sur le premier moyen : attendu qu'il resulte des enonciations de l'arret attaque
que les epoux x... etaient proprietaires d'une partie d'un immeuble dans laquelle
ils exploitaient, ..., a saint-tropez, un restaurant qu'ils ont vendu a giraud
en 1957, en meme temps que les locaux ;
qu'en 1951, vignat avait acquis, de son cote, les 4e et 5e etages de l'immeuble
contigu portant le n. 6 ;
attendu qu'a l'origine les deux batiments avaient une hauteur identique, les
bouches des cheminees emergeant du toit sur le meme plan et que le conduit de
fumee desservant le rez-de-chaussee du n. 8 sortait de la toiture au droit du
mur mitoyen entre les immeubles ;
attendu qu'en 1930, dion, auteur de vignat, a sureleve la maison n. 6 par l'adjonction
d'un 5e etage avec terrasse et que le conduit de fumee de l'immeuble voisin
fut alors devie et prolonge, sur son initiative, le long du garde corps de la
terrasse par un tuyau de tole allant jusqu'au faite de son batiment ;
attendu qu'a la suite de son acquisition, en 1935, de partie de l'immeuble n.
8, x... a remplace ce conduit oblique par un tuyau d'environ trois metres de
hauteur pose sur la souche de la cheminee et prolongeant verticalement, au-dessus
du mur separatif, la gaine de fumee de sa cuisine ;
attendu que peu apres qu'il eut pris possession des deux derniers etages de
la maison n. 6, vignat a fait constater l'existence sur sa terrasse d'emanations
de gaz et de fumees melees d'escarbilles, provenant de la cheminee voisine ;
que x... ayant fait proceder, en 1952, a des travaux de refection confies a
l'entrepreneur bonnacorsi, sous la direction de l'architecte auzias, le conduit
de fumee fut seulement prolonge verticalement par un tuyau s'elevant a 2,40
m, au-dessus de la balustrade de la terrasse du n. 6 ;
attendu que les inconvenients deja subis par vignat ayant persiste, celui-ci
fit designer un expert en refere et saisit le tribunal civil pour obtenir des
epoux x... l'execution des travaux preconises par l'homme de l'art et la reparation
du prejudice qui lui avait ete cause ;
que les epoux x... ont appele en garantie leur architecte et leur entrepreneur,
giraud etant lui-meme attrait dans l'instance par vignat, en declaration de
jugement commun ;
attendu que les premiers juges ont ordonne une nouvelle expertise, sur le fondement
de laquelle l'arret attaque, confirmatif sur le principe de la responsabilite,
a decide que le trouble denonce par vignat etait du a l'enlevement par x...
du tuyau de deviation installe lors de la surelevation de l'immeuble n. 6 ;
qu'en consequence x... a ete condamne, sous astreinte, a retablir ce tuyau a
ses frais, suivant les regles de l'art et a payer a vignat des dommages-interets
fixes a 15 000 francs ;
attendu que le pourvoi fait, tout d'abord, grief a la cour d'appel de n'avoir
pas motive valablement cette condamnation, du moment qu'elle s'est bornee a
constater que l'auteur de vignat avait, en 1930, prolonge le conduit de fumee
jusqu'au faite de son toit dans des conditions qui ne sont nullement precisees,
sans avoir egard aux conclusions dans lesquelles x... soutenait qu'il avait
supprime ce tuyau parce qu'il etait devenu inutilisable, alors que la decision
des juges du fond n'eut ete justifiee que si la suppression avait porte sur
un conduit en bon etat de fonctionnement et que x... n'aurait pu etre dans l'obligation
d'apporter, a ses frais, des modifications a sa cheminee que s'il en avait fait
un usage anormal, ce qui n'a ete aucunement constate ;
mais attendu que les premiers juges, dans des motifs que la cour d'appel a
adoptes en s'y referant et qu'elle a meme repris en partie, ont releve qu'aucun
trouble n'etait survenu, a la suite de la surelevation du batiment appartenant
alors a dion, jusqu'a ce que x... eut supprime, posterieurement a 1935, le conduit
de derivation pose en 1930 ;
que cette constatation implique que l'installation etait demeuree en etat de
fonctionnement ;
qu'enfin l'usage intensif de la cheminee du restaurant a ete expressement retenu
par le tribunal ;
attendu que la cour d'appel a pu deduire de ces elements de fait par elle souverainement
apprecies, que x... est a l'origine des troubles invoques par vignat pour avoir
enleve le conduit de deviation de fumee qui existait primitivement et dont les
experts z... recommande le retablissement ;
que le moyen ne saurait donc etre retenu ;
sur le moyen additionnel : attendu que n'est pas mieux justifiee la pretention
des demandeurs au pourvoi d'apres laquelle les juges du fond auraient, pour
statuer comme ils l'ont fait, denature la portee du rapport d'expertise ;
attendu, en effet, que s'il resulte de celui-ci que les gaines de fumee de l'immeuble
n. 8 n'avaient ete ni prevues, ni construites dans les regles de l'art, et qu'elles
devaient faire l'objet d'une refection complete comportant notamment le prolongement
et la deviation de tous les conduits a la sortie sur toiture, il ressort de
l'ensemble de ce meme rapport que c'est bien la suppression par x... du tuyau
primitif, installe par dion, qui a ete la cause des inconvenients ulterieurement
ressentis par vignat ;
qu'ainsi le moyen ne peut etre accueilli ;
sur le deuxieme moyen : attendu qu'il est encore reproche a la cour d'appel
de n'avoir retenu la garantie de l'architecte auzias, au profit de x..., que
dans la proportion d'un tiers, sans donner aucun motif pour justifier une telle
reduction, alors que la responsabilite de l'homme de l'art reste engagee, meme
s'il s'est conforme aux ordres du maitre de y..., lorsque celui-ci etait, comme
en l'espece, notoirement incompetent en matiere de construction ;
mais attendu que les juges d'appel, ayant constate, d'une part, la faute initiale
de x... et, d'autre part, la negligence dommageable de son architecte, ont souverainement
apprecie dans quelle mesure il convenait d'operer un partage des responsabilites
;
que la critique du pourvoi doit etre ecartee ;
en consequence rejette tous les moyens sus enonces ;
mais sur le troisieme moyen : vu l'article 130 du code de procedure civile
et l'article 1382 du code civil ;
attendu que des dommages-interets ont ete mis a la charge des demandeurs au
pourvoi, au profit de giraud, en reparation du prejudice qu'aurait subi celui-ci,
a la suite de sa mise en cause par vignat, du fait de x..., mais que les juges
du fond n'ont donne aucun motif de nature a justifier cette condamnation ;
que le payement des depens par la partie adverse constituant la reparation legale
du prejudice cause par l'instance au plaideur qui a triomphe dans ses pretentions,
des dommages-interets supplementaires n'auraient pu etre alloues, de ce chef,
a giraud, que s'il avait ete constate que la mise en cause de celui-ci lui avait
cause un prejudice resultant directement d'une faute imputable a x... ;
d'ou il suit que l'arret attaque manque, sur ce point, de base legale ;
par ces motifs : casse et annule,
publication : Bull. civ. I n° 468