Pontadis par courriers des 20 et 24 mars 1995, qui n'exposait que l'un des griefs
du mouvement Leclerc contre le représentant de cette société,
mais renvoyait pour le surplus aux griefs évoqués lors du précédent
conseil d'administration ; qu'en estimant que l'exclusion de la société
Pontadis intervenue dans ces conditions respectait suffisamment les droits de
la défense, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés
;
3 / qu'il résulte des statuts de la SCAPEST et du GALEC que l'application
des pénalités statutaires pour le cas de retrait ou d'exclusion
d'un associé coopérateur ne revêt pas un caractère
de plein droit, mais relève au contraire du pouvoir d'appréciation
du conseil d'administration ; qu'il appartenait, dès lors, à ces
deux sociétés coopératives de rapporter la preuve que le
prononcé de ces sanctions pécuniaires avait été
précédé d'un débat contradictoire et que la société
Pontadis avait bien été invitée, par une convocation dûment
motivée, à faire valoir ses moyens de défense sur l'opportunité
de leur application et sur leur proportionnalité au préjudice
subi par le GALEC et la SCAPEST ;
qu'en validant ces sanctions sans s'assurer qu'une telle procédure contradictoire
avait été respectée, la cour d'appel a violé l'article
6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article
1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, selon les constatations
de l'arrêt, l'obligation de paiement comptant imposée à
la société Pontadis et la coupure de son accès informatique
aux accords tarifaires avec les fournisseurs sont intervenues, avant
l'engagement d'une procédure disciplinaire, en raison des méconnaissances
par cette société de son obligation de loyauté envers le
mouvement coopératif et de la prohibition
statutaire de toute participation directe ou indirecte d'un adhérent
à des sociétés ou organismes, projets, programmes ou opérations
concurrents de l'ACDLEC et des sociétés coopératives
du mouvement Leclerc, ces faits laissant craindre le départ de
la société Pontadis et permettant à M. X..., membre
du conseil d'administration de cette société, mais également
dirigeant de sociétés s'approvisionnant auprès
d'un groupe concurrent, de connaître les accords conclus entre le GALEC
et ses fournisseurs ; qu'en l'état de ces constatations, la
cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte des
énonciations de l'arrêt que la SCAPEST a convoqué la société
Pontadis par lettres recommandées des 23 et 24 mars 1995, en vue de son
exclusion, non sans en préciser les motifs, mais en renvoyant aux griefs
évoqués lors du conseil d'administration du 23 février
précédent, devant lequel M. Y..., président de la société
Pontadis avait refusé de s'expliquer sur le soutien qu'il apportait à
M. X..., et en invoquant un nouveau grief tiré de la nomination de M.
Y... en qualité d'administrateur d'une société passée
sous une enseigne concurrente ;
(…) D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième
branche, manque en fait en sa deuxième branche et n'est pas fondé
pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Pontadis fait grief à l'arrêt
d'avoir dit que le GALEC et la SCAPEST n'avaient pas commis d'abus de dépendance
économique envers elle, ni de manquement significatif à leurs
obligations contractuelles envers elle, de l'avoir en conséquence déboutée
de ses demandes fondées sur les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 et les articles 1134 et 1147 du code civil et de l'avoir
condamné à payer au GALEC et à la SCAPEST les sommes de
158 898,59 euros et 980 003,26 euros à titre de pénalités
statutaires ensuite de son exclusion, alors, selon le moyen :
1 / qu'une société coopérative ne peut sanctionner disciplinairement
l'un de ses adhérents pour ne pas avoir adopté un comportement
que ni la loi ni ses statuts ne lui donnent le pouvoir de lui imposer ; qu'en
jugeant que les mesures de représailles commerciales imposées
à la société Pontadis étaient justifiées
par la gravité des faits commis par son dirigeant, sans préciser
quelle clause exorbitante du droit commun renfermée dans les statuts
des sociétés SCAPEST et GALEC aurait autorisé celles-ci
à s'immiscer dans les règles de compositions du conseil d'administration
de leurs adhérentes et à prendre, le cas échéant,
toute mesure coercitive à leur encontre pour les contraindre à
en évincer sans délai les personnes physiques jugées indésirables,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 7 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération,
ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que
la règle dite du "parrainage", de même que l'obligation
faite à tout dirigeant d'un centre distributeur Leclerc d'être
minoritaire au sein de son propre conseil d'administration, résultent
de normes, au demeurant non écrites, imposées par l'Association
des centres distributeurs Edouard Leclerc (ACDLEC) à ses membres, personnes
physiques, en contrepartie de la conclusion d'un contrat d'attribution du panonceau
Leclerc, leur donnant droit de l'utiliser par l'intermédiaire des sociétés
commerciales qu'ils dirigent ; qu'il s'ensuit que, n'étant pas partie
à ces accords, les sociétés coopératives SCAPEST
et GALEC ne pouvaient, sans commettre un détournement de pouvoir, prendre
prétexte de leur violation pour infliger des sanctions disciplinaires
à l'une de leurs sociétés adhérentes (Pontadis),
à qui ces accords n'étaient pas davantage opposables, au motif
que son dirigeant ne les aurait pas respectées ; qu'en jugeant de telles
sanctions justifiées, la cour d'appel a violé les articles 1 et
7 de la loi du 10 juillet 1947 portant statut de la coopération, ensemble
l'article 1134 du code civil ;
3 / qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé de surcroît l'article
1165 du code civil ;
4 / en toute hypothèse, que l'assemblée des actionnaires d'une
