JP diffamation / relaxe / faute civile

diffamation mais bonne foi : pas de faute civile

La CA pouvait rechercher si les propos étaient diffamatoire, sans relever une infraction.
Ici, les propos étaient diffamatoires certes, mais le bénéfice de la bonne foi aurait du etre accordé.

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 1 mars 2016

N° de pourvoi: 14-87524
Non publié au bulletin Cassation sans renvoi

Statuant sur les pourvois formés par :- M. Tristan X...,
- M. Jean-Marc Y...,
- La société de presse de l'agglo. De Montpellier R, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 25 septembre 2014, qui, sur renvoi après cassation, (Crim., 3 décembre 2013, n° 12-87. 379), pour diffamation envers particulier contre les deux premiers, a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que les sociétés IPF, Groupe Strada, Strada Architecture et TPF ont fait citer devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers particulier, M. Tristan X..., directeur de publication du journal L'Agglo rieuse, et M. Jean-Marc Y..., journaliste, en raison de la publication, dans le numéro du 12 mai 2010 de ce journal, d'un article intitulé " Arnaque aux apparts ", comportant notamment, en page une, le passage suivant :

" Révélations : arnaqueur présumé, un homme d'affaires montpelliérain ayant pignon sur rue à Montpellier, Robert Z... est mis en examen, pour escroquerie, abus de confiance abus de biens sociaux, faux, usage de faux et subornation de témoin par deux juges d'instruction de Marseille de la juridiction interrégionale spécialisée, la JIRS, où la procédure a été dépaysée, à la demande du procureur général près la Cour d'Appel d'ici. PDG du Groupe Strada et de trois autres sociétés satellites-Strada Architecture, IPF et TPF-Robert Z... est soupçonné de n'avoir pas honoré des contrats passés avec des acquéreurs de biens immobiliers fortunés... Par le biais du Groupe Strada, dont la brochure assure " apporter des solutions sur mesure permettant de constituer un investissement locatif optimal ", les acquéreurs ont versé des fonds considérables pour s'offrir des appartements dans des résidences de luxe... Mais depuis plusieurs mois ils ne voient rien venir et la plupart des chantiers n'ont pas encore commencé. Et quand des travaux ont débuté, les artisans ont été obligés de les stopper faute d'être payés. Il y a 250 victimes pour un préjudice estimé à 50 millions d'euros. Tous se posent cette question : mais où est passé tout ce fric ? ",
ainsi qu'en page trois, les propos suivants : " Un avocat montpelliérain va introduire une procédure au civil, comme il l'a fait pour un chef d'entreprise de Vichy. Cet artisan a débuté les travaux de rénovation de la résidence " le Londres " dans la célèbre ville d'eaux, pour TFP, la société satellite du groupe Strada, mais il n'a jamais été payé. Il n'a pas reçu le moindre centime. Il a donc stoppé le chantier. Il a attaqué TPF et Robert Z... en justice. La cour d'appel vient de condamner l'homme d'affaire à payer 150 000 euros à l'artisan. Comme il tardait à s'exécuter, ses comptes ont été bloqués et 90 000 euros ont été versés à l'artisan, mais beaucoup trop tard : entre-temps son entreprise a été mise en liquidation judiciaire. Il y aurait 250 victimes pour un préjudice estimé à quelques 50 millions d'euros.. A ce jour ni les policiers de la division économique et financière du SRPJ de Montpellier, ni les deux juges d'instruction n'ont pu établir la destination et l'utilisation des fonds remis à Robert Z.... L'argent aurait atterri sur un compte au Maroc... " ;

que le Groupe Strada, spécialisé dans la commercialisation de biens immobiliers anciens, dirigé par M. Z... et ses filiales, IPF, TPF et Strada Architecture ont estimé que l'article incriminé leur imputait, par le truchement de leur dirigeant, de multiples malversations alors que celles-ci ne les concernaient pas et portaient sur des faits antérieurs à la création du groupe ; qu'accordant aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, le tribunal les a relaxés, par un jugement dont les parties civiles ont relevé appel ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué statuant sur le seul appel de la partie civile d'un jugement de relaxe, après avoir constaté que le jugement déféré a acquis l'autorité de la chose jugée au pénal, dit que les éléments constitutifs des délits de diffamation et de complicité de diffamation sont constitués et condamné les prévenus à des réparations civiles de ce chef ;

" aux motifs que seules les parties civiles ont interjeté appel, les dispositions du jugement sur l'action publique sont devenues définitives ; que cependant l'action publique et l'action civile étant indépendantes, la cour, saisie du seul appel des parties civiles, qui n'est pas liée en ce qui concerne les intérêts civils par la décision de relaxe, est tenue, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits déférés, sur la base desquels les parties civiles basent leur action, constituent ou non une infraction pénale ;

" alors que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation des personnes relaxées, ne peut résulter que de la faute civile démontrée à partir et dans les limites des faits, objet de la poursuite ; qu'en matière de diffamation et complicité de diffamation, l'action civile doit être fondée sur des faits résultant de la qualification proposée dans la citation au sens des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'elle ne peut être fondée parallèlement sur une faute civile au sens de l'article 1382 du code civil ; que MM. X... et Y... ayant été définitivement relaxés du chef de diffamation, la cour d'appel ne pouvait retenir à leur encontre l'existence d'une faute civile découlant de faits qui n'entraient pas dans les prévisions des textes susvisés pour fonder leur responsabilité civile, a violé les textes susvisés, et l'autorité de chose jugée attachée au jugement de relaxe définitif ; que la cassation interviendra sans renvoi " ;

Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a énoncé qu'elle était tenue de rechercher si les faits constituent une infraction pénale, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, statuant sur le seul appel des parties civiles, elle a, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, caractérisé, à partir et dans les limites des faits, objet de la poursuite, l'existence de propos diffamatoires à l'égard des parties civiles ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 23, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'accorder à MM. X... et Y... le bénéfice de la bonne foi et a dit que les éléments constitutifs des délits de diffamation et de complicité de diffamation sont constitués ;

" aux motifs que les imputations diffamatoires sont, de droit, réputées faites avec intention de nuire mais qu'elles peuvent être justifiées, lorsque son auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle et qu'il s'est conformé aux exigences de prudence dans l'expression et de sérieux dans l'enquête ; que ces critères sont cumulatifs ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il apparaît que les prévenus ne se sont livrés à aucune enquête sérieuse ; qu'il résulte des pièces produites par les parties civiles que M. Z... a été mis en examen, le 6 février 2008, dans le cadre d'une information judiciaire suivie au tribunal de grande instance de Marseille, concernant des faits commis de mai 2001 à septembre 2003 et alors qu'il était impliqué en qualité de dirigeant des sociétés Segment et Batipro ; que le groupe Strada n'a été constitué qu'en juillet 2004 ; que le groupe Strada est certes impliqué dans des litiges commerciaux mais sans aucun rapport avec la procédure pénale en cours à Marseille ; qu'avisé par M. Y... le 3 mai 2010, de sa volonté d'écrire un article le concernant, M. Z... lui a adressé un mail très précis, en date du 11 mai 2010, le mettant en garde sur le fait que les sociétés groupe Strada et ses filiales n'étaient en rien impliquées dans l'instruction en cours à Marseille et qu'il lui appartenait de faire toutes les vérifications nécessaires afin de ne pas effectuer d'amalgame ; que l'article de M. Y... a été publié le lendemain et que force est de constater que les prévenus n'ont tenu aucun compte du mail précité et que M. Y... ne s'est livré à aucune enquête sérieuse ainsi qu'il le lui était demandé et selon les pistes qui lui avaient été livrées ; qu'il y a là une volonté évidente de nuire en laissant entendre dans cet article que le groupe Strada et ses filiales sont impliquées dans des litiges commerciaux et visées par une procédure pénale ; que l'amalgame redouté par M. Z... a été total et que c'est à tort que le tribunal a retenu la bonne foi des prévenus ; qu'en rédigeant et en publiant l'article incriminé, les prévenus ont incontestablement porté atteinte à l'honneur et à la considération des sociétés parties civiles en leur imputant des infractions pénales de nature à nuire à leur réputation commerciale ; que les éléments constitutifs des délits de diffamation et complicité pour lesquels MM. X... et Y... ont été relaxés sont parfaitement réunis ;

