Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du vendredi 22 novembre 1968
Publié au bulletin CASSATION PARTIELLE.
sur le premier moyen, pris en ses deux branches : attendu qu'il résulte
des énonciations de l'arrêt attaque qu'au cours des travaux d'edification
d'un immeuble pour le compte de la societe civile immobiliere le turso, des
désordres se manifestèrent dans la maison voisine appartenant
a dame veuve y... et donnée a bail a taix ;
que, ce dernier ayant demande a sa bailleresse reparation du trouble subi, celle-ci
réclama réparation a la société civile immobilière
le turso, qui appela en garantie l'architecte Liogier et l'entreprise Rougier
;
attendu qu'il est fait grief a la cour d'appel d'avoir declare la societe civile
immobiliere le turso responsable des desordres survenus dans la maison cassarin,
au motif qu'il resulte des conclusions de l'expert b... s'il existait des desordres
deja anciens dans l'immeuble cassarin, ceux-ci etaient neanmoins stabilises,
que ce sont les travaux le long du mur mitoyen - qui, en affaiblissant la resistance
des fondations, il est vrai, insuffisantes, ont provoque l'aggravation des desordres,
que de tels travaux, par leur importance et les risques qu'ils comportaient
- excedent les inconvenients normaux de voisinage -, qu'en agissant ainsi, en
connaissance d'un risque de desordres pour l'immeuble voisin, la societe exposante
avait commis une faute et devait reparer, les dommages qui en etaient resultes,
alors, selon le pourvoi, que, d'une part, contrairement a ce qu'a dit la cour
d'appel, l'expert x... avoir constate que, malgre les precautions prises et
l'execution normale des travaux de l'immeuble le turso, des desordres avaient
eu lieu dans l'immeuble cassarin, avait trouve la cause generatrice de ces desordres
dans le fait que l'immeuble cassarin etait insuffisament fonde, qu'il presentait
depuis longtemps des affaissements, defauts d'aplomb des murs de facades, niveaux
des planchers, escaliers, deterioration des parties inferieures des murs et
des cloisons, gonflement du sol du rez-de-chaussee - qu'ainsi, selon l'expert,
l'aggravation des desordres n'etait pas le fait des constructeurs et devait
etre recherchee dans la nature meme de la construction de y..., en raison de
l'absence de fondations et de l'absence de chainage des facades, de sorte que
les travaux de la societe civile immobiliere le turso n'etaient que la cause
occasionnelle de l'aggravation des dommages de l'immeuble cassarin et que ladite
soeiete n'en pouvait etre declaree responsable en l'absence de faute de sa part
et de relation reelle de cause a effet entre ses travaux et les dommages, et
que, d'autre part, a tout le moins, si l'on admet que les travaux le turso etaient
en relation de cause a effet avec les dommages et que la societe avait commis
une faute parce que le prejudice cause excedait les inconvenients normaux du
voisinage, y... et ses heritiers etaient eux-memes en faute de n'avoir pas entretenu
correctement leur immeuble dont les desordres avaient necessairement aussi pour
cause generatrice l'etat deplorable de ce bien, de sorte qu'un partage de responsabilite
aurait du etre prononce en la cause ;
mais attendu que l'arret a constate que si l'immeuble cassarin presentait des
desordres deja anciens, ceux-ci se trouvaient stabilises ;
que ce sont les travaux le long du mur mitoyen, terrassement en sous-oeuvre
et montage d'ouvrages en contre-mur, qui, en affaiblissant la resistance des
fondations, ont provoque l'aggravation des desordres ;
que la societe civile immobiliere le turso a fait proceder a des constructions
necessitant des terrassements contre un mur mitoyen, alors qu'elle n'ignorait
pas qu'il existait des risques de desordres pour l'immeuble voisin qui y prenait
appui : qu'en l'etat de ces constatations, la cour d'appel, des lors qu'elle
ne relevait que le seul comportement fautif de la societe civile immobiliere
le turso et la relation de cause a effet entre la faute qu'elle caracterisait
et le dommage subi par dame z... de l'aggravation des desordres dont a souffert
son immeuble, a pu retenir l'entiere responsabilite de ladite societe ;
d'ou il suit que le moyen n'est pas fonde ;
rejette le premier moyen
mais sur le second moyen : vu l'article 1792 du code civil ;
attendu que, pour ecarter le recours en garantie de la societe civile immobiliere
le turso contre liogier et contre l'entreprise rougier, l'arret fonde l'absence
de faute de l'architecte et de l'entrepreneur sur le fait que la conception
de l'ouvrage et son exécution ont été correctes ;
qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait considéré que le maitre
de a... avait commis une imprudence en faisant exécuter les travaux,
la cour d'appel, en s'abstenant de préciser si les hommes de l'art avaient
mis en garde la societe civile immobiliere contre les dangers de l'entreprise
et si la societe civile immobiliere le turso était notoirement competente
en matière de construction et avait joue un rôle déterminant
sur le chantier au point de decharger les hommes de l'art de toute responsabilite
dans la realisation du dommage, n'a pas donne de base legale a sa decision ;
par ces motifs : casse et annule
a rapprocher :sur le n° 2 : 11 juin 1965, bull 1965, i, n° 373, p 276
;5 juin 1968, bull 1968, iii, n° 256, p 195.
Publication : N 492