Cass. 3e civ., 20 déc. 2006,
n° 05-10.855,
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2004), qu'une
société civile immobilière, assurée par la société
Mutuelles du Mans assurances (MMA), a réalisé la construction
d'un immeuble, en confiant la maîtrise d'oeuvre à la société
Atelier 2M, assurée par la Mutuelle des architectes français (la
MAF) et la réalisation des travaux à la société
Colas Île-de-France ; que des désordres étant apparus sur
l'immeuble voisin trouvant leur origine dans le déroulement du chantier,
la société MMA a dédommagé les victimes de ces désordres,
puis a demandé remboursement de ses débours aux constructeurs
;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué,
réunis :
Attendu que la société Atelier 2M, la MAF et la société
Colas Île-de-France font grief à l'arrêt de les condamner
à rembourser à la société MMA les sommes qu'elle
a payées à la victime des troubles anormaux de voisinage, alors,
selon le moyen :
1°) que le constructeur non fautif ne peut supporter les conséquences
des troubles de voisinage inhérents aux travaux de construction ; qu'il
n 'apparaît pas, en l'espèce, que les travaux de construction aient
pu être menés à bien sans fragiliser le mur pignon de la
propriété voisine, et que les constructeurs aient commis une faute
; qu'en faisant droit, cependant, au recours de l'assureur du maître de
l'ouvrage promoteur, condamné sur le fondement des troubles anormaux
de voisinage à réparer les désordres subis par la propriété
voisine en raison des travaux de construction, aux motifs que si le promoteur
doit assumer le risque financier, il n 'a pas à assumer le risque technique,
la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2°) que le promoteur, maître de l'ouvrage d'une opération de
construction immobilière, doit, à défaut de faute des locateurs
d'ouvrage, supporter seul la charge du risque, inhérent à la réalisation
de tout chantier, de causer des dommages aux avoisinants ; qu'en l'espèce,
la cour d'appel qui a, au contraire, décidé que ce risque devait
être assumé par les constructeurs qui avaient réalisé
les travaux, a violé 1'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société MMA avait
dédommagé les victimes des troubles anormaux du voisinage, la
cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la prise
de risque de l'opération de construction, en a déduit, à
bon droit, que du fait de la subrogation dont elle était bénéficiaire
dans les droits de ces victimes, cette société était fondée
à obtenir la garantie totale des locateurs d'ouvrage auteurs des troubles,
dont la responsabilité n'exigeait pas la caractérisation d'une
faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Atelier 2M et la MAF font grief à
l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à être
garanties intégralement par la société Colas Île-de-France
des condamnations prononcées contre elles, alors, selon le moyen :
1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites ; que selon le CCAP, l'entrepreneur principal
ayant la garde du chantier, devait prendre à sa charge tous les dommages
causés à des tiers ; qu'en refusant de faire droit à l'action
en garantie de la société Atelier 2M et de son assureur contre
l'entrepreneur principal, la société Colas, aux motifs inopérants
selon lesquels ce n 'était pas la garde du chantier ou des engins qui
était en cause, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code
civil ;
2°) que l'architecte n 'est pas l'auteur des travaux dont il a seulement
assuré la conception et surveillé l'exécution et qui ont
occasionné des troubles de voisinage ; qu'en estimant que l'architecte
devait répondre à part égale avec l'entrepreneur principal
des troubles anormaux de voisinage engendrés par ces travaux, conçus
et exécutés dans le respect des règles de l'art, au motif
que ces troubles de voisinage feraient partie des imprévus de chantier
dont les constructeurs doivent répondre, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision et violé l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu que dans l'exercice du recours du maître de l'ouvrage ou
de son assureur au titre d'un trouble excédant les inconvénients
normaux du voisinage, la contribution à la dette, en l'absence de faute,
se répartit à parts égales entre les co-obligés
; qu'ayant retenu que la responsabilité, tant de l'architecte que de
l'entrepreneur, était engagée, vis-à-vis de la société
Mutuelles du Mans subrogée dans les droits des victimes en raison des
troubles anormaux de voisinage dont ils étaient les auteurs, sans qu'aucune
faute de leur part ne leur soit imputée, la cour d'appel en a déduit,
à bon droit, que, dans leurs recours entre co-obligés, chacun
supporterait par parts égales la charge de la condamnation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette les pourvois.
RCA 2007, comm.. 117, H. Groutel ;
RDC 2007, p. 754, S. Carval ;
JCP 2007, I, 117, H. Périnet-Marquet