" 1°) alors que dans le cadre d'un débat sur une question d'intérêt général, la bonne foi doit être appréciée d'une façon plus large ; qu'en la cause, les propos litigieux avaient pour objet de mettre en garde le public contre des malversations intervenues dans le secteur de l'immobilier dans le sud de la France, ayant eu de graves conséquences pour les victimes, et poursuivaient par conséquent un but légitime s'agissant d'un groupe ayant « pignon sur rue à Montpellier et qui y poursuit ses activités » comme le relevait le jugement ; qu'en considérant qu'il y avait eu une volonté de nuire en imputant aux parties civiles des infractions pénales de nature à nuire à leur réputation commerciale, sans s'expliquer sur l'existence du but légitime poursuivi qui devait primer sur les intérêts particuliers des sociétés dont s'agit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" 2°) alors que dans le cadre d'un débat sur une question d'intérêt général, l'enquête sérieuse est suffisamment justifiée par l'existence d'une base factuelle ; qu'en déniant l'existence d'une enquête sérieuse en relevant que M. Y... n'aurait pas tenu compte d'un mail envoyé par M. Z... la veille de la parution de l'article litigieux le mettant en garde contre un éventuel « amalgame », tout en constatant par ailleurs que le groupe Strada est bien impliqué dans des litiges commerciaux, fussent-ils sans rapport avec une procédure pénale en cours à Marseille qui ne concernait que M. Z..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

" 3°) alors que la cour ne pouvait, sans se contredire, constater que le groupe Strada est certes impliqué dans des litiges commerciaux, et déduire ensuite une volonté de nuire de la circonstance selon laquelle l'article laisserait entendre que le groupe Strada et ses filiales « sont impliqués dans des litiges commerciaux » et visés par une procédure pénale, alors même qu'il résultait de ses propres constatations que le groupe Strada était bel et bien impliqué dans des litiges commerciaux, en sorte que la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;

Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 précité ;

Attendu que, pour refuser aux intimés le bénéfice de la bonne foi, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les propos incriminés traitaient d'un sujet d'intérêt général relatif à des pratiques commerciales prêtées à un chef d'entreprise dans le secteur de l'immobilier et reposaient sur une base factuelle suffisante en ce que,
d'une part, l'intéressé, dirigeant du groupe Strada spécialisé avec ses filiales IPF, Strada Architecture et TPF, dans la défiscalisation de biens immobiliers, faisait l'objet de plaintes pénales depuis 2005 pour des faits qu'il aurait commis avec des sociétés qu'il avait dirigées auparavant,
d'autre part, les sociétés parties civiles étaient elles-mêmes impliquées dans des litiges commerciaux,
de sorte que de tels propos ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE

 

 

 

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Pas de faute : on reste dans les limites de la liberté d'expression

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 mai 2016

N° de pourvoi: 15-83002
Non publié au bulletin

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement du tribunal correctionnel de Lille du 15 avril 2014 en ses dispositions civiles, a débouté M. X... de ses prétentions tendant à obtenir la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts et, à titre de réparations complémentaires, d'une part, la publication d'un communiqué sur le blog de M. Y..., accessible à l'adresse ..., faisant état de sa condamnation pour diffamation publique ainsi que, d'autre part, la suppression, sur ce même blog, de l'article intitulé « Mon procès contre M. X... et le marketing de réseau » ou, à défaut, des passages diffamatoires que celui-ci contient ;

" aux motifs propres que l'appel d'un jugement de relaxe formé par la seule partie civile a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation du dommage pouvant résulter de la seule faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite ; que la décision de relaxe prononcée en l'espèce étant définitive, l'action publique n'est plus en cause ;
qu'il reste à la cour, saisie de la seule action civile, à déterminer si les termes poursuivis peuvent revêtir les caractères d'une faute, donnant droit à réparation à la partie civile ;

