Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 5 février 2014

N° de pourvoi: 12-80154
Publié au bulletin Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Rubert X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, 9-1, alinéa 1er, du code civil et 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

" en ce que l'arrêt attaqué, déboutant le groupement régional de défense sanitaire du bétail de la Réunion de sa demande d'expertise, a condamné M. X... à payer à ce dernier la somme de 176 873 euros au titre de son préjudice économique ;

" aux motifs que la cour, saisie du seul appel de la partie civile, ne peut infliger aucune peine au prévenu définitivement relaxé, mais doit, au regard de l'action civile, rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale et se prononcer en conséquence sur les demandes de réparation de la partie civile ; que seul l'élément intentionnel du délit d'abus de confiance est contesté ;
qu'en effet, lors de l'audience devant le tribunal correctionnel, M. X... a admis que des salariés du groupement régional de défense sanitaire du bétail de la Réunion avaient bien effectué des travaux dans sa maison courant 2005 et 2006, prestations sans lien avec l'objet social, mais s'est justifié en expliquant que le conseil d'administration avait autorisé cette mise à disposition des salariés lors d'une réunion de travail du 13 août 2005 et a remis une copie de ce compte rendu ; que le tribunal correctionnel a estimé qu'il résultait de ce document que « le conseil avait alors autorisé M. X... a fait appel à des salariés du groupement pendant leurs heures de travail, pour participer à ces travaux, le conseil précisant que cet accord était accepté comme étant une mesure de régularisation du GRDSBR face à l'implication personnelle de longue date du DGCS (directeur général coordonnateur des services) dans le fonctionnement du groupement, caractérisée notamment par la mise à disposition gracieuse de foncier, d'un bureau et d'un parking de 2000 à 2004, et sa participation financière dans la réalisation de travaux ; qu'au regard de cette délibération, M. X... pouvait penser qu'il pouvait faire appel aux salariés du groupement pour ces travaux, ayant eu l'accord du conseil d'administration de celui-ci, et ce conseil considérant que cette mise à disposition constituait une compensation des actes qu'il énumérait (...) ;
qu'ainsi, l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas caractérisé » ; qu'or ce document :- est intitulé « compte rendu réunion de travail du 13 août 2005 » et non pas « procès-verbal du conseil d'administration »,- ne fait aucune référence à I'ordre du jour ni au quorum et aux modalités du vote tels que prévu par l'article 13 des statuts du GRDSBR,- se termine par : « Conclusion : Le DGSC prend acte des avancées découlant de cette réunion de travail et devra rendre compte de l'évolution des différents points au président qui statuera en conseil d'administration ou hors conseil de la pertinence des réponses et de l'efficience des moyens mis en oeuvre » ; qu'il découle de ces constatations que cette pièce, à laquelle aucun protagoniste n'avait fait allusion au cours de l'enquête préliminaire, est bien un simple compte rendu d'une réunion de travail, tenue le 13 août 2005, et au cours de laquelle la question de travaux au domicile personnel de M. X... a été abordée ; que ce dernier, qui a occupé pendant des années les fonctions de président du GRDSBR puis celles de directeur général coordonnateur des services (qu'il assumait lors de la réunion du 13 août 2005), ne pouvait ignorer que la simple évocation d'une question non soumise à l'approbation et au vote du conseil d'administration dans les formes prévues par les statuts n'avait aucune valeur juridique et ne valait pas engagement du GRDSBR ; qu'il ne pouvait davantage ignorer que la mise à sa disposition de salariés, en ce qu'elle constituait l'engagement des fonds du groupement, relevait des pouvoirs de ce conseil d'administration et non du seul président ; que, de surcroît, il ressort des éléments du dossier pénal et des pièces produites que :- M. X... a déclaré tout au long de l'enquête préliminaire qu'il avait obtenu l'autorisation verbale du président sans faire allusion à un accord donné par le conseil d'administration et sans citer cette réunion du 13 août 2005,- le président, M. G...a confirmé qu'il avait personnellement donné cet accord mais pas le conseil d'administration et qu'il avait agit de sa propre initiative,- aucune délibération du conseil d'administration portant autorisation de cette mise à disposition n'a été saisie par les enquêteurs ni produite par les parties ; qu'enfin, peu importe que M. X... ait estimé que le GRDSBR lui était redevable de son dévouement et implication dans la bonne marche de l'association, alors que d'une part cette affirmation n'est relayée par aucun élément intangible au vu des diverses conventions passées entre l'intéressé et le groupement, y compris par acte notarié laissant penser que tous conseils utiles ont été donnés aux parties pour préserver leurs droits et que, d'autre part, l'intéressé ne peut s'octroyer d'autorité une compensation à l'insu du conseil d'administration ; qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que les faits soumis à l'appréciation de la cour présentent la matérialité du délit d'abus de confiance imputable à M. X... dont il est résulté pour le GRDSBR un préjudice direct et personnel dans la mesure où les travaux réalisés pour le compte personnel de M. X... l'ont été pendant le temps de travail des salariés rémunérés directement par le groupement ;

