sur le premier moyen, pris en ses deux branches : attendu qu'en 1953, licheron
a charge l'architecte guillot de l'etablissement des plans, et de la surveillance
des travaux d'edification d'un immeuble sur un terrain, sis a clermont-ferrand
;
qu'au moment ou cette construction atteignait le quatrieme etage, des desordres
se sont produits dans une villa, edifiee sur le terrain voisin, et appartenant
a maillot ;
que celui-ci a alors assigne licheron, en reparation du prejudice qu'il pretendait
avoir subi, lequel a appele en garantie a la fois son architecte et chambon,
son entrepreneur ;
attendu qu'il est fait grief a l'arret attaque qui a declare licheron responsable
du dommage cause a l'immeuble de maillot, d'avoir condamne guillot, solidairement
avec chambon, a garantir le maitre de y... des condamnations qui"sont ou
seront prononcees contre lui", alors d'une part que le marche passe entre
le proprietaire et l'entrepreneur mettait a la charge de ce dernier la responsabilite
du sol, et l'obligation correlative de le reconnaitre et de l'eprouver, ainsi
que la reparation des desordres causes aux voisins, d'ou il suit que l'architecte
n'en avait pas ete charge, et ne saurait des lors etre declare responsable contractuellement,
d'une obligation incombant a une autre partie ;
que d'autre part, la cour d'appel n'a pas legalement motive la qualification
de fautes lourdes attribuee aux fautes reprochees a l'architecte ;
attendu, il est vrai, que les juges du fond ont rappele qu'aux termes du marche
du 29 octobre 1953, intervenu entre le maitre de y... et l'entrepreneur chambon,
ce dernier "sera responsable du sol, qu'il lui appartiendra de reconnaitre
et d'eprouver... il doit egalement reparation des desordres causes aux voisins,
a l'occasion de ces travaux" ;
mais attendu qu'apres avoir souligne que le marche precite, du 29 octobre 1953
"ne contient aucune clause consacrant l'irresponsabilite de guillot"
dans ses rapports avec le maitre de y..., l'arret attaque constate que cet architecte
a ete "charge de diriger et surveiller les travaux, qu'il n'a pas procede
a des essais de sol reguliers, seul moyen qui lui eut permis d'etre renseigne
sur sa resistance, dont la connaissance lui etait indispensable, pour arreter
le poids de la construction ;
qu'un vice de construction grave dont guillot doit repondre, a ete revele par
le rapport d'expertise du 25 aout 1958, qui constate que le beton et les fers
d'armature empietent en dehors de la propriete licheron, et que la liaison en
fondation entre les deux immeubles est de nature a expliquer les mouvements
constates, par suite de la surcharge anormale de l'immeuble licheron sur l'immeuble
maillot" ;
que la cour d'appel a pu deduire de ces constatations que la responsabilite
de guillot se trouvait engagee vis-a-vis du maitre de y..., et qualifier de
fautes lourdes, celles relevees contre lui ;
que le premier moyen ne saurait donc etre accueilli ;
sur le deuxieme moyen, pris en ses diverses branches : attendu qu'il est encore
reproche, d'une part, a l'arret attaque, qui n'aurait pas constate que l'architecte
avait l'obligation contractuelle de proceder a des sondages, et apres avoir
releve que l'entrepreneur devait assumer vi-a-vis du proprietaire la responsabilite
du sol, et comme tel, devait refuser toute execution d'un projet de conception
defectueuse, d'avoir retenu a la charge de guillot, une faute qui n'aurait occasionne
aucun prejudice au maitre de y..., si l'entrepreneur avait satisfait a ses propres
obligations contractuelles envers ce dernier ;
d'autre part, de ne pas avoir repondu aux conclusions par lesquelles l'architecte
faisait valoir qu'il ne lui appartenait pas, apres avoir denonce au proprietaire
les risques eventuels de la construction projetee, de s'y opposer, des lors
que ce proprietaire en avait accepte les risques ;
et enfin d'avoir impute la faute a l'architecte d'une jonction des fondations,
alors qu'il n'est pas constate que cette faute ait occasionne un prejudice contractuel,
actuel et direct, au proprietaire ;
mais attendu, ainsi que cela a deja ete rappele, que la cour d'appel, compte
tenu des conventions particulieres intervenues entre le maitre de y... et l'entrepreneur,
a souligne que l'architecte avait failli a son obligation de diriger et surveiller
les travaux, en ne procedant pas a des essais de sol reguliers, "seul moyen
qui lui eut permis d'etre renseigne sur sa resistance, dont la connaissance
lui etait indispensable pour arreter le poids de la construction", et en
ne s'opposant pas "a la liaison en fondation, des deux immeubles"
;
que l'arret attaque n'avait pas a repondre par un motif special au simple argument
tire de ce que le maitre de z... aurait "accepte en toute connaissance
de cause le risque de porter aux voisins certaines perturbations, dont il ignore
a l'avance, si elles excederont ou non les limites des troubles normaux du voisinage",
des lors qu'etaient precisees les fautes de l'architecte generatrices du dommage
;
qu'enfin, les juges du fond ont souligne que "la liaison des fondations
entre les deux immeubles explique les mouvements constates" et que l'architecte
"charge de diriger et de surveiller les travaux, aurait pu empecher cette
faute par une surveillance attentive" ;
attendu ainsi que le deuxieme moyen n'est pas mieux fonde que le premier, les
rejette ;
mais sur le troisieme moyen : vu les articles 1202 et suivants du code civil
;
attendu que si chacun des co-auteurs, dans le cas de faute commune, peut etre
condamne a reparer l'integralite du dommage a l'entiere realisation duquel il
a contribue, la solidarite des articles 1202 et suivants du code civil ne peut
etre prononcee contre eux que dans les cas prevus par la loi ;
que pour prononcer une condamnation solidaire entre guillot et chambon, envers
licheron, l'arret attaque se borne a relever une faute commune entre eux ;
qu'il n'a pu deduire de la seule constatation de celle-ci, entrainant un prejudice
identique, un lien de solidarite entre les deux co-auteurs de cette faute ;
d'ou il suit qu'il n'a pas donne une base legale a sa decision ;
par ces motifs : casse et annule, mais seulement dans les limites du troisieme
moyen, l'arret rendu entre les parties par la cour d'appel de riom, le 20 avril
1959 ;
remet en consequence, quant a ce, la cause et les parties au meme et semblable
etat ou elles etaient avant ledit arret et, pour etre fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de limoges. no 59-11.739. guillot c/ maillot et autres.
president : m. bornet. - rapporteur : m. ausset. - avocat general : m. ithier.
- avocats :
mm. x... et a.... dans le meme sens : sur le no 2 : 25 octobre 1960, bull. 1960,
i, no 456 (2e), p. 372 et les arrets cites. a rapprocher : sur le no 1 : 17
mai 1961, bull. 1961, i, no 256 (1e), p. 203
Publication : Bull. civ. I n° 252 ;
JCP 1961, II, note Esmein ;
RTDCiv 1962, p. 99, obs. Tunc et p. 126 obs. Esmein.