Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 30 juin 1998

N° de pourvoi: 96-13039
Publié au bulletin Rejet.

Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 1995), que la société Dumez Ile-de-France, chargée en tant qu'entreprise générale, de la construction d'un lycée, a sous-traité le lot " soutènement-terrassements généraux " à un groupement d'entreprises comprenant la société Intrafor ; que l'exécution par cette dernière d'injections de ciment dans le sol ayant entraîné des dommages dans les locaux contigus donnés à bail à M. X... et à Mme Z..., ces derniers ont assigné les sociétés Dumez Ile-de-France et Intrafor en dommages-intérêts ;
Attendu que la société Intrafor fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen,
1o que l'action en responsabilité pour troubles de voisinage provenant de travaux de construction n'est recevable qu'à l'encontre du maître de l'ouvrage ; qu'en accueillant l'action en responsabilité pour troubles de voisinage dirigée par les consorts Y... à l'encontre de la société Intrafor, société à laquelle la SNC Dumez, entrepreneur général, avait sous-traité le lot de soutènement, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2o qu'en omettant de répondre aux conclusions de la société Intrafor faisant valoir que l'action en responsabilité pour troubles de voisinage ne pouvait être exercée qu'à l'encontre du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3o que la responsabilité du sous-traitant à l'égard des tiers, comme à l'égard du maître de l'ouvrage est de nature quasi délictuelle ; qu'en énonçant que la faute de la société Intrafor résultait suffisamment du fait qu'elle n'avait pas su maîtriser la technique mise en oeuvre, sans caractériser autrement que par cette seule affirmation l'existence de cette faute et sans examiner ni préciser les éléments lui permettant de se déterminer ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4o qu'en déduisant l'existence d'une faute à la charge de la société Intrafor de la seule existence du dommage sans préciser ni justifier en quoi cette société aurait commis une faute dans la mise en oeuvre de la technique utilisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Intrafor avait injecté du béton dans le sol avec une intensité excessive, que ce matériau avait pénétré dans les locaux occupés par les consorts Y..., situés au-delà des limites du terrain de la construction, et que la preuve était rapportée d'un lien de cause à effet entre ces travaux et les dommages constatés chez les voisins, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser la faute du constructeur, a pu en déduire que la société Intrafor était responsable du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage subi par les consorts Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois.

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Publication : Bulletin 1998 III N° 144 p. 96
Resp. civ. et assur.1998, comm. 344