" alors que méconnaît le droit à la présomption d'innocence la cour d'appel qui, pour condamner le prévenu au paiement de dommages-intérêts, lui impute la commission d'une infraction pour laquelle il a bénéficié d'une relaxe en première instance devenue définitive ; qu'en condamnant M. X... à payer au groupement régional de défense sanitaire du bétail de la Réunion la somme de 176 873 euros au titre de son préjudice économique en lui imputant la commission d'un délit d'abus de confiance, quand l'intéressé avait bénéficié en première instance d'une relaxe devenue définitive, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, déboutant le groupement régional de défense sanitaire du bétail de la Réunion de sa demande d'expertise, a condamné M. X... à payer à ce dernier la somme de 176 873 euros au titre de son préjudice économique ;

" aux motifs que les faits soumis à l'appréciation de la cour présentent la matérialité du délit d'abus de confiance imputable à M. X... dont il est résulté pour le GRDSBR un préjudice direct et personnel dans la mesure où les travaux réalisés pour le compte personnel de M. X... l'ont été pendant le temps de travail des salariés rémunérés directement par le groupement ; que le GRDSBR chiffre son préjudice salarial à 176 873 euros en se basant sur le nombre de mois consacrés aux travaux d'agrandissement de la maison de M. X... par les sept salariés concernés au cours des années 2004 à 2006 ; que le responsable administratif et financier avait, lors de l'enquête, précisé que les initiales GB (c'est-à-dire Grand Bois, lieu du domicile de M. X...) étaient inscrites sur les plannings, en face du nom des employés ayant été affectés à ce site ; que M. X... qui conteste seulement l'élément intentionnel et non l'élément matériel, ne critique pas, même subsidiairement, le tableau produit tant dans son quantum que dans le mode de calcul retenu ; que le coût salarial détourné au préjudice du GRDSBR, qui en a explicité précisément les fondements, est ainsi suffisamment déterminé sans qu'une expertise soit nécessaire ; que la cour rejette en conséquence la demande d'expertise formulée par la partie civile et lui alloue au titre de son préjudice économique exactement calculé à la somme de 176 873 euros ;

" alors que le juge pénal, statuant sur les intérêts civils, doit se prononcer dans la limite des conclusions dont il est saisi ; qu'en allouant au groupement régional de défense sanitaire du betail de la Réunion la somme de 176 873 euros au titre de son supposé préjudice économique, quand ce dernier ne sollicitait que la désignation d'un expert judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds destinés à la rémunération de salariés d'un groupement associatif en employant ceux-ci, à des fins personnelles, pendant leur temps de travail ; que les premiers juges, après l'avoir relaxé, ont déclaré irrecevable en ses demandes la partie civile qui a, seule, relevé appel ;

Attendu que, si c'est à tort que, pour allouer des dommages-intérêts au groupement associatif, l'arrêt retient que M. X... pouvait se voir imputer des faits présentant " la matérialité du délit d'abus de confiance ", celui-ci ayant été définitivement relaxé de ce chef, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure dès lors qu'il résulte de ses constatations que M. X..., en ayant eu recours, pendant leur temps de travail, à des salariés rémunérés par la partie civile, qui ne l'y avait pas autorisé, a commis une faute qui a entraîné, pour le groupement associatif, un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation, pour un montant que les juges ont souverainement évalué, dans les limites des conclusions dont ils étaient saisis ;

Qu'en effet, le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2014, n° 35

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 9 mars 2016

N° de pourvoi: 15-83517
Publié au bulletin Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc


Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 21 décembre 2015 et présenté par :- M. Gaston X...,

à l'occasion du pourvoi par lui formé contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 21 mai 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

" L'article 427 du code procédure pénale, qui dispose que, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, et les articles 3, 10, al. 2, et 497 3° du code de procédure pénale, qui ne prévoient aucune disposition spécifique concernant les règles de preuve applicables dans le cas où la juridiction pénale est amenée à statuer sur la seule action civile, sont-ils contraires au principe d'égalité devant la Loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au respect de la présomption d'innocence affirmé à l'article 9 de la Déclaration et au principe de garantie des droits affirmé à l'article 16 de la Déclaration, en tant qu'ils excluent l'application des règles de preuve propres au droit civil, plus protectrices, dans le cas où un litige, quoi qu'exclusivement civil, se trouve porté devant une juridiction pénale ? " ;

Attendu que l'article 10, alinéa 2, du code de procédure pénale
n'est pas applicable au litige, dès lors qu'aucune mesure d'instruction civile n'a été sollicitée ni prononcée par la juridiction saisie ;

Attendu que l'article 497, 3°, a été déclaré conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-363 QPC, en date du 31 janvier 2014 ; qu'aucun changement de circonstances, au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, ne saurait résulter de la décision de la Cour de cassation, en date du 5 février 2014, (pourvoi n° 12-80. 154) relative aux conditions de fond de la réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile d'un prévenu définitivement relaxé ;

Attendu que les dispositions des articles 3 et 427 du code de procédure pénale, contestées, sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux,
dès lors que la distinction du régime de la preuve en matière civile et en matière pénale
et la différence de traitement qui pourrait en résulter entre
- le prévenu définitivement relaxé et dont la faute civile est envisagée par le juge pénal saisi en appel par la seule partie civile
- et celui dont la responsabilité est envisagée devant le juge civil,
est justifiée au regard de la spécificité de l'action civile engagée par une victime devant le juge répressif, dont le bien-fondé ne peut être apprécié qu'au regard de l'objet et dans la limite de la poursuite ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;