Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 12 janvier 2011

N° de pourvoi: 10-10667
Publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 octobre 2009)
que suivant promesse sous seing privé du 22 avril 2002, la société civile immobilière Lacanau Clemenceau (la SCI) a vendu un immeuble à Mme X... ;
que la réitération de l'acte authentique prévue au plus tard le 30 septembre 2002 n'est pas intervenue
et que par assignation du 27 février 2003 Mme X... a fait assigner la venderesse en perfection de la vente ;
que par acte authentique du 13 mars 2003, publié à la conservation des hypothèques de Bordeaux le 18 mars 2003, la SCI a vendu le bien aux époux Y... ;
que par arrêt du 24 septembre 2007 la cour d'appel de Bordeaux, infirmant le jugement, a dit la vente parfaite au profit de Mme X... ;
que le 30 octobre 2007 les époux Y... ont formé tierce opposition à l'arrêt du 24 septembre 2007 contre lequel aucun pourvoi en cassation n'a été formé
et que par arrêt du 29 octobre 2009 la cour d'appel de Bordeaux a déclaré les époux Y... recevables en leur tierce opposition et constaté que l'immeuble litigieux était leur propriété ;

Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer la tierce opposition des époux Y... recevable, alors, selon le moyen :

1°/ que l'ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur, pour tous les actes accomplis antérieurement à l'accomplissement de la formalité de la publicité foncière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que la tierce opposition formée par M. et Mme Y... était recevable, car leur acte authentique avait été publié le 18 mars 2003, quand l'assignation en régularisation forcée de vente avait été délivrée dès le 27 février 2003, par Mme X... à la société civile immobilière Lacanau Clemenceau, ce dont il résultait que celle-ci avait représenté ses ayants-cause à titre particulier à la procédure, peut important que celle-ci ait abouti à un arrêt du 24 septembre 2007, a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une tierce opposition n'est recevable que si le tiers concerné s'est trouvé dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour qui a déclaré recevable la tierce opposition de M. et Mme Y..., sans rechercher si ceux-ci n'étaient pas, depuis le jour de la seconde vente dont ils avaient bénéficié, parfaitement informés de la vente précédemment consentie à Mme X... par la SCI Lacaneau Clemenceau, ainsi que de la procédure judiciaire les opposant et à laquelle ils avaient délibérément choisi de ne pas intervenir, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel retient à bon droit que si les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, lorsqu'un acte est soumis à publicité foncière, la représentation prend fin à compter de l'accomplissement des formalités de publicité foncière ; qu'ayant constaté que les époux Y... avaient publié leur titre à la conservation des hypothèques le 18 mars 2003 et exactement retenu qu'ils n'étaient plus représentés à la date de l'arrêt, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a justement déduit que la tierce opposition formée par les époux Y... était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rétracter l'arrêt rendu le 24 septembre 2007, alors, selon le moyen, "que la connaissance, par un second acquéreur, de l'existence d'une première cession constatée par acte sous seing privé non soumis à publicité foncière, lui interdit de tirer avantage des règles de la publicité foncière, que la cour d'appel, qui a rétracté l'arrêt du 24 septembre 2007 constatant le caractère parfait de la vente consentie sous seing privé à Mme X..., en se fondant sur le simple fait que M. et Mme Y... avaient acquis le même immeuble de la société civile immobilière Lacanau Clémenceau par acte authentique du 13 mars 2003, publié dès le 18 mars suivant, sans rechercher si ces seconds acquéreurs n'avaient pas signé leur acte en toute connaissance de l'existence de la première vente intervenue au profit de Mme X..., ce qui les privait du bénéfice des règles de la publicité foncière, a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955,ensemble l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'aux termes de l'article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires portant ou constatant entre vifs mutation ou constitution de droits réels immobiliers sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble ont acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés et constaté que Mme X..., dont les droits étaient nés d'une promesse de vente sous seing privé, ne pouvait justifier d'une publication, la cour d'appel, en rétractant l'arrêt du 24 septembre 2007, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Publication :
T. Revet, un revirement fâcheux… RTDCiv. 2011, 369 ;
D. 2011, 851, note L. Aynes ;
AJDI 2011, 238 ;
RTDCiv. 2011, 158, obs. P. Crocq, 532 ;
LEDC mars 2011, 6, obs. O. Deshayes ;
Dr et patr., juin 2011, obs. J.-B. Seube

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 22 mai 1990

N° de pourvoi: 88-11643
Publié au bulletin Cassation.
Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 22 décembre 1987), que, par deux actes sous seing privé, M. X... a vendu le même immeuble, le 13 avril 1985, aux époux Y... et, le 23 avril 1985, aux époux Z... ; que ces derniers ont publié l'acte authentique passé le 13 juin 1985, alors que les premiers acheteurs n'ont pu régulariser leur acquisition ;

Attendu que pour annuler l'acte du 13 juin 1985, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les seconds acheteurs n'ignorant pas, lors de la passation de l'acte authentique, l'existence de la convention précédente liant le vendeur avec un tiers, la publicité foncière opérée par les époux Z... n'est pas opposable aux époux Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, serait-elle établie, la mauvaise foi des époux Z... ne pourrait entraîner que l'inopposabilité de la seconde vente aux premiers acquéreurs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'acte sous seing privé du 23 avril 1985 ne réalisait pas une vente parfaite entre les parties et si, à cette date, la vente Caubolie-Moulinier était connue des époux Z..., n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 1990 III N° 128 p. 71
D. 1991, 326, note A. Fournier ;
RDI 1992, 104, obs. P. Delebecque et P. Simler ;
RTDCiv. 1990, 530, obs. M. Bandrac