Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 2 février 2016

N° de pourvoi: 14-87769
Non publié au bulletin Cassation
Statuant sur le pourvoi formé par :- Le conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2014, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. Vincent X... du chef d'exercice illégal de la pharmacie ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-3 et L. 122-3 du code pénal, L. 4223-1 du code de la santé publique, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé M. X... et débouté le demandeur de toutes ses demandes ;

" aux motifs que le procès-verbal de constat établi par huissier le 17 décembre 2003 mentionne que l'huissier s'est rendu avec M. Robert Y..., membre du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, au magasin Carrefour Angoulins ; que l'huissier indique dans son procès-verbal qu'il se tient dans la galerie marchande, derrière les caisses, que le rayon parapharmacie se trouvant immédiatement derrière, il voit M. Y...faire des achats et que celui-ci lui remet quelques instants après une poche contenant ses achats, un ticket de caisse et une facture annexés à son procès-verbal avec le justificatif de paiement par carte bancaire ; que le rapprochement du contenu du sac décrit par l'huissier avec le ticket de caisse, les mentions de la facture et le justificatif de paiement par carte bancaire annexés à son procès-verbal démontre que le paiement correspond aux produits contenus dans le sac, ce qui ressort donc de constatations personnelles de l'huissier ; que celui-ci indique dans son procès-verbal qu'il a personnellement vu M. Y...effectuer des achats dans le rayon parapharmacie et que ce dernier lui a aussitôt remis la poche contenant les produits et les documents justificatifs de l'achat ;

que M. X... a dit lors de son audition par le juge d'instruction que dans la mesure où les produits seraient passés en caisse dans son magasin il ne contestait pas qu'ils y étaient vendus ; qu'en outre, M. X... soutient que les produits litigieux faisaient partie de l'assortiment obligatoire imposé par le groupe Carrefour, ce qui accrédite le fait qu'ils étaient en rayon dans son magasin à la disposition de la clientèle ;
que ces éléments suffisent à convaincre la cour que les produits objet de la présente procédure ont bien été achetés le 17 décembre 2003 dans le rayon parapharmacie du magasin Carrefour d'Angoulins dont M. X... était alors le directeur ;

que M. X... était au moment des faits, salarié de la société Carrefour hypermarchés, en tant que directeur du magasin à l'enseigne de cette société exploité par elle à Angoulins (17) ; qu'il avait le statut de cadre supérieur ; que la décision de commercialiser les produits en litige dans le magasin d'Angoulins n'a pas été prise par lui, ces produits faisant partie d'un assortiment, comprenant de très nombreux autres articles de parapharmacie, imposé par son employeur, la société Carrefour, pour l'ensemble de ses magasins ; que cette commercialisation se faisait, de surcroît, dans des locaux de la société Carrefour ;

que dès lors, sauf constat évidemment d'anomalie, loin d'être acquis en l'espèce compte-tenu de la difficulté à caractériser ou non le médicament dans ce type de produits, il n'entrait pas dans les obligations de M. X..., directeur salarié, de vérifier si un produit que son employeur lui demandait de vendre, répertorié comme complément alimentaire, répondait bien à cette qualification, alors que rien dans l'apparence du produit en question n'était de nature à attirer son attention et que l'absence de conformité ne pouvait être constatée que par une lecture comparative des mentions figurant sur l'emballage avec la définition légale du médicament, laquelle était, de surcroît, de nature à donner lieu à interprétation ;

qu'il s'ensuit qu'il n'est pas établi que M. X... a violé en connaissance de cause les prescriptions légales ou réglementaires relatives à la commercialisation des médicaments et à l'exercice de la pharmacie ; que l'intention coupable exigée par l'article 121-3 du code pénal n'est donc pas caractérisée en l'espèce ; que dans ces conditions, et à supposer même que l'élément légale et l'élément matériel de l'infraction visée à la prévention soient réunis, l'absence d'élément intentionnel doit conduire à relaxer le prévenu des fins de la poursuite ;

" alors que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'intention coupable exigée par l'article 121-3 6 du code pénal n'est pas caractérisée, la cour d'appel a énoncé qu'« il n'entrait pas dans les obligations de M. X..., directeur salarié, de vérifier si un produit que son employeur lui demandait de vendre, répertorié comme complément alimentaire, répondait bien à cette qualification, alors que rien dans l'apparence du produit en question n'était de nature à attirer son attention et que l'absence de conformité ne pouvait être constatée que par une lecture comparative des mentions figurant sur l'emballage avec la définition légale du médicament, laquelle était, de surcroît, de nature à donner lieu à interprétation » ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'absence d'intention coupable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Vu l'article 121-3 du code pénal, ensemble les articles L. 4211-1 et L. 4223-1 du code de la santé publique ;

Attendu que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 22 mars 2005, le conseil national de l'ordre des pharmaciens a porté plainte et s'est constitué partie civile contre la société Carrefour du chef d'exercice illégal de la pharmacie, lui reprochant d'avoir commercialisé plusieurs produits répondant selon lui à la définition légale du médicament ; qu'une information judiciaire a été ouverte au terme de laquelle M. X..., directeur du magasin Carrefour d'Angoulins, qui ne possède pas le diplôme de pharmacien, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir mis en vente des produits constituant des médicaments par présentation relevant du monopole pharmaceutique ; que le tribunal l'a déclaré coupable des faits reprochés ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel du jugement ;

Attendu que, pour renvoyer M. X... des fins de la poursuite et débouter la partie civile de sa demande, l'arrêt énonce que le prévenu, salarié en qualité de cadre supérieur de la société Carrefour hypermarchés, n'a pas pris la décision de commercialiser dans le magasin les produits qui faisaient partie d'un assortiment de nombreux articles de parapharmacie imposé par son employeur pour l'ensemble de ses magasins ; que les juges ajoutent qu'il n'entrait pas dans ses attributions de vérifier si un produit que son employeur lui demandait de vendre, répertorié comme complément alimentaire, répondait bien à cette qualification alors que rien dans son apparence n'était de nature à attirer son attention et que l'absence de conformité ne pouvait être constatée que par une lecture comparative des mentions figurant sur l'emballage avec la définition légale du médicament qui est de nature à donner lieu à interprétation ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE