Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
ct0068
Audience publique du vendredi 27 juillet 2007
N° de RG: 05/00982

(...)

FAITS ET PROCEDURE,

M Emmanuel de Q...a épousé le 28 février 2001 Mme Marguerite R...veuve en premières noces de M André S..., lesdits époux ayant conclu préalablement un contrat de communauté universelle.


Mme Marguerite R...est décédée sans descendance le 18 septembre 2001.

Arguant de sa qualité d'héritier de son épouse qui était propriétaire de diverses parcelles de terre pour les avoir reçues de son premier mari M André S..., M Emmanuel de Q...a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Denis de la Réunion par acte d'huissier des 8 et 12 septembre 2002 les consorts Jean T... U..., Jean T...Pause, Félicien Z..., Ludovic Z..., Marie V...Pause, Laurent W...Pause et Marie XX...Pause, Charly B..., Marie K...Pause veuve B..., Marie Josée J..., Marie YY...Pause, ZZ...et Norbert Z..., Marie Nathalie B..., Jamin Pause, Dominique A..., Eugénie Z..., Paul Y..., Jean AA...Pause et Daisy D...afin qu'il soit dit et jugé qu'ils sont sans droit ni titre à occuper les parcelles en cause cadastrées commune de Saint Denis à Saint François section CR no 8, CR no9, CR no78 et CP no 1 et CO no11 et à voir ordonner leur expulsion et leur condamnation à lui verser une indemnité d'occupation de 10 000 € par construction illégalement édifiée ainsi qu'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Messieurs N...Wilfried et Georges E...sont intervenus volontairement à l'instance.


Par jugement en date du 8 mars 2005 les demandes de M Emmanuel de Q...ont été jugées irrecevables faute pour lui de prouver sa qualité de propriétaire des dites parcelles et donc de sa qualité à agir et il en a été débouté, le Tribunal de Grande Instance de Saint Denis de la Réunion le condamnant en outre à verser à chacun des consorts N... E..., Georges E...et Jamin Pause une somme de 800 € à titre de dommages et intérêts et aux consorts N...et Georges E...une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.


Par déclaration au Greffe en date du 27 mai 2005 M Emmanuel de Q...a interjeté appel de ce jugement (...)


MOTIFS DE LA DECISION,

(...)

Pour déclarer M Emmanuel de Q...irrecevable, pour défaut de qualité à agir, en son action en expulsion à l'encontre d'occupants, selon lui sans droit ni titre, de diverses parcelles de terres situées à Saint François commune de Saint Denis, les premiers juges ont considéré que s'il justifiait bien de sa qualité " d'héritier " de son épouse décédée sans descendance, au regard du contrat de communauté universelle conclu préalablement à leur mariage, en revanche il ne justifiait pas des liens successoraux entre son épouse et son premier mari M André S...seul titulaire à l'origine des droits revendiqués.
Qu'ils ont ajouté que par ailleurs l'appréhension successorale par Mme R...des droits revendiqués étaient sur le fond contredite par des documents démontrant qu'avant sa mort M S...soit avait aliéné une partie de ses droits au profit d'Evariste Z...soit s'en était désintéressé au point que les auteurs des défendeurs en avaient prescrit la propriété.
Il appartient en effet au préalable à M Emmanuel de Q..., pour que soit reconnue sa qualité à agir, de justifier que son épouse Mme Marguerite R...décédée le 18 septembre 2001 et dont il tient ses droits, était effectivement seule héritière de son premier mari M André S...décédé sans descendance le 6 mars 1996 et propriétaire de ce fait, sous réserve des moyens tirés de l'acquisition de la propriété par usucapion soulevés par certains des occupants et de tous autres moyens de contestation au fond, des parcelles en cause pour les avoir reçus de lui.
Or il est justifié à suffire par les documents produits à savoir notamment l'attestation immobilière du 31 mars 2004 établie par Me EE...notaire associé à Saint Denis qu'en effet M André S...est décédé en 1996 sans héritier et que Mme R...son épouse a alors reçu l'intégralité de sa succession.
Que par ailleurs de ce document et du certificat d'hérédité du 31 mai 2002 établi par Me Frédéric FF...notaire associé à Sanary sur Mer il ressort que tous les biens de Mme R...étaient effectivement dans la succession reçue par M de DD...et que les parcelles en cause, qui étaient dans la succession de M André S..., avaient été préalablement reçus en succession par Mme R...et qu'ils appartiennent donc à ce jour à M de Q....
Que pour contester sa qualité de propriétaire à M de Q...les intimés soutiennent ensuite que faute d'acceptation de la succession de M François Pascal S...acquéreur initial de ces parcelles et qui est décédé le 26 mai 1889, dans le délai de 30 ans ses héritiers auraient perdu leurs droits.