... le fait que des internautes ont pu faire des commentaires comportant la notion d'« escroc » relève de leur propre analyse et ne suffit pas à conférer une portée diffamatoire aux propos de M. Y... qui s'est bien gardé lui-même d'employer ce mot dans l'article litigieux ; que, même si elles ont pu blesser la partie civile, ses critiques sont ainsi restées dans les limites admissibles de la liberté d'expression, de sorte que M. Y... n'a pas commis de faute civile en l'occurrence et que le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions civiles ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., exerçant une activité de formation en ligne et responsable de trois sites internet, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier, à l'encontre de M. Y..., en raison de la publication sur internet, par celui-ci, le 22 avril 2013, d'un article intitulé " mon procès contre M. X... et le marketing de réseau ", dont six extraits constituaient, selon lui, des atteintes à son honneur et à sa considération ; que la publication de cet article est intervenue quelques jours avant l'audience de jugement consécutive à de précédentes poursuites engagées du même chef, par M. X... contre M. Y..., à la suite de la diffusion d'un article sur le blog de ce dernier en février 2011 ; que les premiers juges ont relaxé M. Y... et ont débouté la partie civile de ses demandes ; que M. X... a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer les dispositions civiles du jugement entrepris, après analyse du texte litigieux et de chacun des six extraits visés dans l'acte de poursuite, l'arrêt retient que, même si les critiques émises par l'auteur de l'article au sujet des prestations fournies par l'entreprise de M. X... , qualifiées, notamment, de " pratiques commerciales douteuses ", " flirtant avec les limites de l'honnêteté ", cherchant à " alléger le porte-monnaie de leurs semblables " ou à " berner " des gens " en situation de précarité psychologique ", avaient pu blesser la partie civile, aucune n'imputait à celle-ci de faits précis portant atteinte à son honneur et à sa considération, les propos de M. Y... se limitant à des jugements de valeur et demeurant dans les limites admissibles de la liberté d'expression ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

 

pas d'injure ni de diffamation dans les propos seulement désagréables

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 30 mars 2016

N° de pourvoi: 13-88149
Non publié au bulletin Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Des Publications du courrier de l'Ouest, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 25 juin 2013, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de MM. Gilles X..., John Y...et l'Agence pour la promotion du choletais des chefs de diffamation et injure publiques envers un particulier ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé MM. X... et Y...ainsi que l'Agence pour la promotion du choletais du chef de diffamation publique ;

" aux motifs que la phrase incriminée se limite en réalité, certes de façon extrêmement désagréable, à faire un parallèle entre la presse des régimes totalitaires et celle émanant de la partie poursuivante, sans pourtant contenir l'imputation d'un fait précis, « l'écoeurante propagande » avancée n'étant pas même déterminée en son contenu (alors qu'elle se définit comme étant une action systématique exercée sur l'opinion publique pour l'amener à accepter certaines idées ou doctrines) et susceptible de constituer un délit pénalement répréhensible ;

" alors que constitue une diffamation toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ; qu'en estimant que le fait de reprocher au journal Le Courrier de l'Ouest « (une) écoeurante propagande qui rappelle les journaux des pires régimes totalitaires qui ont assombri l'histoire du monde au 20e siècle » n'est pas diffamatoire, quand une telle imputation pouvait faire l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé MM. X... et Y...ainsi que l'Agence pour la promotion du choletais du chef d'injure publique ;

" aux motifs qu'écrire dans un journal destiné à être diffusé tant sur support papier que par voie dématérialisée ; mais sans pour autant indiquer quelle est la personne (physique ou morale ?) nommément visée ; la phrase « par indulgence on pourrait imaginer que c'est le résultat d'un manque d'intelligence » relève d'un manque de courtoisie élémentaire et s'inscrit, au vu de l'ensemble des pièces versées, manifestement dans un contexte de relations conflictuelles et houleuses, réciproquement entretenues de longue date entre M. X... et le journal Courrier de l'Ouest, mais cette phrase ne constitue pas en elle-même une injure au sens de l'article 29 de la loi de 1881, c'est-à-dire un propos outrageant ou insultant susceptible d'être compris comme tel par le public ;

" alors que constitue une injure toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ; que la polémique cesse là où commencent les attaques personnelles ; que le « manque d'intelligence » attribué « par indulgence » aux collaborateurs du journal Courrier de l'Ouest n'est rien moins qu'une expression outrageante, sinon un terme de mépris, que le contexte de relations conflictuelles et houleuses ne peut justifier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, statuant sur le seul appel de la partie civile, a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé, en l'état des éléments soumis à son examen, qu'aucune faute civile à l'origine du préjudice invoqué n'était démontrée à partir et dans la limite des faits, objet de la poursuite, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'ou il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

 

Aucune précision de faits

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 30 mars 2016

N° de pourvoi: 15-83512
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Raymonde X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 22 mai 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. Rachid Y...du chef de dénonciation calomnieuse, a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 226-10 du code pénal ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur les intérêts civils, que Mme X...a fait citer devant le tribunal correctionnel M. Y..., veuf de sa fille Christine Z..., du chef de dénonciation calomnieuse, soutenant que ce dernier avait déposé plainte à son encontre, le 27 janvier 2011, devant le procureur de la République de Paris, l'accusant de faux en écriture en contestant l'authenticité de la lettre de sa fille, Christine Z..., décédée, valant testament ; que cette plainte avait été classée sans suite ; que le tribunal ayant relaxé le prévenu, la partie civile a seule relevé appel ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé, en l'état des éléments soumis à son examen, qu'aucune faute civile à l'origine du préjudice invoqué n'était démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

 

liberté d'expression

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 15 mars 2016

N° de pourvoi: 14-88072
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- M. Eric X...,
- Le Syndicat maritime nord, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 16 octobre 2014, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre MM. Pascal Y..., Nicolas Z... et Julien A..., du chef de diffamation publique envers particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, 42, 43 et 48 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la cour a confirmé les dispositions civiles du jugement entrepris après avoir reconnu le bénéfice de la bonne foi aux prévenus poursuivis du chef de diffamation publique envers un particulier ;

" aux motifs que saisi du seul appel d'un jugement de relaxe formé par la partie civile, le juge répressif ne peut rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'autorité de la chose jugée ne s'attachant à aucune des dispositions du jugement entrepris, cet appel de la partie civile a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; que les parties civiles demandent à la cour déjuger que MM. Z..., Y... et A..., relaxés en première instance, ont commis une faute civile à leur encontre compte tenu des propos suivants (repris en gras) qu'ils ont respectivement tenus, publiés et retranscrits dans l'article intitulé : « M. Nicolas Z... a adopté une loi renforçant l'encadrement des comptes des CE ¿ Il fallait en finir avec la voyoucratie de certains responsables syndicaux " publié dans le journal Nord Littoral édition du vendredi 3 février 2012 : (....) Votre rapport sur l'encadrement des comptes des comités d'entreprise a failli être enterré. Quelque part, on peut dire que Seafrance l'a sauvé ? Oui Seafrance y a fortement contribué. La décision de M. François B... d'évincer le syndicat aussi. Il fallait couper la branche pourrie de Seafrance, en finir avec la voyoucratie de certains responsables syndicaux, les bidouilles financières et il l'a fait (...) Le comité d'entreprise de Seafrance va bientôt être liquidé. Eric X..., secrétaire général du CE, a toujours refusé d'en communiquer les comptes. Plusieurs enquêtes en cours touchent la CFDT. Que vous inspire la situation de la compagnie transmanche ? Cette affaire est emblématique des dérives qui peuvent exister dans certains syndicats comme les décrit le rapport de la Cour des comptes datant de 2009, que j'ai lu. Le pire dans cette histoire, c'est que tout le monde savait mais que personne ne disait rien. Il y a eu un faisceau d'incidents mais au final la CFDT a toujours été reconduite. Le système de pression interne devait être extrêmement fort. " Concrètement, est-ce qu'avec la loi que vous avez fait adopter à l'assemblée, le naufrage de la compagnie aurait pu être évité ? Evité je ne sais pas mais en tout cas, si le budget du CE de Seafrance était au moins égal à 230 000 euros annuels, le CE de la compagnie aurait eu obligation d'établir chaque année ses comptes, ou de les faire certifier par un commissaire aux comptes. (...) Cela aurait permis de mettre le syndicat devant ses responsabilités et d'évincer les fautifs. Pensez-vous que le manque de transparence a été déterminant dans la chute de l'entreprise ? C'est indéniable. Mais pour moi les torts sont partagés. (...) Certains dirigeants ont pu acheter la paix sociale pour mettre tout le monde d'accord. ", que la diffamation, y compris dans le cadre d'une action civile est toujours définie au terme de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 comme une allégation ou une imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, l'injure étant quant à elle définie comme une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ; que la première juridiction, dans une motivation pertinente, non remise en cause par les parties dans le cadre de l'appel et que la cour adopte, a retenu comme diffamatoires l'ensemble des propos tenus par M. Z... et présentés comme tels par les parties civiles dans les trois premiers paragraphes de l'article, à l'exception du dernier ; que reste en discussion la question de savoir si MM. Z..., Y... et A... peuvent être admis au bénéfice de la bonne foi ; que la cour retient la légitimité du but poursuivi :
- par le député M. Nicolas Z... qui avait par le biais de cet article la possibilité de s'exprimer sur un sujet qui lui tenait à coeur et qui était d'actualité puisque l'Assemblée nationale (et non lui seul, comme l'affirme trompeusement le titre) venait d'adopter le 26 janvier 2012, sur sa proposition, une loi sur la transparence des comptes des comités d'entreprise et qu'il avait été le rapporteur à l'Assemblée nationale d'une commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés, le rapport d'enquête n'ayant pu être publié à raison de la décision de refus de publication de ce rapport par l'Assemblée du 30 novembre 2011 ;
- par le journaliste M. Julien A... et le directeur de publication dans la mesure où le tribunal de commerce de Paris venait par décision du 9 janvier 2012 de mettre fin à la poursuite d'activité de la société Seafrance à Calais, que se posait la question de la reprise de cette activité, le journal Nord Littoral se devant d'informer ses lecteurs sur cette actualité ;
que la cour retient, par ailleurs, que M. Z... justifie que ses activités parlementaires l'avaient conduit à s'informer sur les questions sur lesquelles il s'exprimait ; que plus particulièrement, le comportement des syndicalistes CFDT de la société Seafrance et le fait que la CFDT, au plan national, se désolidarisait de ce comportement, avaient été évoqués dans plusieurs médias, les premiers juges reprenant exactement les articles ainsi communiqués ; que M. Z... communique également l'ensemble des décisions de justice déjà rendues au moment de son entretien avec le journaliste de Nord Littoral sur la question du défaut de communication par les secrétaire et trésorier du CE de Seafrance des justificatifs comptables sur l'exercice 2009, ce qui a permis au premier juge de conclure par des motifs que la cour adopte que M. Z... disposait avant l'entretien d'éléments suffisants pour justifier le fond de ses propos ; quant à la question de la prudence et mesure dans l'expression, la cour reprend également les motifs pertinents des premiers juges ; que la cour ajoute que les éléments soumis à son appréciation ne révèlent pas davantage qu'en première instance à l'encontre des parties civiles une animosité personnelle ni de celui qui les a tenus, le député Nicolas Z..., ni de celui qui a retranscrit ces propos tenus lors d'un entretien téléphonique, à savoir le journaliste M. Julien A..., ni de celui qui les a publiés ; que la cour note d'ailleurs que le nom du syndicat qui s'appelait alors syndicat CFDT Maritime Nord, devenu depuis syndicat Maritime Nord n'est nommément cité, seul le nom de la CFDT étant cité à deux reprises et que le nom de M. Eric X... est cité seulement par le journaliste dans sa seconde question où il est présenté comme le secrétaire du CE qui a toujours refusé d'en communiquer les comptes ; que, dans la mesure où le bénéfice de la bonne foi peut être accordé à M. Z..., ne peuvent être qualifiés de fautifs à l'encontre des parties civiles les propos diffamatoires ainsi tenus ; que de même, ne peut être qualifié de fautif le fait pour un journaliste de simplement rapporter ces propos dans le cadre d'un entretien, la cour notant que le titre incriminé est une reprise textuelle d'une expression de M. Z..., la légende de la photographie illustrant l'article " des actions en justice concernant Seafrance se poursuivent " incriminée seulement en cause d'appel ne visant, par ailleurs, nullement le syndicat Nord Maritime, mais la société Seafrance ; qu'enfin, les parties civiles ne justifient pas davantage de la faute qu'aurait ainsi commise M. Y... en publiant ces propos dans le cadre d'un sujet d'intérêt général qui s'inscrivaient dans un contexte politique polémique ; que les parties seront en conséquence déboutées de l'ensemble de leurs demandes, la cour confirmant ainsi les dispositions civiles du jugement frappé d'appel ;

