Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 1995), que la
société Dumez Ile-de-France, chargée en tant qu'entreprise
générale, de la construction d'un lycée, a sous-traité
le lot " soutènement-terrassements généraux "
à un groupement d'entreprises comprenant la société Intrafor
; que l'exécution par cette dernière d'injections de ciment dans
le sol ayant entraîné des dommages dans les locaux contigus donnés
à bail à M. X... et à Mme Z..., ces derniers ont assigné
les sociétés Dumez Ile-de-France et Intrafor en dommages-intérêts
;
Attendu que la société Intrafor fait grief à l'arrêt
d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen,
1o que l'action en responsabilité pour troubles de voisinage provenant
de travaux de construction n'est recevable qu'à l'encontre du maître
de l'ouvrage ; qu'en accueillant l'action en responsabilité pour troubles
de voisinage dirigée par les consorts Y... à l'encontre de la
société Intrafor, société à laquelle la SNC
Dumez, entrepreneur général, avait sous-traité le lot de
soutènement, la cour d'appel a violé le principe selon lequel
nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2o qu'en omettant de répondre aux conclusions de la société
Intrafor faisant valoir que l'action en responsabilité pour troubles
de voisinage ne pouvait être exercée qu'à l'encontre du
maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau
Code de procédure civile ;
3o que la responsabilité du sous-traitant à l'égard des
tiers, comme à l'égard du maître de l'ouvrage est de nature
quasi délictuelle ; qu'en énonçant que la faute de la société
Intrafor résultait suffisamment du fait qu'elle n'avait pas su maîtriser
la technique mise en oeuvre, sans caractériser autrement que par cette
seule affirmation l'existence de cette faute et sans examiner ni préciser
les éléments lui permettant de se déterminer ainsi, la
cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure
civile ;
4o qu'en déduisant l'existence d'une faute à la charge de la société
Intrafor de la seule existence du dommage sans préciser ni justifier
en quoi cette société aurait commis une faute dans la mise en
oeuvre de la technique utilisée, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société
Intrafor avait injecté du béton dans le sol avec une intensité
excessive, que ce matériau avait pénétré dans les
locaux occupés par les consorts Y..., situés au-delà des
limites du terrain de la construction, et que la preuve était rapportée
d'un lien de cause à effet entre ces travaux et les dommages constatés
chez les voisins, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser
la faute du constructeur, a pu en déduire que la société
Intrafor était responsable du trouble excédant les inconvénients
normaux du voisinage subi par les consorts Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois.
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Publication : Bulletin 1998 III N° 144 p. 96
Resp. civ. et assur.1998, comm. 344