Que si les intimés sont recevables à arguer pour la première fois en appel d'une éventuelle application de l'article 789 du Code civil à l'espèce en ce que faute d'acceptation de la succession de M François Pascal S..., décédé le 26 mai 1889, dans le délai de 30 ans ses héritiers auraient perdu leurs droits, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une prétention nouvelle qui, en tout état de cause, se rattache par un lien suffisant aux prétentions initiales, et à supposer que ceux ci soient recevables au fond à arguer à l'encontre de M de Q...de la prescription édictée par l'article 789 du Code civil de la faculté d'accepter ou de renoncer à une succession sur laquelle il est absolument constant qu'ils n'ont aucun droit ni aucun titre de quelque nature que ce soit, il résulte en toute hypothèse à suffire des documents produits (bail donné en 1890 par la veuve de François Pascal S...en qualité de tutrice de son fils Emile sur une des parcelles en cause et courrier du 15 décembre 1925 de Emile S...concernant la gestion de la succession de son père) qu'il y a eu acceptation par Emile S...de la succession de son père et qu'il résulte d'un acte de notoriété dressé par Me Henri GG...notaire à Cassis le 5 août 1946 visé dans l'attestation immobilière notariée du 31 mars 2004 que M André S...a ensuite effectivement accepté la succession de son père Emile.

Ainsi en l'absence de tout autre élément il y a lieu d'admettre que M André S...a accepté succession de son père Emile qui comprenait les parcelles en cause alors qu'Emile François HH... S...les avaient reçus en succession de son propre père, acquéreur d'origine, succession qu'il avait acceptée.
Il s'ensuit qu'il est ainsi établi que non seulement M de DD...a qualité pour agir alors qu'il est bien propriétaire titré des parcelles en cause, dont les intimés, qui ont la charge de la preuve à cet égard, ne justifient pas, même par un commencement de preuve par écrit, qu'elles ne seraient pas celles qu'ils occupent alors qu'il résulte des documents produits et notamment d'un rapport d'expertise de M II...géomètre expert établi en 1993 à la demande de M André S...qu'il y a bien identité entre les parcelles sur lesquelles il est titré et les parcelles dont il sollicite que les occupants soient expulsées.

Que pour ce qui concerne tout d'abord la parcelle CR 8 celle ci est incontestablement indûment occupée par Mme veuve X...et sa famille, alors que celle ci a reconnu ne pas en être propriétaire et n'avoir ni droit ni titre d'occupation dans un courrier en date du 18 décembre 2000 dans lequel elle s'engageait à quitter les lieux, et ce alors qu'il résulte des documents produits que si à l'origine ce terrain a bien été la propriété JJ...dont les E..., qui ont autorisé Mme X...à occuper ce terrain, tiendraient leurs droits, il est établi qu'elle ne l'est plus depuis 1841 puisque M JJ...l'a alors échangé à cette date contre un terrain dans le centre de Saint Denis avec M KK..., qui l'a lui même cédé en 1852 à M LL...et que M MM...créancier hypothécaire de M LL...a cédé sa créance à M S...le 11 août 1871, M S...devenant propriétaire de l'immeuble le 24 février 1875.

Il s'ensuit que l'expulsion de Mme veuve X...et tous occupants de son chef et notamment de M Jean Pierre U...de la parcelle CR 8 est justifiée et doit être ordonnée.


Que pour ce qui se rapporte à la parcelle CR 9 occupée par les consort Calin-Pausé qui, pour prouver qu'ils seraient propriétaires, tout à la fois produisent un document dont ils considèrent qu'il constitue un commencement de preuve par écrit de leur droit de propriété puisqu'il contiendrait donation en toute propriété à M Evariste Z...des parcelles en question et arguent d'une possession trentenaire.
Or il ne peut qu'être constaté que ce document daté du 18 avril 1931 ne comporte aucune signature, aurait été rédigé par un certain NN...Pascal dont on ne sait qui il est alors que François Pascal NN...est décédé en 1889, que André S...n'avait que 11 ans en 1931 et que c'était alors Emile décédé en 1946 qui était propriétaire et en tout état de cause ne donne la parcelle que " pour être plantée " et pour profiter des fruits, ce qui caractérise une cession d'usufruit et non de propriété.
Que pour ce qui est de l'usucapion s'il ne peut être contesté que les intimés occupent tous depuis plus de 30 ans ils ne justifient en rien d'une possession répondant aux exigences de l'article 2262 du Code civil alors qu'en application des articles 2236 et 2237 du Code civil ni usufruitier ni ses héritiers qui détiennent la chose du propriétaire ne peuvent la prescrire

Il s'ensuit que l'expulsion des consorts OO...de cette parcelle CR 9 est justifiée et doit être ordonnée.

Pour ce qui se rapportent aux parcelles CR 78 et CP1 et CP11 il n'est pas même allégué par M de Q...et ce même après que la Cour lui ait demandé des précisions que ces parcelles soient occupées indûment par un des intimés d'où il s'ensuit qu'il doit être débouté de ses demandes de ce chef.
Enfin en l'absence de fourniture par M de Q...d'élements permettant de déterminer le nombre et la localisation des constructions ainsi que l'affectation de leurs occupants sans droit ni titre la Cour estime devoir limiter la condamnation des intimés à l'encontre desquels la demande d'expulsion a été reconnu justifiée au paiement par chacun à titre d'indemnité d'occupation d'une somme mensuelle de 50 € à compter de la signification du présent l'arrêt.
L'équité commande au regard des circonstances de la cause le rejet de la demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement en matière civile par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE les écritures des parties qui ont été notifiées au delà du 9 février 2007 date de l'ordonnance de clôture qui sont irrecevables par application des dispositions de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile.

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris et STATUANT à nouveau :

REJETTE le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de publication de l'assignation.

DIT ET JUGE irrecevables les demandes de M de Q...en tant que dirigées à l'encontre des consorts CC...Pause, Julien B..., Ho-Caro et J Payet, qui n'étaient pas parties en première instance et n'ont pas été assignés en appel.

CONSTATE que M de Q...ne présente aux termes de ses écritures dont la Cour est saisi aucune demande en appel à l'encontre des consorts Marie XX...Pause, Marie K...Pause veuve B..., Marie Nathalie B..., Jean AA...Pause, N...Wilfried et Georges E....

REJETTE le moyen tiré du défaut de qualité de M Emmanuel de DD...pour agir en expulsion à l'encontre des intimés occupants sans droit ni titre de parcelles de terres dont il est propriétaire titré.

ORDONNE l'expulsion de Mme veuve X...et de tous occupants de son chef et notamment de M Jean Pierre U...de la parcelle cadastrée commune de Saint Denis Saint François section CR no ....

ORDONNE l'expulsion des consorts Paul Y..., Marie Josée C..., Jean T...Pause, Eugénie Z..., Félicien Z..., Ludovic Z..., Marie V...Pause, Marie YY...Pause, Jamin Pausé, Grégory Z...et Norbert Z..., Dominque A...Charly B...et Daisy D...et de tous occupants de leur chef de la parcelle cadastrée commune de Saint Denis Saint François section CR no ....

CONDAMNE chacun de ces occupants dont l'expulsion est ordonnée à verser à M Emmanuel de Q...à titre d'indemnité d'occupation une somme mensuelle de 50 € à compter de la signification du présent arrêt.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE solidairement Mme veuve X...et M Jean Pierre U...et lesconsorts Paul Y..., Marie Josée C..., Jean T...Pause, Eugénie Z..., Félicien Z..., Ludovic Z..., Marie V...Pause, Marie YY...Pause, Jamin Pausé, Grégory Z...et Norbert Z..., Dominque A...Charly B...et Daisy D...aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion du 8 mars 2005