" alors que sous couvert d'une question d'intérêt général liée à la transparence ayant donné lieu à polémique dans le cadre d'un conflit social, les propos incriminés, tendant à présenter comme pénalement répréhensible l'action d'un comité d'entreprise et d'un syndicat par l'emploi d'expressions telles que « branche pourrie », « voyoucratie » et « bidouille financière », n'étaient pas justifiables sur le terrain de la bonne foi, motif abstraitement pris de l'existence d'une « polémique politique » ; que ces propos outranciers portant atteinte à l'honneur et à la considération d'un dirigeant syndical nommément visé et de son organisation, ne pouvaient en effet s'autoriser de l'existence d'une « polémique politique » dès lors qu'ils avaient été tenus dans le cadre de l'interview, dans la presse locale, d'un membre de la représentation nationale sur la portée d'une réforme récente relative au financement des organisations syndicales patronales et ouvrières ; qu'en étendant, dès lors, l'exception de « polémique politique » au-delà de son objet propre, la cour a méconnu les textes et principes visés au moyen " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que, dans son édition du 3 février 2012, le journal Nord Littoral a publié un article intitulé " Nicolas Z... a adopté une loi renforçant l'encadrement des comptes des CE ; Il fallait en finir avec la voyoucratie de certains responsables syndicaux ", résumant un entretien entre M. A..., journaliste et M. Z..., et comportant notamment les passages suivants :
" Il fallait couper la branche pourrie de Seafrance, en finir avec la voyoucratie de certains responsables syndicaux, les bidouilles financières (...)
M. X..., secrétaire général du CE, a toujours refusé d'en communiquer les comptes. Plusieurs enquêtes en cours touchent la CFDT. Que vous inspire la situation de la compagnie transmanche ? "
" Cette affaire est emblématique des dérives qui peuvent exister dans certains syndicats comme le décrit le rapport de la Cour des comptes datant de 2009, que j'ai lu. Le pire dans cette histoire, c'est que tout le monde savait mais que personne ne disait rien. Il y a eu un faisceau d'incidents mais au final la CFDT a toujours été reconduite. Le système de pression interne devait être extrêmement fort. "
" Concrètement, est-ce qu'avec la loi que vous avez fait adopter à l'assemblée, le naufrage de la compagnie aurait pu être évité ? "
" Cela aurait permis de mettre le syndicat devant ses responsabilités et d'évincer les fautifs. "
" Pensez-vous que le manque de transparence a été déterminant dans la chute de l'entreprise ? "
" C'est indéniable... "

Attendu que le Syndicat maritime nord CFDT et M. X... ont porté plainte en se constituant parties civiles pour diffamation publique envers un particulier, à l'encontre, d'une part, de M. Pascal Y..., directeur de publication de Nord Littoral, d'autre part de M. Julien A... et de M. Nicolas Z... pour complicité de ce délit ; que le juge d'instruction a renvoyé ces derniers devant le tribunal correctionnel, qui les a relaxés et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur le seul appel des parties civiles, l'arrêt attaqué, après avoir admis à bon droit que les allégations en cause, hormis la dernière exprimant une opinion, étaient diffamatoires à l'égard des parties civiles, en ce qu'elles sous entendent que la procédure d'éviction par la centrale syndicale serait motivée par des agissements malhonnêtes de responsables, ayant des comportements répréhensibles, voire délictueux, associés à des dérives et des pressions internes, et que le texte de loi, adopté plus tôt, aurait permis de les identifier et les exclure, énonce, pour accorder aux intimés le bénéfice de la bonne foi, que la légitimité du but poursuivi est établie, s'agissant de l'interview d'un député spécialiste du financement des organisations syndicales, rapporteur d'une commission d'étude parlementaire, dont les travaux ont donné lieu à un vif débat d'idée et auteur d'une proposition de loi en la matière, récemment adoptée ;

Que les juges retiennent l'existence d'une base factuelle suffisante, en raison des articles de presse versés au débats, faisant état de la radiation amorcée par les instances nationales, de l'existence de possibles malversations, de dérives, de pressions et de menaces, outre les interrogations sérieuses de la Cour des comptes au sujet du monopole d'embauche de la CFDT, ainsi que la copie de décisions de justice, non exécutés, enjoignant à M. X... de communiquer les comptes de gestion du comité d'entreprise ;

Qu'ils ajoutent que M. A... s'est borné à retranscrire les propos de M. Z... et que ce dernier, n'étant pas journaliste, n'était pas astreint aux mêmes exigences qu'un professionnel de l'information, que ses propos, malgré un ton indéniablement polémique, étaient exempts d'animosité personnelle et s'inscrivaient dans le cadre d'un vif débat d'idées de sorte qu'ils n'ont pas dépassé pas les limites admissibles de la liberté d'expression ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;