société commerciale ne saurait licitement renoncer par avance
à désigner, en toute indépendance, les administrateurs
de son choix ; que, par suite, est illicite et doit être réputée
non écrite la règle imposée par le mouvement Leclerc, qui,
sous peine d'exclusion, exige de chaque adhérent qu'il reste minoritaire
au sein du conseil d'administration de sa société commerciale
et qu'il souffre la présence d'administrateurs désignés
par le mouvement Leclerc pendant toute la durée de son engagement de
fidélité (25 ans) ; qu'en jugeant que les mesures disciplinaires
infligées à la société Pontadis et son exclusion
subséquente étaient suffisamment justifiées par l'entorse
que M. Y... avait faite à ces règles, la cour d'appel a violé
l'article 1844, alinéa 1, du code civil, ensemble les articles L. 225-18
et L. 225-35 du code de commerce ;
5 / qu'au surplus, nul ne peut être sanctionné disciplinairement
pour ne pas s'être conformé à une discipline de vote, lequel
est l'expression d'une liberté ; qu'en estimant que M. Y... avait commis
une faute disciplinaire à l'égard du mouvement Leclerc, justifiant
les sanctions prises à son encontre, en ne se maintenant pas dans les
conseils d'administration des sociétés Tomblaine et Sonedis aux
fins de mettre leur président en minorité, la cour d'appel a violé
l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, ensemble l'article 1 du premier Protocole additionnel à la CEDH
;
6 / qu'en toute hypothèse, la prohibition de l'article L. 420-2 du code
de commerce des abus de dépendance économique a lieu de jouer
dans les rapports entre une entreprise du secteur de la grande distribution
et la société coopérative qui lui fournit l'essentiel de
ses marchandises, peu important qu'à ces rapports se superpose une relation
entre associé coopérateur et société coopérative
; qu'en jugeant qu'en dépit de l'état de dépendance économique
certain de la société Pontadis à l'égard de la SCAPEST,
les dispositions du texte susvisé ne pouvaient être invoquées
par la première en raison de son statut d'associé coopérateur
de la seconde, la cour d'appel a violé l'article L. 420-2 du code de
commerce en y ajoutant une restriction qui n'y figure pas ;
7 / que caractérise un état de dépendance économique
au sens de l'article L. 420-2, 2 du code de commerce, la prétention d'une
société coopérative de jouer de l'état de dépendance
économique dans laquelle elle tient les coopérateurs pour asseoir
sa domination politique sur les organes de direction de chacun d'entre-eux ;
que la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'état
de dépendance économique de la société Pontadis
envers la SCAPEST et le GALEC était indéniable, a néanmoins
jugé que celles-ci ne s'étaient rendues coupables d'aucun abus
de dépendance économique en infligeant des sanctions à
la société Pontadis pour forcer l'éviction d'administrateurs
jugés indésirables et leur remplacement par des administrateurs
de son choix, a violé l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant
que les engagements contractuels de la société Pontadis devaient
la conduire à ne pas admettre le maintien au sein de son conseil d'administration
du dirigeant de sociétés passées sous une enseigne concurrente
et lui imposaient une obligation de loyauté et de fidélité
envers le mouvement Leclerc, la cour d'appel, devant laquelle il n'était
pas contesté qu'il appartient aux sociétés coopératives
de vérifier et de faire respecter l'appartenance de leurs associés
à ce mouvement, a légalement justifié sa décision
;
Attendu, en deuxième lieu, que, pour dire
qu'aucune violation des articles 1134 et 1147 du code civil ne peut être
reprochée aux sociétés GALEC et SCAPEST et justifier l'exclusion
de la société Pontadis, l'arrêt, qui a relevé que
l'éviction de M. X... du conseil d'administration de la société
Pontadis et le respect par cette dernière de son obligation de
fidélité et de loyauté envers le mouvement Leclerc constituent
des objectifs licites dans le cadre des engagements contractuels de
la société Pontadis, retient d'un côté que cette
société n'a pas, en dépit des engagements de son président,
évincé un administrateur, M. X..., qui s'était retiré
de l'ACDLEC et dirigeait les sociétés Tomblaine et Sonedis qui
avaient quitté les coopératives du mouvement Leclerc pour s'approvisionner
auprès d'un autre groupe, permettant ainsi à un concurrent
d'avoir connaissance de secrets commerciaux du mouvement Leclerc, de
l'autre que le soutien public manifesté par M. Y... à cet administrateur
permettait aux coopératives de redouter que la société
Pontadis ne soit en train de négocier son passage à la concurrence,
enfin que M. Y... a accepté d'être nommé administrateur
des sociétés Tomblaine et Sonedis après leur passage sous
une enseigne concurrente ; que le moyen manque en fait en ce qu'il soutient
que la cour d'appel se serait fondée sur la règle du "parrainage",
sur l'obligation pour tout dirigeant d'un centre Leclerc d'être minoritaire
au sein de son conseil d'administration et sur le non respect par le président
de la société Pontadis d'une discipline de vote ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après
avoir rappelé les dispositions des articles 1, 2 et 7 de la loi du 11
juillet 1972 relative aux sociétés coopératives
de commerçants détaillants, devenus les articles L. 124-1
et suivants du code de commerce, et notamment que ces sociétés
ont pour objet d'améliorer par l'effort commun de leurs associés
les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale,
la cour d'appel a pu retenir qu'en tant qu'associé coopérateur
de la SCAPEST, la société Pontadis ne pouvait invoquer
à l'égard de celle-ci le bénéfice des dispositions
de l'article L. 420-2.2 du code de commerce ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième,
troisième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé
pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;